Mets les gaz, Gaz ! (chapitre 6.6)

3 mins

Sur le chemin du retour, Gwendoline ouvre les vitres et laisse ses cheveux s’emmêler au contact de l’air humide et frais. Elle jette un œil dans son rétroviseur intérieur et voit le visage d’une femme souriante, épanouie. Était-ce le même il y a quelques heures ? Elle en doute. Elle se sent différente, transformée. Légère. Vibrante.  

En un mot, heureuse.

                                                 

Dans la solitude de son appartement de standing, Erwann pose son téléphone en évidence sur la table, la sonnerie au maximum, prêt à bondir pour lire le message qu’elle ne devrait pas tarder à lui envoyer. Il se débarrasse de sa veste aviateur, laisse tomber ses clefs sur la console de l’entrée ainsi que son paquet de cigarettes. Avec un sourire, il constate qu’il n’y a pas touché depuis la dernière clope qu’il s’est grillée avant le début de la séance. Pourtant, dans sa voiture, son premier réflexe a été de le chercher dans la poche de son manteau ; une fois entre ses mains, il fit une pause : avait-il vraiment besoin de cette énième cigarette ?

Posé sur la console, éclairé par une petite lampe, le paquet semble le défier, l’inviter à en prendre une. Une autre, une dernière ou une de plus. Mais une autre, encore. Il entend deux voix qui s’opposent à cette idée, comme si un petit diable et un petit ange étaient posés sur chacune de ses épaules. La tentation face à la raison. Il souffle un bon coup et se retourne, laissant le tout à l’abandon dans le vestibule.

Ce soir, il a passé une soirée merveilleuse et n’a pensé à aucun moment à allumer une cigarette. Il était avec elle et sa présence l’a pleinement comblé.

Au même instant, la sonnerie de son portable résonne dans le salon et il se précipite pour le regarder.

Une bulle de la messagerie instantanée s’ouvre.

– Alors ?

Perdu. C’est Richard qui, dévoré par la curiosité, ne peut s’empêcher de venir aux nouvelles.

– Eh bien… la séance s’est très bien passée et… elle est à tomber.

– A ce point-là, c’est le coup de foudre ?

– En tout cas, elle me plaît. Intelligente, drôle, belle…

– C’est cool, je suis content pour toi. Tu la revois quand ?

– Je ne sais pas encore. Bientôt, j’espère. Et ton apollon ?

– Il vient de quitter l’appart.

– Coup de foudre ?

– Coup de bite, seulement. Désolé, je ne crois plus en l’amour depuis que Benjamin s’est servi de mon cœur pour nettoyer le sol de son restaurant.

Benjamin est son ex, le seul que Richard n’ait jamais aimé. Chef étoilé, ce dernier possède un des plus beaux établissements de la presqu’île de Crozon, avec un emplacement très convoité, idéalement situé face à la mer. Hétéro le jour et homosexuel la nuit, il n’a jamais assumé ses penchants qu’il qualifiait de déviants et avait préféré mettre un terme à sa relation avec Richard pour continuer à vivre une vie factice de mari et de père dévoué.

Richard en avait eu le cœur brisé.

– Je suis passé par là, Bud, compatit Erwann, en utilisant volontairement le surnom affectueux qu’il est le seul à lui donner.

Grand amateur de tous les types de houblon, Richard a toujours adoré la bière légère américaine Budweiser, dont est inspiré ce sobriquet.

– Apparemment, faut pas désespérer, reprend le photographe pour le consoler. Les choses peuvent s’arranger.

– T’es mignon quand t’es amoureux, tu dis tout un tas de conneries. Hey, mec, tu me laisseras organiser ton enterrement de vie de garçon ?

– T’es con. C’est un peu prématuré. Mais promis, je te laisserais t’en charger. C’est pas vraiment le style de Quentin de toute façon.

– En parlant de lui, je trouve qu’il picole pas mal en ce moment. Sans déconner, quelque chose semble lui prendre la tête, lui confie Richard qui semble sincèrement inquiet.

– Je n’avais pas remarqué. Je lui en parlerai lors de notre prochaine soirée.

– Je préfère que ça vienne de toi. Il va encore dire que je me prends pour sa mère. Tiens-moi au courant. Bonne nuit Gaz.

Erwann sourit en lisant le petit nom que Richard lui a autrefois trouvé. Cela remonte à une éternité, alors que tous les deux avaient l’habitude de passer leurs soirées à enflammer les dancefloors des boites de nuit branchées. Erwann, excellent danseur à l’époque, s’était vu surnommé ainsi par son pote, car, comme il le lui avait expliqué : y’a que le gaz pour s’enflammer comme ça !

Depuis, cela lui était resté.

– Bonne nuit ma biche.

Alors qu’Erwann s’apprête à reposer son téléphone, un nouveau message apparaît.

« Suis bien arrivée. Merci pour ce merveilleux moment, pour la séance photo et pour tout le reste. Je suis ravie de t’avoir rencontré. J’ai hâte de continuer notre… collaboration 😉

Bonne nuit. Bises.

Gwen »

Les yeux brillants de joie, Erwann s’écroule sur son canapé et se met à regarder le plafond, le cœur rempli de gratitude.

FIN DU CHAPITRE SIX

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