Les samedis matin continuèrent à le passionner. Louis s’y sentait comme un poisson dans l’eau. Le jour où Frédéric rejoint quelques amis, il ne put cependant s’empêcher d’être déçu. Fini les douces matinées familiales. Mais sa curiosité habituelle fit vite défaut à sa jalousie, et malgré lui il adora le groupe. Philippe, Tristan, Albert, Paul, Laurent, tous des chasseurs amateurs que Louis considéra comme des camarades. C’est qu’il y avait à apprendre dans cette classe-là ! On lui montra des fusils, des balles. On l’habilla d’un long pantalon militaire et d’un casque orange. Cette fois, il ne s’agissait plus de reconnaitre les animaux mais de décider de leur sort. Dur constat, quant à tout juste sept ans on comprend le poids de la vie contre celui de l’homme. Frédéric se montra pédagogue, et les autres en firent autant. Louis n’assista d’abord qu’au dépistage. Une fois l’animal reconnu, on décidait de le tuer ou non, et le garçon courait se cacher derrière le premier arbre. Aux bouts de quelques temps, on cessa de l’avertir avant de tirer, et lorsqu’il resta près de son père, personne ne lui dit rien. On ramena le canard et chacun eu le droit d’y gouter pour le déjeuner.
Le petit garçon garda le silence quant à son opinion sur ce qu’il venait de se passer. La vérité voulait qu’il se sentît étonnement bien en découpant son aile gauche. Secrètement, il se prit d’admiration pour ce monde dont l’humilité consiste à se laisser avaler au profit d’un autre, et il se promit de ne jamais plus l’ignorer.