Vindicta : Chapitre XV

5 mins

Il faisait beau ce jour-là.

C’était remarquable parce que cela faisait une semaine entière qu’il pleuvait abondamment. Un signe du destin avait pensé Krystal alors qu’elle terminait d’enfiler sa robe pourpre en vérifiant sa silhouette dans le miroir.

Ce changement de climat signerait le changement de sa vie. Lioster était déjà loin dans sa tête, plus encore que la distance la séparant physiquement de cette ville. Après cette soirée, elle disparaitrait à jamais. Peut-être y repenserait-elle sur son lit de mort, dans de longues années, ou quand ses petits-enfants lui demanderaient où elle était née.

Ce soir, il la demanderait en mariage. Cette fois, elle ne ferait pas trainer les choses comme quand il l’avait courtisée. Quelqu’un la désirait enfin. Elle.

La pensée de son père la rejetant à cause de son sexe. La pensée de Vincent à qui on l’avait destinée sans lui demander son avis. La pensée de Véronica qui pouvait avoir la vie qu’elle désirait. Toutes sombreraient dans le néant de l’amertume et des regrets.

Ce soir elle serait fiancée, et dans quelques mois, chirurgienne reconnue,  spécialisée en greffes.

Elle avait tenté de garder la tête froide, essayant de se convaincre qu’il ne s’agissait peut-être pas de ça, mais ses amies avaient anéanti ses efforts. Elles avaient vu la bague.

Elle stressa tout le long du repas. Ne parlant que peu, et n’osant pas regarder cet homme qui allait la libérer de son passé. Elle se trouva stupide, comme une gamine lors de son premier rendez-vous. Quand allait-il faire sa demande ? Le personnel était-il de mèche ? Comment réagiraient les autres clients ?

Les plats se succédaient, et il était égal à lui-même. Charmant et charmeur, rendant intéressant la moindre de ses paroles, mais elle n’y était pas. Elle attendait la bague. Elle voulait la bague.

Le dessert, l’addition, et rien.

La déception pointait son nez lorsqu’il lui proposa d’aller à un endroit spécial pour lui. Elle accepta sans même y réfléchir.

Ils s’éloignèrent un peu de la ville, gagnant un chalet forestier au bord d’un lac. La surface reflétant la pleine lune offrait un cadre bien meilleur à une demande qu’un restaurant bondé d’inconnu.

Il parla du lieu, un lieu familial, qu’ils seraient bien ici pour les années à venir. Il la fit entrer. Des bougies partout.

Et des cadavres.

Elle n’eut pas le temps de réaliser le macabre décor, qu’une violente douleur déchira l’arrière de sa tête, et ce fut le noir complet.

Lorsqu’elle se réveilla, elle était attachée. Elle entendait des bruits métalliques au loin, mais toute son horreur venait des corps autour d’elle. Des femmes. Au moins une dizaine, dans différents états de décomposition lassant présager que certaines d’entre elles étaient là depuis plusieurs mois, voire même plusieurs années. Certaines la dévisageait de leurs regards vides et vitreux. Et toutes avaient la même bague au doigt.

Elle s’agita pour tenter vainement de se détacher. Les bruits cessèrent et il apparut, toujours aussi impeccable. Mais il n’avait plus rien de charmant, ni de charmeur, même si il y mettait toujours le ton.

Elle n’écouta pas le laïus qu’il fit sur ses motivations, sa passion perverse. Elle s’en moquait. Elle était surtout en colère contre elle-même. 

Son attitude ne sembla pas lui plaire. Si elle l’avait écouté, elle l’aurait entendu parler de sa fascination pour terroriser celles qu’il avait séduites. Cet amour pour cette lueur d’incompréhension et de désespoir quand elles comprenaient qu’elles s’étaient trompées. Mais de tout ça, Krystal n’exprimait rien.

Il la frappa une première fois. Elle ne réagit pas. Il s’énerva, cria.

— Va te faire foutre ! finit-elle par crier.

Elle ne s’adressait pas spécialement à lui, mais plutôt au destin semblant la punir de son audace d’avoir voulu échapper à Lioster. Mais il le prit pour lui. Les coups redoublèrent, et de nouveau, le voile sombre se baissa sur sa conscience…

Quand elle se réveilla, des douleurs sur tout le corps, elle mit un temps avant de réaliser que quelqu’un gémissait non loin. Ça pleurait, ça suppliait, ça hurlait de douleur…

Elle reconnut d’abord sa voix. Quand sa vue redevint nette, elle vit son ex futur fiancé dans une mare de sang, et au-dessus de lui quelqu’un penché, tenant avec une sorte de pince à épiler une paupière tandis qu’il faisait passer une aiguille par en-dessous. L’autre œil était déjà cousu.

Il grattait le sol et elle vit que ses doigts avaient eu tous les ongles arrachés. Pour la première fois de la soirée, elle eut peur. Non pas de son bourreau, mais de son sauveur.

Il tourna la tête vers elle, sans arrêter de faire passer l’aiguille de part et d’autre de la paupière.

— Réveillée ? dit-il d’une voix calme. J’espérais avoir fini avant…

Elle le reconnut aussitôt. Cela faisait des années qu’elle ne l’avait pas vu, mais un tel regard, ne pouvait s’oublier.

— Vincent ?

— Tu es médecin, c’est ça ? poursuivit-il sur le même ton calme alors qu’il s’attaquait à présent aux lèvres de l’homme.

— Comment… Que fais-tu.. Que…

— Elle est morte. Ils l’ont tuée.

Elle n’eut pas besoin de précision pour savoir de qui il parlait.

— Elle va avoir besoin de toi. Tu vas m’aider ? demanda-t-il alors qu’il scellait désormais les narines sur l’arête centrale du nez.

Il se releva et se dirigea vers elle pour la détacher, laissant l’homme s’étouffer dans des spasmes, se grattant désespérément le visage de ses doigts sans ongles. Elle vit également le sang sur ses pieds. Aux marques, elle devina qu’il avait sans doute les tendons tranchés.

Elle éprouva presque de la peine pour lui. Presque.

Libre, elle se massa les jambes et les poignets.

— Que fais-tu ici ? Comment m’as-tu trouvée ?

— Je te cherchais. J’ai croisé tes amies qui ont fini par me dire où tu étais. Le restaurant. De là… J’ai suivi le vent dans les feuilles. Les arbres ne mentent pas.

— Tu veux que je gobe ça ?

— Veux-tu vraiment douter ?

Elle frissonna. Remarqua que l’homme au sol ne gesticulait plus et fut soudain prise d’une nausée, puis d’une inquiétude :

— Mais… mes amies… Tu…

— Elles vont bien.

Un silence pesant s’installa. Elle ne savait pas si elle devait être reconnaissante, ou si elle devait prendre ses jambes à son cou. Il venait de tuer un homme sous ses yeux, sans la moindre émotion. Mais elle ne sentait pas en danger.

— Tu as dit…

— Elle est morte. Ils payeront tous pour ça. Mais j’ai besoin de toi.

— Comment ? Que comptes-tu faire ?

— C’est mon affaire. Mais ce que je veux….

Il lui expliqua ce qu’il attendait d’elle, et elle essaya de lui faire entendre raison, lui exposant des faits qu’il renia. Il attendait une réponse, Oui ou non, en était-elle capable. Elle finit par acquiescer…

De toute cette histoire lui revenant à l’esprit dans les moindres détails, Krystal ne raconta que la fin à Alphonse. Voyant sa tête, elle se dit qu’elle avait bien fait d’occulter sa séquestration par un tueur en série, et son sauvetage par un sociopathe sadique assoiffé de vengeance. Non il n’avait pas besoin de savoir tout ça.

Elle lui donna juste une information. Vincent voulait que Véronica puisse assister à sa vengeance, à la destruction de cette ville, de tous ses mensonges. Elle lui avait donné l’occasion de le faire.

Ressortant hagard de son entrevue avec elle, Alphonse déambula longtemps dans la rue. Il ne remarqua même pas l’épaisse fumée noire s’élevant dans le ciel depuis l’église au loin.

Il comprenait désormais pourquoi le portrait de Vincent différait du modèle sur la seule teinte de cet œil bleu…

( à suivre…)

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2 Commentaires
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Smits Annick
1 année il y a

Ah là on vient de passer dans un autre niveau … J’adore toujours autant 😀

DeJavel O.
1 année il y a

Alphonse a reçu quelques confidences de Krystal. Mmm… Mais comment Vincent compte-t-il s’y prendre pour détruire la ville ? Brr… un chapitre épeurant à souhait, surtout au début !

J’ai bien aimé ce passage :

« …elle se dit qu’elle avait bien fait d’occulter sa séquestration par un tueur en série, et son sauvetage par un sociopathe sadique assoiffé de vengeance. »

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