Il était relativement tôt encore. La brume matinale se frayait un fin chemin de voile légère entre les rues, enroulant presque tendrement le tronc des arbres et posant son humide baiser sur chaque chose ou être qu’elle touchait.
Le soleil la perçait paresseusement en lumière rasante, venant de s’éveiller sur la ligne d’horizon : il aimait ce décor où la nuit avait bel et bien disparue mais où le jour commençait encore à peine.
C’était doux, léger, aussi voluptueux qu’un sentiment, qu’une humeur ou une émotion de bien-être profond. Il aimait cette ambiance sincère qu’offrait la Nature au petit matin, ça lui rappelait la rase campagne de laquelle il venait.
Celle couverte de grands champs verts, jaunes, orangés, parfois rouge, blanc et rose lorsqu’il croisait le grandiose jardin du fleuriste, celle qui sentait bon l’insouciance de ses plus jeunes années à peine derrière lui. Cette aimante campagne qu’il avait dû quitter pour ses études avant d’atterrir ici.
Seul, sur son trottoir, le nez en l’air pour voir scintiller les gouttelettes sur les feuilles vertes, il ne rêvassait pas : il observait et s’émerveillait de ce grand monde… De cette petite banlieue paisible au milieu d’un immense pays aux milles dangers où il avait su trouver enfin une place qui lui allait.
Arrivant devant les humbles locaux de l’Ink Pot, il dû piler net pour ne pas se heurter à la porte venant de s’ouvrir à la volée sur un homme au pas aussi pressé qu’absurdement assuré.
Son regard resta accroché un instant sur le sortant, tenant encore la porte ouverte. Il avait aperçu ce superbe costume en trois pièces d’un noir luisant, cet air guindé de financier qui lui rappelait de bien mauvais souvenirs. Etrangement, un tel animal à côté de la Compagnie faisait clairement tache…
Sentant quelqu’un observer dans la même direction que lui depuis l’intérieur, il tourna la tête vers cette présence tout en entrant pour de bon, laissant la porte se refermer derrière lui avec le paisible petit “clic” du penne revenant à sa place.
Une fois bien au chaud entre les murs rassurant du bâtiment, il questionna :
“C’était qui ?
– Les emmerdes. Lui avait répondu Violet, venant de remettre le nez sur ce qu’elle faisait avant cet incident.
– Et plus précisément ? S’enquit-il la mine toujours à l’interrogation qui avait tirée un petit sourire amusé à son interlocutrice la devinant.
– C’est l’un des directeurs d’une grande maison, cela fait la troisième fois qu’il vient en six ans. Avait-elle alors précisé en relevant le calme de ses yeux sur lui. À chaque fois que l’on s’en croit débarrassé, il revient à la charge… Alors même que Nikolaï lui fait toujours bien comprendre qu’il ne compte pas vendre.”
Garry avait doucement hoché la tête, venant déposer son sac à sa place, commençant méticuleusement à installer son bureau bien que tout le monde savait que d’ici une heure, il serait plus désorganisé qu’un tas de feuilles laissé en plein vent.
S’asseyant, doucement, il laissa échapper le fond de sa pensée :
” C’est tenace ce genre de requin…
– Malheureusement.”