Depuis mes plus lointains souvenirs, j’ai toujours entendu mes semblables se revendiquer plus forts les uns que les autres. Si ils ne suivaient pas ces « chemins tracés » pour eux par une éventuelle destinée ou une autorité morale, ils se proclamaient comme plus puissants, plus fiers qu’autrui, sans se rendre compte qu’ils s’inscrivaient dans ce que la réalité nous impose. Eux-mêmes sont les acteurs d’un quotidien qui ne doit pas déroger à la norme établie. Etre et vivre sans se poser trop de questions.
Loin de ma pensée, d’émettre une critique de cette manière de vivre son temps. Mon sentiment est ce dernier ; ceux qui ne sont pas étouffés par un questionnement trop pressant sont ceux qui connaissent le «Bonheur». Mais est-il le seul et l’unique, comme on le décrit le plus souvent ? Ces hommes se font aux choses qui les font rire qui les aiment et qui les blessent. Ils parviennent à s’adapter et à évoluer dans une vie que l’on sait parfois bien cruelle.
Il est vrai qu’il m’est arrivé et qu’il m’arrive encore d’être jalouse de cette candeur, de cette paix que je ne peux atteindre. Certains jours, je ne fais que penser. Bien avant de te rencontrer d’ailleurs, cette habitude d’observer la vie sans la vivre vraiment me convenait. J’espérais me préserver un maximum des peines que nous avons à affronter. Comment aurais-je pu faire confiance à ceux qui ouvrent trop facilement leur coeur aux premiers venus.
Je n’ai pas une vision très positive de ce que je suis. Je n’ai jamais été très intéressante, sans être laide, je ne suis pas très jolie. Moyenne. Voilà, c’est le terme qui convient. Je sais que, toi, tu n’as pas toujours eut cette image de moi, mais à présent, mon souvenir à t’il changé ? Suis-je devenue comme les autres ?
Si parfois, je me sens pousser des ailes. Une forme d’exaltation me libère et m’entraine là où dansent en harmonie les nuages des chaudes journées de printemps. Aussi agréable que soit cette sensation, jamais elle ne dure. Ne dit-on pas que la naturel revient au galop ? Abattue en plein vol par la Réalité. Elle me ramène avec fracas au sol. Là où tout est perdu et où plus rien n’a de sens.
Cette dernière frappe, d’ordinaire, trois fois à ma porte. Elle se présente toujours de la même manière. Elle me sourit derrière ses traits radieux, déjà, les doutes se pressent. Saisissant mon courage à deux mains, je m’attache à ce qui compte pour moi ; ces petites choses du quotidien qui pour certains sont absurdes, mais qui pour d’autres sont de véritables trésors. Ensuite, survient le troisième coup, de son implacable impartialité, elle me laisse seule avec mes angoisses.
Elle emporte tout avec elle. Il ne me reste plus que les ténèbres et une étincelle qui à chaque nouvelle visite se fait de plus en plus fébrile. Si tout est perdu, il faut tout recommencer. Pour ce coeur meurtri, il faudra construire un mur encore plus haut, encore plus fort. Même si ce qui me reste comme force s’affaibli, allant jusqu’à abandonner la lutte…
Alors, ce sont les pleurs, les cris silencieux que je garde pour la nuit noire qui se succèdent pendant un temps. Je m’excuse d’avoir peur d’essayer. Il faudrait que tout soit parfait tout en sachant que mon imperfection m’enchaine inexorablement à ma médiocrité. C’est comme si mon âme appelait la mort de tous ses voeux. La grande Dame noire ne l’entend pas, elle ne viendra pas la soulager de son fardeaux…
Le soleil se lève à nouveau, et il faut continuer encore et toujours. Les angoissent, elles s’endorment jusqu’à la prochaine Lune qui leur sera favorable.
Sans n’avoir jamais cessé d’y croire, j’avais fini par me persuader que les rêves nés de ces petites étincelles d’espoir, qu’un jour, je serai touchée par cette gloire qui fit des héros d’antan des dieux auréolés de grâce.
Tu constateras que mes aspirations sont très modestes…
Voici le résultat, mon esprit rêveur préfère se voir ailleurs et vivre d’exploits qui aujourd’hui non plus de sens. Un seul but, même si j’ai honte encore d’y penser c’est de rendre les autres fiers de ce que je suis. Non, je n’ai pas besoin de susciter de la jalousie pour être heureuse mais je veux que le temps investi à ceux qui auront décidé de m’aimer ne soit pas gâché…
Pourtant.
Luttant à contre courant, je déçois tant. C’est blessant. Tranchée dans la chaire par des mots que d’autres ne pensent pas et d’autres phrases qui sont plus réfléchies.
Minable ? Est-ce le cas ? Probablement. C’est l’affaire de ceux qui ne sont pas « adaptés » aux autres. Des solutions sont toujours envisageables ; se plier autant se faire que peut quitte à devenir un autre, mentir et vivre son existence caché, se détacher du regard des autres et vivre heureux comme on le prétend… Bien d’autres manières de procéder sont possibles. Je suppose qu’on trouve chacun son échappatoire.
Pour ma part, tu sais que je me décris comme introvertie et « asociale ». Ce premier adjectif fait partie complètement de ma personnalité mais le second, je l’ai ajouté par convenance. C’était plus facile.
« Mais non, maman, je n’aime pas les gens. Je préfère rester ici ». Quelle triste vérité se cache derrière cette excuse ? Serait-ce parce que je ne me suis jamais sentie à l’aise avec les autres enfants ? Il n’y a pas de responsable de cet état de fait. Je ne blâme personne pour cela. Il s’agit simplement de ce qui fait ce que je suis. En tous cas, j’ai toujours choisi volontairement ou non de prendre la fuite. Je ne m’en souviens même plus.
Fuir. C’est une idée mais, une idée à court terme. Alors, j’ai couru aussi loin que j’ai pu. La plus part du temps c’était même sans m’en rendre compte. J’ai voulu vivre à ma manière. Suivre mes idées qui je le pensais jusqu’à récemment étaient partagées par un grand nombre. Quelle erreur de jugement …