Marc et Sandra revinrent dans le salon. Sandra était charmée par l’endroit. Il était toujours intéressant de voir comment une personne avait décoré son intérieur, particulièrement un homme. Elle se rappelait ses premières impressions quand elle avait visité pour la première fois 3 de ses amis du Cégep, puis l’appartement de Frank… Entrer dans le logis d’un homme, c’était découvrir tant de choses sur sa personnalité et ses goûts.
Voir si l’hôte possédait des appareils pour faire de l’exercice, ou possédait un établi pour faire de la mécanique, de l’ébénisterie ou du dépannage informatique… S’il savait utiliser de façon recherchée le mélange des couleurs et des textures dans chacune des pièces, ou si tout était d’une même couleur. Voir aussi si ses meubles suggérait un design particulier, ou avait plutôt surtout une vocation utilitaire.
Sandra se sentait chez elle dans cet appartement; eut-elle elle-même dût faire la décoration, elle n’aurait pas changé grand chose. Elle n’avait pas seulement pénétré dans l’univers d’un homme; Marc avait conçu son appartement pour qu’il corresponde à ses goûts mais également, dans les espaces conviviaux, à ceux de la gent féminine. On se sentait chez soi dans chacune des pièces, et lorsqu’elle s’assit sur l’un des canapés. à la suite de Marc, la conversation prit un ton amical, comme s’ils se connaissaient depuis toujours.
– Avez-vous décoré vous-même votre appartement ?
– Oui… Cela vous-plait-il ?
– C’est à peine croyable !
– Pourquoi ?
– Je jurerais que la décoration a été fait par un professionnel…
– Je vous remercie, c’est flatteur ! Tout le crédit revient à ma mère qui, elle, est décoratrice d’intérieur, et qui m’en a enseigné les rudiments tandis que je grandissais.
Petit moment de silence, où Sandra laisse son regard vagabonder dans la pièce. Marc en profita pour se lever et aller faire un tour en cuisine. Il revint avec un plat contenant différents types de craquelins et de fromages.
– Oh ! comme c’est gentil !
– Je me suis dit que vous auriez peut-être un peu faim…
– Belle présentation… Votre père serait-il cuisinier, par hasard ? » fit-elle en lui adressant un clin d’oeil
– Non, moi, je le suis
– Vous êtes cuisinier, sérieusement ?
– Oui, j’ai étudié à l’école d’hôtellerie, et je travaille au Stella Marina…
– Je ne connais pas…
– C’est un restaurant 4 fourchettes situé au centre-ville… C’est un lieu paradisiaque qui porte bien son nom : le patron a dressé les tables dans un décor de mer et de plages, rempli de coquillages, d’huîtres, d’oursins et de différents poissons…
– Mais le restaurant ne s’appelle-t-il pas l’étoile de mer ?
– Tout autour, les gens peuvent observer 503 types d’étoiles de mer posées dans des cadres sur les murs… C’est le walk of fame des étoiles de mer !
– 503 ???
– Il en existe plus de 2000 sortes…
– Et les gens mangent sur une plage ?
– Sur des pontons, et ils peuvent se promener autour de 3 bassins différents, et cueillir par eux-même leur repas, s’ils le désirent…
– Est-ce que cela se mange, des oursins ?
– Oui… Le chef cuisinier aime particulièrement en ajouter dans ses soupes de poisson. Il est originaire du sud de la France, et dans son coin de pays, il est courant de faire de l’oursinade; soit, de la dégustation d’oursins
– Que c’est intéressant ! Vous m’apprenez pleins de choses…
– Et vous, que faites-vous comme métier ?
– Je suis designer de mode… Ou devrais-je dire, couturière. Je travaille pour la boite Chez Aglaé, et pour l’instant, je taille les patrons qui ont été “designés” par d’autres… Mais j’ai l’espoir un jour d’ouvrir ma propre boutique…
– Nous devons tous commencer à quelque part… se fit-il, rassurant.
– Vous devez avoir l’âge de Sébastien ?
– Un an plus jeune: j’ai 28 ans
– Et moi, 24.
– L’âge de Chrissie…
– Exactement !
– Aimez-vous la musique classique ?
– Oui, j’en écoute tous les jours au travail… Véronique, ma collègue au bureau, est fan des sonates et des symphonies de Beethoven et des compositeurs de l’ère romantique, surtout Schubert puis Schumann…
– Et vous ?
– Je préfère le rythme endiablé de l’époque baroque: Bach, Vivaldi et Haendel… j’aime bien Mendelssohn aussi
– Fan de la marche nuptiale ?
– Pour sûr que si je me marie un jour, on y jouera cette pièce de Mendelssohn ! fis-je en riant
Marc se leva et alla mettre un 33 tours de Vivaldi. “Les 4 saisons” débutèrent tandis qu’il venait se rasseoir à mes côtés, et nous l’écoutâmes pendant un moment en silence.
– Et vous, lesquels préférez-vous ?
– J’écoute un peu de tout, dépendant de mon humeur du moment… Beethoven est particulièrement apprécié lorsque j’étudie, mais sinon cela, j’aime bien Liszt, Chopin et Verdi
– Quelle est votre pièce préférée ?
– Sans contredit, la rhapsodie hongroise numéro deux de Liszt, et ensuite l’opus 9 numéro 2 des nocturnes de Chopin… Et La Traviata de Verdi est mon opéra préféré
– Pourriez-vous faire jouer la nocturne, s’il-vous-plait ?
Un instant plus tard, les premières notes de la nocturne résonnèrent dans la pièce. Marc prit une manette sur la table basse, et sous la pression d’un bouton, le store opaque derrière Sandra s’ouvrit, révélant la vue… Marc s’avança vers elle et lui tendit la main pour l’inviter à se lever, et ils dansèrent devant la vue de Montréal qui s’étendait devant eux sous le clair de lune…
(Point de vue de Sandra)
Nous étions seuls dans la pièce, et bien que je sois habillée avec style pour une journée au travail, ce fut comme si je portais une superbe robe de cocktail rouge et que Marc était vêtu d’un smoking noir classique. Je ne voyais plus que lui, et cependant, c’était comme si une foule de gens distingués nous entouraient et n’avaient d’yeux que pour nous…
“Waouh !”, pensai-je… “Je ne me suis jamais sentie comme cela… Était-ce ce que Christina avait imaginé pendant toutes ces années où elle aurait voulu nous « matcher » ?”
Je lui poserais la question quand je la reverrais, mais pour l’instant, je vivais un rêve éveillé, et je n’avais pas le goût qu’il s’arrête…
Et la chanson continua de jouer, comme si elle avait plusieurs vies… Comme si la norme contemporaine, voulant qu’une chanson ne devait durer qu’entre 3 minutes 30 et 4 minutes 15, n’avait aucune prise sur elle…
N’avait aucune prise sur nous…