J’étais supposée passer l’après mdi chez Salomé. La rentrée était juste demain. J’avais préparé absolument tout, mais il y a une chose à laquelle j’étais incapable de me préparer, c’était affronter Vincent. Je ne pouvais plus me voiler la face, je devais y faire face même si je n’en avais aucunement envie.
Salomé se sert un verre de vin et retourne s’asseoir devant moi.
– Franchement, c’est trop sympa de ta part de me rendre visite !
– Que veux-tu, je te le dois bien, tu ne crois pas ? Et toi, à boire du vin dès 15 heures, t’es grave…
– J’adore ça, que veux-tu.
Elle finit son verre, cul sec et le repose sur la table basse.
– On va pouvoir discuter tranquillement !
– Oui, ton projet, ça avance ?
– Par discuter, j’imaginais plutôt des copines qui bavardent de tout et de rien.
Elle prend un biscuit sur une des assiettes posées et le finis en une bouchée. Elle et son ventre alors…
– Ça va toi ? J’ai l’impression que ça fait des lustres que je ne t’ai pas vu.
– On n’a plus pris le temps de se faire des après-midi comme ça.
Elle s’empare de la télécommande et allume la télé.
– Un film cool passe. Comment je le sais ? Y a souvent des trucs sympa dimanche.
– C’est vrai, ça.
– Tiens.
Elle me tend une assiette pour que je prenne un gâteau.
– Maintenant que Alyssa n’est plus là, ça fait bizarre. Je sais que ça fait 2 ans mais quand même…
En entendant le nom d’Alyssa, je me sens traisaillir. Je voulais vite changer de sujet…
– D’ailleurs, t’as pas de nouvelles d’elle ?
– Non.
– Elle n’a plus jamais appelé ?
– Si mais plus depuis 6 mois.
– Et t’as jamais voulu renouer avec elle ?
– Non. On a chacune nos vies à présent.
– Elle te manque parfois.
Je ne réponds pas continuer de fixer l’écran noir de la télévision, alors Salomé insiste.
– Écoute… jcomprends que tu veuilles des réponses mais je suis incapable de te les donner.
– Je vois… répondit-elle.
– Tu sais en fait… je suis un peu fatiguée, je crois que je vais rentrer. On pourra se revoir une autre fois.
Visiblement, Salomé s’attendait à tout sauf ça, alors là seule réaction qu’elle eut fut de hocher docilement la tête.
Sans demander mon reste, je quitte précipitamment son appartement. Mon visage fut fouetté par la chaleur étouffante mais pourtant rassurante de Août, qui avait un goût d’éternité, pour moi. Je ne pleurais pas mais la douleur que je ressentais tout au fond de mon cœur était immense. De la culpabilité, de la peine, du manque. Je passais mon temps à me mentir à moi même mais je devais toujours refaire face à la vérité des choses. J’ai essayé d’effacer Alyssa de ma mémoire et de mon cœur, de ma vie surtout depuis ce jour maudit où elle a quitté le village mais même si j’arrivais à aller de l’avant, elle était inoubliable.
Je n’en voulais pas à Salomé pour avoir remué le couteau dans la plaie, parce que personne n’avait compris ce qu’il s’était produit, et comme beaucoup, elle voulait des réponses. La vérité, c’est qu’Alyssa n’avait absolument rien à se reprocher. C’était moi, et moi-seule la fautive de tout ce gâchis. Au départ, quand elle a dû quitter le village, lui parler et me souvenir d’elle me rendait beaucoup trop triste. Alors quand elle me téléphonait ou venait me rendre visite, je restais toujours cordiale et évasive puis, peu à peu, je me suis mise à être froide et indisponible. Ainsi, ses appels et ses retours au village se sont de plus en plus espacés jusqu’à ne plus revenir ou appeler. Tout ceci était il y a 6 mois. À mes yeux, c’était mieux ainsi, ni elle ni moi n’avons à souffrir.
***
J’étais devant le lycée à me tourner les pouces en attendant mes amis. Comme toutes les rentrées, depuis que nous avons formé notre petite bande, j’étais toujours la première à arriver et Charlotte la dernière. J’étais donc assise sur un banc à patienter. Réfléchir surtout. Hier, après être rentrée de chez Salomé, le moral complètement dans les chaussettes, j’ai reçu un appel de la librairie, me disant que le Loup de Steppes était arrivé. Ce n’était certes pas Ibrahim mais je voyais ceci comme une occasion de continuer ce qu’on avait, disons, commencé, 2 semaines plus tôt, au téléphone. Je me rendis compte que j’avais complètement oublié Vincent et sa proposition, durent ces 2 mois de vacances. Cette impression s’est vite concrétisée quand je l’ai vu s’approcher dangereusement du lycée. J’ignore si il m’avait aperçut mais j’ai vite essayé de donner l’impression de faire quelque chose. J’ai sortie mes clés de la poche de ma veste et commencé à tripoter le trousseau mais en levant rapidement les yeux, je l’ai aperçu qu’il se dirigeait vers moi. Mais je fus soulagée en voyant que Maximilien était derrière lui en marchant à pas de loup. Il lui avait tapé l’épaule, comme Charlotte, il y a quelques semaines et comme toujours, Vincent s’est mis à sursauter et ce fut drôle à voir. Je bénis le ciel d’avoir amené Maximilien à ce moment là et décide de les rejoindre.
– Wouah ! Elza, cria Maximilien. T’es magnifique !
Il fonça littéralement vers moi et me pris dans ses bras, me soulevant quasiment. Il a de la force, ce bougre.
– Maxi, tu sais que tu m’étouffe ? Enfin, quoi que je te dises, tu n’en feras qu’à ta tête…
Il me repose et se tourne vers Vincent avec qui il eut une brève étreinte.
– Vous m’avez manqué, les gars, vous savez ! lance-t-il, en en enroulant ses bras autour de nos épaules, se postant entre nous. Et toi, Elza, on dirait que tu t’es prise 5 ans dans la gueule avec tes nouveaux cheveux.
J’eus un petit sourire modeste. Au moins, un de mes amis validaient ma nouvelle coupe.
– Et toi, tu sais que t’es plutôt câlin pour un mec ? balance Vincent.
– Oh, ferme ta gueule.
Je me met à rire nerveusement, constatant que Vincent et moi n’avons pas échangé ne serait ce qu’un mot et il semblait complètement m’ignorer. Mon cœur battait tellement fort d’angoisse que j’avais l’impression que les gens autour pouvaient l’entendre.
– Allez, on va s’asseoir gentiment sur le banc et vous, vous allez me raconter vos vacances ! dit Maximilien.
– Salut la compagnie ! s’exclama la voix de Hermine.
On se retourne tous les trois en même temps pour faire face à notre amie qui était toujours aussi souriante que d’habitude.
– Oh Hermine ! on dit, tous ensemble.
Elle s’avance vers nous pour une étreinte de groupe et je me suis dit que l’après midi venait à peine de commencer mais que mon thermo-câlin avait atteint son maximum…
– J’adore ta coupe ! T’es mignonne comme ça, ça te va bien.
Les joues en feu, je la remercie silencieusement en tortillant une mèche autour de mon doigt, sous le regard bienveillant d’Hermine.
– Allez, venez, j’ai hâte de voir si on est ensemble cette année.
On se dirige tous ensemble vers le grillage, avec Maximilien et Hermine en tête, alors que Vincent et moi étions en retrait. D’ailleurs, il était de plus en plus proche de moi et à un moment, il me chuchote à l’oreille :
– Je suis content de te voir.
– On dirait pas, je rétorque, froidement dans le regarder.
– Je suis désolé.
– Désolé de quoi ?
Il ne dit rien et détourne le regard. Il s’arrête et me prend le bras, m’obligeant à lui faire face.
– Tu sais que tout le monde peut nous regarder ?
– Je m’en tape des autres. Je suis désolé pour ce qu’il s’est passé. Je n’aurai pas dû t’ignorer tout à l’heure… ni pendant les vacances. En fait, j’ai fait exprès d’arriver en même temps que Maximilien. J’avais peur d’être seul avec toi.
Cet aveu me fit l’effet d’un couteau dans le cœur. Soudainement, je me sentais bête de lui en vouloir alors que lui aussi devait forcément souffrir de cette situation… il fallait que je sois aussi sincère que lui. Ce n’était pas nouveau, pourtant. Nous avions l’habitude de tout nous dire, tout partager, depuis l’enfance. Mais sa déclaration avait créé en à peine quelques secondes un fossé entre nous.
– Moi aussi, ça m’a terriblement arrangé de te voir avec Maximilien.
– Ok, on est connecté, je te dis.
Je me met à rigoler en acquiesçant.
– Et… je suis désolé de t’avoir t’ignorer pendant les vacances. J’aurai dû t’appeler.
– Je te veux pas, c’est normal…
– On fait quoi maintenant ?
– Je…
– Eh ! crièrent Hermine et Maximilien en arrivant. Vous êtes à la traine !
– Pardon, on s’excuse en coeur.
– Elza, toi, Charlotte et moi, on est ensemble en classe, lance Hermine.
– C’est chouette ! Et les garçons ?
– Vincent et moi, on est dans la même classe, intervient Maximilien.
– Oh c’est triste, qu’on soit pas tout ensemble…
– Ouais, lâche Hermine. C’est notre dernière année ensemble, ils auraient pu faire un effort quand même.
– Mais ça nous empêche pas d’être ensemble encore, et puis, la vie s’arrête pas au lycée, alors… j’objecte.
– T’as raison, remarque Hermine.
Je sentais que Vincent m’observait pendant un moment. Quand je me tourne vers lui, il passe sa main sur mon carré très court.
– Ça te va très bien ! Tu es jolie, avec.
– Merci, repondit-je, baissant la tête, rouge comme une tomate.
Je me suis dit que j’adorerai que Ibrahim me dise la même chose.
Charlotte arrive en courant en même temps qu’un pion vienne ouvrir le grillage.
Après avoir salué comme il se doit notre dernière acolyte, nous pénétrons tous ensemble dans l’enceinte du bâtiment, en discutant de tout et de rien, non sans que Charlotte s’attarde sur ma nouvelle coupe et s’extasie de l’effet nouveau qu’elle avait sur moi. Sacré elle…
Alors que nous marchions, collés par la ribambelle d’élèves qui avançaient avec nous, Vincent me dit :
– Je propose qu’on oublie tout, et qu’on reprenne pépouce notre vie.
– Je suis du même avis !
On se fait un grand sourire et continuons notre chemin, vers la classe de terminale, vers notre avenir.
À cet instant, j’ai pensé que la vie reprendrait tranquillement son cours mais je me trompais… si seulement j’avais pu imaginait ce qui allait m’arriver.
– Au fait ! dit Hermine alors que nous nous apprêtions de nous séparer des garçons, dans les couloirs, devine qui m’a appelé, juste hier, Elza !
– Le père Noël ? j’ironise.
– Nop, Alyssa, en personne, tient. Elle n’a encore jamais fait ça.
Mon cœur arrête de battre un instant.
– C’est toi qu’elle voulait parce qu’elle dit que tu ne réponds pas.
Vincent et Maximilien s’en allèrent de leur côté, en nous faisant signe de la main.
– C’est qui Alyssa ? demande Charlotte.
– Alors j’ai dit que je transmettrais, termina Hermine.
– C’est gentil, je réussis à prononcer, tant j’étais tétanisée.
– Eh ! C’est qui Alyssa ? insiste Charlotte.
Nous étions arrivé devant notre classe, dont la porte était fermée. Un groupe d’élève attendait déjà l’arrivée d’un prof.
– Oh, tu la connais pas, c’était une amie à Elza, mais elle a déménagé y a presque 2 ans.
– Ah, dommage, j’aurai bien aimé savoir qui c’est.
Oui, tout ne faisait que commencer. Si seulement j’avais su à quel point cet appel n’inaugurait rien de bon pour moi…
La rentrée s’annonce mouvementée aussi! Elysa, Ibrahim, et Vincent, c’est bien d’être jeune.
Bravo pour cette suite!