C’est toujours la même histoire quand on prévoit quelque chose, il est en retard.
“Qu’est ce que tu veux, ma poule ! On doit savoir se faire désirer dans la vie !”
Je m’en arracherais les cheveux. On doit se rendre au spectacle de danse de ma nièce, en retard d’une demi heure et refoulé à l’entrée. On est invité chez des amis. On arrive une heure après alors qu’on devait apporter l’entrée. Ils sont en colère mais il ne s’excuse même pas. Il est toujours comme ça.
Ce soir, c’est l’apothéose. Je dois accoucher. Il n’est pas là. Il a reçu mon message pourtant, j’ai reçu l’accusé. Ma mère est venue me chercher, c’est pas vraiment ça le problème mais on pourrait s’attendre à plus d’intérêt le jour de la naissance de son propre enfant. Il a pas été très présent pendant la grossesse, remarque ! Toujours un compte rendu par ci ou une réunion par là. À croire que son travail à plus d’importance que sa famille !
Sauf que cette fois, c’est différent ! Ma mère le déteste et elle a fait quelque chose. Je sais pas ce qu’elle a fait mais il est là : le drôle d’énergumène. Devant moi, dans la chambre de l’hôpital où j’attends le retour de ma fille après la césarienne. Ma mère dort encore et elle a pas l’air de l’avoir entendu rentrer.
Petit, un peu l’air d’un satyre avec son corps à moitié homme à moitié chèvre et ce phallus proéminent modestement caché par les poils issus de ses jambes velues. Il me regarde avec un sourire pernicieux.
Elle m’a dit qu’elle ferait quelque chose et je savais qu’elle le ferait depuis qu’elle avait découvert qu’il me trompait. Je sais pas ce qu’elle avait fait mais ça avait marché. Il est étrange son déguisement.
Il rigole bruyamment et je me tourne vers ma mère qui n’a pas cillé malgré les railleries assourdissantes.
“Ce n’est pas un déguisement et elle ne se réveillera pas tant que je ne l’aurais pas décidé.” dit-il sans bouger du siège.
“Il ne se passera rien tant que je ne l’ai pas décidé. Elle a fait appel à moi. Enfin, elle a fait appel aux dieux et je suis celui qui a répondu. Tu ne me connais pas à en croire ton air incrédule.”
J’ai passé trois jours animés et mes neurones font grèves alors je dois avouer qu’en effet, je ne sais foutrement rien de lui.
“Mon nom est Priape. Je suis le dieu de la perversion.”
Je ne comprends pas bien sur le coup mais au fond pourquoi pas quand on voit son aspect. Je pense à mon mari et fais enfin le lien.
“Non, il n’arrivera pas maintenant. Ton mari est occupé à rentrer dans quelqu’un d’autre pendant qu’on parle.”
Son sourire est plus un rictus salace. Son regard lubrique ne laisse aucun doute sur le sujet.
“Elle m’a appelé.” Il montre de son doigt fin et griffu l’intéressée. “Le contrat est entre elle et moi. C’est bien dommage !” dit-il en me regardant d’un regard avide et en se léchant les lèvres. “Mais c’est ton fornicateur de mari alors c’est ton choix: ton âme ou celle de ta matrone ?” Il penche la tête sur le côté amusé par sa question et semble impatient de savoir ma réponse.
“Je… Je ne comprends pas !”
Il se lève, laissant pendre son horrible monstre de chair et s’approche de moi. Je me sens acculée car je ne peux pas me lever à cause des points et de l’anesthésie.
“On fait un point rapide. Ça fait trois ans que ton mari te trompe avec toutes les putains du coin. Sont pas laides, ma foi ! Mais même si toi, tu t’y es faite et que tu as même accepté de lui faire un morpion. Ta mère, elle, lui ferait bien sectionner le petit oiseau. Petit… C’est le terme parce qu’au fond, il est pas non plus magique, si tu vois ce que je veux dire !” Dit-il en soupesant son anatomie.
“Vous pouvez arrêter de faire ça ?”
“Non !” Il sourit de plus belle. “Elle a demandé à ce que quelqu’un s’en charge mais le diable, c’est controversé et je me plais bien dans ce genre de situation alors j’ai pris de l’avance. Maintenant, c’est pas si simple. Une âme pour une âme comme on dit.”
Incrédule, je le suis restée plus de deux minutes. Le temps qu’il fallut à l’autre satyre pour faire le tour du lit et estimer à contrecœur que ma mère ne fait pas un cadeau très satisfaisant mais bon:
“Pourquoi pas !” dit-il en haussant les épaules. “ Voilà le deal: L’âme de ton mari contre une autre choisie. Je prends les deux et tu ne me reverras jamais. Tu viens d’avoir une belle petite poulette ! Et vu comme la maman est excitante, nul doute qu’on en reparlera. Alors je te propose trois solutions ! Toi, elle (dit-il en jetant un regard déçu sur ma mère) ou ta naine dans quelques années. Quand elle sera mûre, quoi !”
Je vais pour lui dire le fond de ma pensée mais il se penche vers moi, son comportement subitement différent, un regard froid et cruel.
“Je ne viens jamais pour repartir les mains vides alors, choisis vite !”
Et là, il disparaît en un clignement d’œil et ma mère se réveille. Les bruits de l’unité de maternité du CHU reprennent de plus belles si bien que je me rends compte du silence qui régnait jusque là.
“Lilas ? Tu es toute blanche, ça va ?”
“Qu’as-tu fait ? C’est toujours la même histoire avec toi aussi !”
Ma foi, puisqu’on est là pour ça, autant qu’on règle tout à la fois. Je hausse les épaules.
Ben quoi ?
Coucou ma belle. Stp essaie de faire des mises en formes, cela rendra plus fluide tes écrits. Mais tu sais vraiment attraper et retenir l’attention de ton lecteur. Mais j’ai pas toujours compris le Qui choisiriez-vous?
Merci pour ton conseil. Effectivement, j’avais pas noté que ça faisait cet énorme pavé ! Pour le " qui choisiriez-vous ?", c’est le fait de savoir si dans la même situation que Lilas, tu vendrais ta mère, ton enfant ou toi. Merci de me suivre !
Oh la la! Compte tenu de l’histoire, pas facile du tout (lol).
J’aime bien le concept ésotérique et le ton barré de la narration avec des figures de style qui allègent un récit au thème sombre. L’expression du satyre est bien vue, on le sent sale mais pas vulgaire (au sens "quelconque"), il a de la présence
Deux points :
* le deal proposé n’est pas hyper clair pour moi, en gros il veut juste lui couper le moineau?
* "le diable, c’est controversé", je n’ai pas bien saisi l’intention dans cette phrase : est-ce la mère qui a hésité à convoquer le diable, ou il s’est débiné ?
J’enlèverai les deux points ci-dessus ^ s’ils te gênent 😉
En tous cas le choix est complexe, et s’il faut choisir, la mère a demandé l’intervention, c’est elle qui va prendre 😉 faut assumer un peu !
Merci pour tes commentaires et ne les enlève surtout pas, c est toujours appréciable d’avoir des critiques constructives.
Je dois remanier l’histoire car effectivement, tu n’es pas le premier à me dire que le deal n’est pas très clair. Il ne prend pas que le petit oiseau ^^. Il prend surtout l’âme de son mari et celle de la grand-mère: une âme pour une âme.
Le diable est controversé dans le sens où on a tendance à questionner dans beaucoup de textes sur la religion la place du diable: ange déchu ou dieu lui-même, bon ou mauvais ( on lui donne toujours le mauvais rôle, alors qu’il est tout de même en charge de punir les bad guys). Du coup, il est plus simple d’aller chercher de l’aide chez les dieux d’autres mythologies ou les rôles sont partagés et non ambigus et ou les vilains sont des vilains.
Je corrige mes fautes et le texte en lui même dès que je peux et merci beaucoup à toi.
Je note un côté In Nomine Satanis / Magna Veritas, le jeu de rôle ésotérico-humoristique des années 80 dans ton récit qui s’achève par un choix cornélien. Qui convoque le malin en paie le prix fort. La mère a voulu jouer, elle paie.
@Franck Moulai : En effet, j’adore ce genre de récit où les personnages se retrouvent piégés par le sort qu’ils avaient prévu pour l’autre et plus encore quand on introduit des références bibliques ou mystiques à tout ça.