L’héritage du Zénith – I

4 mins

Horgia, la capitale terrestre de l’empire des profondeurs, constamment plongée dans l’épais brouillard généré par des centaines de forges.

La lave elle-même des volcans environnants était utilisée pour fondre les matériaux les plus rares du monde. Avant même l’emprise de Lucifer, cette cité était déjà renommée pour sa métallurgie inégalée.

Certains avançaient l’hypothèse que c’était cette raison qui poussa le ciel à projeter Lucifer ici, pensant du même coup anéantir une ville dont les ouvrages étaient davantage vénérés que la parole céleste par certains humains.

Aucune verdure ne pouvait pousser en ce lieu au sol aride, sombre, et craquelé par la chaleur. Une cacophonie mêlant éclats de voix, martèlement, et gorges enrouées serpentait dans ses rues sinueuses. Les différentes demeures, aux façades noircies par l’exposition continuelle aux fumées nocives et acres s’échappant de divers endroits du sol volcanique, s’élevaient tels des défis lancés au ciel. Mais ces provocations n’étaient rien en face de celles que constituaient les quatre-vingt-seize tours de différentes tailles, formant le palais princier, érigées telles des pieux perforant le ciel.

Sur ses terres périphériques, au-delà des murs anthracite ceinturant la cité en elle-même, un nuage de poussière gagnait en volume.

Depuis l’aube, une coalition regroupant une vingtaine de royaumes d’Etherre, combattait avec la force du désespoir. Son but : faire tomber la grande porte ornée d’or et de deux têtes de dragons menaçant, dans le but de pénétrer dans la cité frontière.

Face à eux, les premières troupes de la ville tenaient le choc. Le combat s’éternisait et les bruits de lames s’entrechoquant, de cris, de douleurs et d’encouragements, se mêlaient en une symphonie guerrière, violente, et sanglante.

Au milieu de cette scène tragique, le nuage de poussière se dissipa soudain : quelques instants plus tôt, quelque part au cœur de la cité, quelqu’un venait de décider que tout cela avait trop duré…

Un étrange animal venait de poser ses sabots ferrés de diamants au sol, piétinant au passage deux soldats ennemis. Son cavalier, en lourde armure, toisa avec mépris la dizaine de guerriers encore hagards face à lui. Il leva haut une grande hache dorée, décrivant un grand cercle dans les airs et tous ses adversaires proches furent projetés en arrière, leurs corps se scindant en deux lorsqu’ils heurtèrent le sol. Le destrier, ressemblait vaguement à un cheval chimérique à la robe noire parsemée de cicatrices, six yeux rouges se partageant l’espace entre ses naseaux et ses oreilles. Il se cabra sur ses quatre pattes arrières, battant l’air des quatre avant et déploya de longues ailes semblables à celles des chauves-souris, tout en poussant un hennissement strident et martelant le sol furieusement. Le cavalier, arborant une imposante armure noire et or, reprit rapidement le contrôle de sa bête infernale. Il donna un coup sec de sa hache dans le vide, puis nettoya le sang restant dans sa cape rouge sombre dont les quelques reliques immaculées laissaient présager d’une blancheur totale à son origine.

Deux silhouettes s’approchèrent hâtivement de lui, mettant aussitôt un genou à terre. Elles étaient habillées de la même façon, dans une longue pèlerine noire et rouge, capuche rabaissée sur la tête. Elles se ressemblaient tellement qu’il aurait été impossible de les différencier si l’une d’elles n’était pas amputée du bras droit, et l’autre du gauche.

Le cavalier posa un regard froid sur elles, sans dire un mot, et l’être sans bras droit prit la parole :

— Seigneur. Sa Majesté votre père vous demande au palais impérial…

Un grognement fut la seule réponse qu’il obtint en premier lieu, alors qu’un rayon de soleil, parvenant à percer l’épais voile sombre obscurcissant le ciel, dévoila plus précisément les traits du cavalier. Même si l’étrange pégase était bien plus grand que n’importe quel cheval traditionnel, il était évident que l’homme le montant était lui-même d’une taille bien supérieure au commun des mortels. Et bien que l’armure dusse encore accentuer l’impression, il n’y avait que peu de doute quant à la musculature démentielle de ce colosse.

Si, à première vue, on aurait pu le penser coiffé d’un casque, il n’en était rien. Il s’agissait en fait d’un réseau de cornes parcourant son visage, laissant présager d’un homme d’une quarantaine d’année humaine. Peut-être était-il moins âgé tant il semblait marqué par les guerres. Une grande cicatrice barrait en ce sens son visage de la tempe gauche vers la joue droite, ayant miraculeusement épargné son œil proche de quelques millimètres. Ou alors était-il en fait bien plus vieux au regard de ses caractéristiques bien peu humaines.

Des cornes naissaient au milieu de son front, parcourant une partie sous la peau pour jaillir au niveau des tempes et se scinder une première fois en deux. Un long segment remontant verticalement vers la tête pour finir dressée, en pointe, quelques centimètres au-dessus du crâne. La deuxième partie suivant le contour de ce dernier jusqu’à l’arrière des oreilles où elle se séparait une nouvelle fois en deux : une portion contournant le pavillon et revenant terminer en pointe sur ses joues, menaçant de les entailler s’il lui prenait l’envie de sourire. L’autre remontait vers le sommet de la tête pour terminer là aussi, à quelques centimètres au-dessus, semblant ainsi le parer d’une couronne à quatre pointes délimitant une courte chevelure d’un noir profond.

Après un instant de silence, il s’adressa à ses deux serviteurs jumeaux avec une voix qui ferait trembler d’effroi le plus courageux des guerriers, et sur un ton ne laissant aucun droit de réponse :

— J’y retourne. Mais écimez ce paysage avant mon retour.  Je ne veux plus voir une seule tête qui dépasse !

Les serviteurs s’inclinèrent, et observèrent leur maître cabrer son destrier d’une main ferme, tenant les sangles dorées lui servant de rênes :

— Belpath, on décolle ! lança-t-il d’une voix rauque tandis que l’animal déploya ses ailes, et disparut rapidement dans le ciel en soulevant un nuage mêlant poussière, sang et cadavres.

Les serviteurs le suivirent du regard un instant, puis, tirant chacun de leur dos une longue et fine lame courbée, ils se jetèrent dans la bataille. Les deux ombres rapides et mortelles, ne laissèrent dans leur sillage que des corps décapités…

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1 Commentaire
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Smits Annick
1 année il y a

Très bien écrit, j’adore toujours ton style ^^

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