Dans l’antre du Coin des Amis. (Chapitre 5.1)

4 mins

– Si ça te dit, on peut aller se réchauffer dans cette auberge, ils sont encore ouverts, propose le photographe, dans une ultime tentative.

Erwann joue son vatout, sa dernière carte pour ce soir. Son cœur tape dans sa poitrine.

– D’accord, répond-elle vivement, soulagée et impatiente de pouvoir aller au chaud et quitter l’air humide environnant.

Tous les deux déposent leurs affaires dans le coffre de leur voiture et filent vers l’enseigne allumée. D’un geste protecteur, Erwann l’entoure à nouveau d’un de ses bras et lui frotte vigoureusement le haut du corps tout le long du chemin qu’il leur reste à parcourir. En quelques enjambées dynamiques, ils sont devant la porte du « Coin des Amis ».

Le photographe en saisit la poignée, puis se décale pour laisser Gwendoline entrer la première. La pièce est délicieusement chauffée et presque déserte. Tout au fond apparait une véritable et imposante cheminée, avec des vraies flammes et une authentique odeur de bois brûlé.

Hypnotisée par cette merveille, et encouragée par Erwann qui la pousse légèrement dans cette direction, Gwendoline se faufile entre les tables pour aller coller ses mains devant l’âtre.

Il se dirige vers le comptoir pour commander une table pour deux, « si possible près de la superbe cheminée à l’ancienne ». La patronne est ravie et leur installe immédiatement deux couverts, puis dépose la carte des menus et s’éclipse en attendant qu’ils aient choisi.

Revigorée par l’ambiance intimiste et familiale du restaurant, Gwendoline semble à nouveau détendue et pleine de vie. Assise sur le socle en pierre de la cheminée rustique, elle est rejointe par Erwann qui lui présente la carte.

Elle la saisit et en profite pour déposer ses mains réchauffées sur celles du photographe, qui se délecte de ce contact doux et chaud. Tandis qu’il a encore les mains gelées, il apprécie qu’elle lui transmette de sa chaleur retrouvée.

Son geste n’est pas intime, il est généreux. Elle veut lui faire profiter de ce bien-être qu’elle ressent à présent grâce à son idée. Il savoure cet échange et attend qu’elle se retire, pour lire son menu.

– Un bon plat chaud nous fera le plus grand bien, dit-il en détaillant la carte imprimée.

Déjà son ventre se tord, réveillé par la lecture des plats proposés et par l’odeur d’un agréable fumet qui provient des cuisines. Il ne s’était pas aperçu qu’il avait si faim.

Gwendoline n’est pas en reste, alléchée par un menu presque gastronomique. La suggestion du chef a sa faveur :

– Potage aux légumes anciens à la crème et crème brûlée, hum, de quoi être bien rassasiée.

Erwann approuve son choix qu’il qualifie d’excellent et décide d’en faire autant.

Un instant, elle se pose pour elle-même la question du prix, mais, comme lisant dans ses pensées, Erwann la prévient :

– Tu es mon invitée. C’est pour me faire pardonner de t’avoir presque fait mourir d’hypothermie !

Elle rit de bon cœur et se détend encore plus, sous le charme de ce beau photographe, généreux et drôle. Elle n’était pas inquiète à l’idée de partager l’addition si la situation s’était présentée car elle gagne très bien sa vie, mais ce geste de la part d’Erwann est un plus.

Plus elle le découvre, plus elle est agréablement surprise par cet homme qui, sous un premier abord timide et réservé, se révèle entreprenant et sympathique. D’ailleurs, elle constate qu’il se montre de plus en plus loquace et souriant.

Lorsque la patronne apporte l’entrée, ils sont toujours tous les deux assis sur la marche de la cheminée, le dos offert aux flammes, leurs manteaux encore sur eux. Erwann se lève le premier et lui tend la main pour l’aider à en faire autant, profitant de ces quelques secondes pour apprécier encore la douceur de sa peau. Puis, alors qu’elle termine de déboutonner son manteau pour se dévêtir, il se place derrière elle et l’aide à le retirer, se chargeant de l’accrocher à une patère judicieusement placée tout près de la cheminée. Enfin, il tire délicatement une des deux chaises de leur table pour qu’elle puisse s’installer. Gwendoline en reste bouche bée.

Ne comprenant pas tout de suite le traitement de faveur auquel elle est soumise, la jeune femme reste immobile. Erwann l’encourage d’un hochement de tête et, alors qu’elle se glisse vers la chaise, il replace cette dernière sous elle, au moment où elle s’assoit.

Tous les gestes de cet homme sont emprunts d’une grande élégance et elle se sent soudain rougir d’être traitée avec tant de déférence.

Est-ce un conte de fée ce soir ? Est-il un prince charmant venu d’une autre époque ? A-t-il garé son carrosse sur les berges de la Loire ? Aurait-elle regardé trop de dessins animés romantiques avec sa fille ?

Soudain rêveuse, Gwendoline l’observe à la dérobée, se posant mille questions sur les origines de ce quasi inconnu avec qui elle se sent maintenant en totale confiance.

Elle se ressaisit, secouant ses longs cheveux pour se réveiller de ce songe irréel d’où ce preux chevalier semble tout droit sorti. Non, il n’est pas venu au château pour délivrer la princesse d’une vie morne et insipide. Déjà parce que sa vie n’est ni morne, ni insipide, et parce que c’est juste son photographe qui l’invite à diner pour lui éviter une fluxion de poitrine.

L’heure n’est pas aux circonvolutions de l’esprit, il est temps de passer à table.

Confortablement assise, réchauffée par le feu de l’âtre qui crépite à côté d’eux, elle admire le bon bol de soupe fumant qu’on vient de déposer devant eux. L’entourant de ses deux mains, elle apprécie le contact brûlant du récipient et savoure l’aspect gourmand de la mixture couleur citrouille.

– Hum, ça a l’air délicieux, se réjouit-t-elle en humant les douces volutes parfumées qui s’échappent de la préparation. Bon appétit Erwann, ajoute-elle avec un clin d’œil.

– Bon appétit Gwen, que cette soupe te permette de reprendre des forces et de te réchauffer.

Elle le remercie d’un large sourire et commence à savourer le succulent breuvage épais, sucré et épicé tout à la fois. Fermant les yeux quelques instants pour apprécier sa première lampée, elle s’apprête à remercier Dieu intérieurement, lorsqu’elle entend :

– Parle-moi de toi.

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