La vraie demeure du savoir

12 mins

Je pose ici, cette nouvelle qui m’a demandé du temps pour un concours, il y a quelques années. J’avais envie de vous la partager parce que, sans la trouver formidable, loin de là, elle m’a demandé un investissement émotionnel particulier. En espérant qu’elle vous plaira !
 
    Il était de coutume que les adolescents Telluvérins choisissent, à leur trentième année, entre deux voyages initiatiques pour passer à l’âge adulte: un voyage au cœur des souvenirs de la création ou une virée sur la planète mère.
Linoé venait d’avoir trente ans. Si sa meilleure amie avait toujours parlé de faire l’excursion au sein des souvenirs primaires de leurs races par transfert mémoriel au grand observatoire, elle n’avait pas du tout envie de voir l’embryon de vie être créé sur Telluvie, leur planète.

Elle avait donc choisi de partir en excursion sur la planète mère. En réalité, son choix était fait depuis fort longtemps puisqu’elle en rêvait d’aussi loin qu’elle se souvienne.
    
    Quelques siècles plus tôt, des chercheurs terriens avaient découvert que la Terre serait annihilée par un astéroïde géant partiellement composé d’uranium, en chemin vers le soleil. Celui-ci, selon les calculs des scientifiques, aurait explosé occasionnant une déflagration si puissante qu’elle aurait rasé la moitié du système solaire.
Deux partis furent pris. Ceux qui voulurent sauver la terre de la destruction et ceux qui souhaitèrent la quitter avant l’apocalypse.
Contre toute attente, la Terre ne fut pas détruite, mais les humains restés sur cet astre, renièrent tout lien avec leur fratrie fugueuse. Plus aucune communication ne fut passée entre les deux groupes.
Les telluvérins naquirent de cette fugue pénible car les humains partis s’installèrent sur une planète habitée par un peuple primitif. De leur union vit le jour, une race plus prospère et plus résistante que la précédente et d’aucuns disent que les terriens en furent très jaloux. Les telluvérins, quand à eux, regrettèrent fort cette mésentente et à chaque passage à l’âge adulte de leurs jeunes, certain d’entre eux partaient pour voir l’évolution de leur autre patrie.

   La Terre était peuplée de terriens. Les telluvérins faisaient le voyage maquillés et habillés comme des terriens. La planète mère avait été le noyau de la création de Telluvie.

   En dehors d’une paire d’oreilles étranges, plus proche de circonvolutions cérébrales que d’une paire d’oreilles terriennes, les telluvérins avaient tout d’humains basiques. Leur peau avait également une couleur plus grise que rosée mais un peu de maquillage et il n’y paraissait plus.
    Linoé avait rêvé ce voyage depuis toujours et elle était enfin dans la navette qui la menait à destination. Tous les adolescents parlaient à tour de rôle de leurs attentes quant à cette planète significative. Le trajet durait deux heures. Deux heures à bord de ce vaisseau taille navette de transport de 80m2. Aucune facilité, si ce n’était un lieu d’aisance. Pas de dortoirs, pas de cuisines, pas de douches. Juste l’essentiel.
Linoé ne se posait pas beaucoup de questions quant au transport. Elle n’avait que faire des commodités. Deux heures, c’était vite passé pour enfin réaliser son rêve.

    Une demi-heure avant l’arrivée à bon port, le copilote vînt faire un discours sur les implications du voyage et l’apprentissage des réalités de l’exode telluvérin.
Il leur parla bien cinq minutes de l’énorme savoir qui allait leur être confié et du bien fondé de ces rites initiatiques. L’un des jeunes adolescents prit la parole sans crier gare, ce qui ne choqua absolument pas ses compagnons de voyage.

“Dans ma maison, mes parents sont deux Atras et aucun n’a voulu me parler du rite. Ils m’ont dit que la “Demeure du Savoir” ne se partage pas avec les non-initiés et qu’ils auraient tout loisir de m’en parler à mon retour.”

Tous les adolescents tournèrent vers le copilote un regard interrogateur. Tous savaient que les Atras étaient ceux qui avaient choisi de faire le voyage jusqu’à la terre. Le travail des Atras étaient par la suite dicté par ce choix. Travail d’archives ou d’enseignement des connaissances, recherches, les atras étaient les dépositaires du savoir. De l’autre, les Maltao étaient les Sincères. Ils étaient les soignants, les constructeurs, les inventeurs du monde nouveau.

Ce que les enfants-adultes voulaient savoir, c’est ce que leur yeux allaient découvrir en arrivant là-bas. A cette question silencieuse, l’homme répondit que le savoir passe par l’inconnu. Il leur rappela également que tous les Atras étaient tenus au silence. Que tout ce qu’ils verraient devait rester dans les limbes de l’indicible.

Linoé avait écouté d’une oreille. Sa mère Atra lui avait parlé un soir. Son père Maltao était au travail. Il était constructeur de navette spatiale. Elle avait ouvert sa porte et s’était assise près d’elle calmement.

“Mon enfant, pour le moment, rien ne sera dit dans cette chambre. Mais je voulais te dire que ce que tu vas vivre est un grand chamboulement pour l’Atra que tu seras. Une étape cruciale de ton dévouement à notre existence. Sois forte et sage dans ton apprentissage !”

Aucune douceur, ni démonstration d’affection, n’avait accompagné ses paroles mais Linoé était habituée à si peu d’attention. Cela n’avait rien d’exceptionnel pour une Atra, ils étaient tous, ou à peu près tous froids et distants. Elle ne savait pas pourquoi et comptait bien être plutôt aimable que psychorigide et impassible comme sa mère.

Son père, Rofanéa, était un Maltao et, contrairement à sa mère, avait un grand cœur plein de tendresse. Il était concepteur de navette et constructeur du moteur VR de la navette dans laquelle ils se trouvaient tous. Il avait passé toute l’enfance de Linoé à lui raconter l’espace et ses anecdotes, car enfant il avait dû faire l’aller-retour avec sa famille sur la lune proche de Telluvie.
Ce qu’il racontait était fascinant. Il expliquait cette aventure avec tant d’enthousiasme et de gaieté que jamais elle ne l’avait stoppé toutes les fois où il avait partagé, avec elle, la même histoire. Elle l’aimait tendrement et elle affectionnait surtout son allant en toute situation. C’est pourquoi, au lieu de s’appesantir sur son décès, elle avait décidé d’aller de l’avant. Ce que sa mère avait mis sur le compte de son côté Atra.

    Petite, elle avait suivie avec ferveur les cours d’astronomie, écouté avec candeur les récits sur la “séparation inter-espace” de la terre et Telluvie, et avalé avec joie les cours de mécanique spatiale proposés aux enfants de dix ans. Sa mère s’était félicitée d’avoir une enfant si assidue et persévérante. Son père avait secrètement tenté de la distraire par d’autres moyens pour qu’elle garde un côté “plus humain que machine” lui avait-il dit.
Un jour, elle s’était demandée pourquoi son père était restée avec sa mère alors qu’ils ne se parlaient presque plus et qu’ils étaient si différents.
Elle avait demandé à sa mère qui avait répondu qu’ils n’avaient pas besoin de parler pour être ensemble. Quand elle avait posé la question à son père, il avait répondu qu’il la connaissait depuis toujours et qu’elle n’avait pas toujours été comme ça, que le rituel l’avait changé. Il lui avait fait promettre de bien choisir et de rester la même quoi qu’il advienne. Ce qui avait motivé Linoé à atteindre l’âge du Rituel, forte de ses convictions et de cet amour et surtout prête à tout affronter.

“Mais maintenant qu’on se rapproche de notre objectif, vous ne pouvez pas même nous dire ce qui nous attend ? Où nous allons dormir ? Qui va nous héberger ? Nous avons supputé tant de choses depuis toutes ces années et c’est presque le moment de répondre à toutes nos questions alors une de plus, une de moins…”

    Toutes les visages se tournèrent vers le copilote, même celui de Linoé, mais il ne répondit pas. Il tourna les talons et ouvrit la porte du cockpit pour la refermer immédiatement derrière lui. Tous les adolescents se tournèrent vers celui qui avait posé la question et celui-ci haussa les épaules. Linoé repartit dans ses pensées.
Elle était absorbée dans le passé quand l’annonce fut faite.

“Nous approchons de notre destination. Merci de remettre vos ceintures de protection car nous allons décélérer.” Et tout le monde se rattacha sauf Linoé, trop prise par ses réflexions. Elle était surprise de ne voir aucune lumière dans l’espace, aucun astre.
Avec ses deux soleils et sa lune vaste, le système lunaire où se trouvait Telluvie était éclairée de jour comme de nuit et la planète n’avait qu’un pôle enneigé.
Linoé se fit la réflexion que “système lunaire” était un nom bien étrange, voire ridicule. Elle avait appris en cours que ce nom avait été choisi en hommage au système solaire. Pour elle, ça n’avait pas de sens. Le système lunaire formait un ovale à cause de l’attraction de ses deux soleils. La lune était si énorme que ça avait été la grosse attraction à l’installation de son peuple. Aucun lien entre les deux voies. Aucune autre espèce n’avait occupé le système solaire en dehors des humains alors que le système lunaire abritait en tout trois espèces dont celle qui cohabita pacifiquement à l’arrivée des colons terriens.

    Elle revint de sa digression intérieure et se rendit compte que tous les regards étaient tournés vers le hublot et qu’ils semblaient tous effrayés. Elle n’eut pas le temps de poser de questions que le vaisseau subit une secousse violente et qu’elle fut projetée au sol. Elle ne s’était pas attachée. La deuxième secousse l’envoya cogner sur le plafond de la navette et elle perdit connaissance.

    Quand elle reprit conscience, elle avait la tête posée sur les genoux d’une de ses compagnes de voyage. Celle-ci ne la regardait pas, elle observait l’attroupement devant un des hublots. Linoé se redressa et manqua régurgiter l’en-cas d’avant le départ. Elle attendit de retrouver complètement ses moyens et s’approcha des autres.
Ce qu’elle vit la frappa de stupeur. Ils se tenaient tous en silence devant un champ de débris. Une nuée de fragments. Un océan de néant. Elle comprit alors ce qui l’avait frappé quelques minutes avant qu’elle s’évanouisse: la pénombre.
En approchant du système solaire, ils auraient dû apercevoir dans la noirceur de l’espace, la lumière majestueuse du soleil. Son père lui en avait tant parlé sans jamais l’avoir vu. Il en rêvait. Il aurait tant aimé faire le même voyage que sa femme.
S’il avait su ce qu’elle observait, peut-être aurait-il changé d’avis. De la poussière spatiale. Rien.

La porte du cockpit s’ouvrit et le pilote, que personne n’avait encore vu, entra dans la pièce silencieuse.
Le jeune homme très hâbleur quelques minutes plus tôt, ne pipa mot. Les autres, qui avaient l’habitude de le voir se ruer sur les occasions de parler, l’observaient. Linoé ne lui laissa pas le temps de reprendre ses esprits.

“Qu’est ce que ça veut dire ?”

Le pilote s’approcha d’elle et souleva ses cheveux en silence. Il appliqua une compresse stérile sur son front sans répondre à la question. Elle se rendit compte qu’elle saignait uniquement quand il retira la compresse. La nausée lui revint mais encore une fois, elle ne vomit pas. Il la dirigea vers un siège et l’y installa.

“Vous êtes bien blanche, mademoiselle. Vous avez probablement une commotion mais au vu de votre locution, rien de grave. Je vous invite à rester assise.”

Elle allait réitérer sa question mais il se leva et se tourna vers les autres.

“Nous sommes au centre du système solaire.” Tous se regardèrent les uns les autres sans comprendre. “Nous sommes rentrés dans le système solaire, il y a quinze minutes. Nous avons observé vos réactions durant les minutes qui ont précédé notre entrée dans la zone d’amarrage.”

Linoé fut sidérée. Elle venait de comprendre ce qu’il se passait. Un test de classement. Personne ne semblait comprendre sauf elle.
Au départ de leur planète, ils avaient tous été équipé de moniteur portatif. Elle avait trouvé cela surprenant mais pas inattendu puisque cela révélait l’importance du passage à l’âge adulte. De là à être le passage obligatoire pour déterminer leur travail futur, la limite était ténue.

“Est-ce que vous comprenez ce qu’il se passe ?” Personne ne répondit. Il sembla trouver cela normal et continua sur sa lancée. “Je suis Cameron Van Storm. Je fais parti d’une famille de terriens destinée à faire le voyage avec vous les “Initiés”. Des pilotes, des politiques, des Atras supérieurs. Quand nos ancêtres sont partis, ils ont gardé contact avec la Terre. Les terriens voulaient savoir s’ils auraient une autre alternative en cas d’échec de la mission “Solar Rescue”.

Un silence de mort s’appesantit dans la navette. Il laissa le temps aux esprits d’intégrer l’information. Un mensonge avait donc été conté au peuple de Telluvie sur une jalousie terrienne mal placée et sur une quelconque mésentente qui aurait réduit les communications à néant. Linoé sentit une angoisse grandir en elle quant au tournant qu’allait prendre l’explication.
Monsieur Van Storm, qui avait attendu les questions potentielles, recommença son récit.
“ Ce que vous voyez, c’est l’échec de cette mission. La mission “Escape” a quitté la Terre trente jours avant l’impact supposé de l’astéroïde mais les calculs étaient faux. Une semaine après le départ de la première mission, l’astéroïde a percuté le soleil et réduit le système solaire à un amas de débris planétaires.”

Un des étudiants se sentit mal subitement. Linoé regarda la scène interloquée. Monsieur Van Storm continua son récit sans même s’en inquiéter. Il semblait avoir vécu cela tellement souvent que rien ne le touchait plus, apparemment. Depuis combien de temps brisait-il le rêve de génération de telluvérins ?

“Le gouvernement en place à l’heure de l’incident…” Linoé décrocha. Elle se sentait ailleurs. Un incident… Le nombre de terriens sur la planète au moment de l’explosion devait avoir atteint les 9 milliards en 2051. 10 000 terriens ont intégré le programme de sauvetage et les modules de voyage comprenaient des embryons de plus de millions d’animaux.

Un incident… sa tête se mit à bourdonner.

“Un incident ?” Sa voix avait résonné si fort que le pilote avait fait volte face brusquement.
“Vous parlez d’un incident. On ne parle pas d’incident là. On parle de drame, de catastrophe ! On cache pas un truc pareil à toute la population. Les familles, les amis, les collègues… Qu’est ce qu’ils leur ont dit ? C’est quoi leur discours ?”

Monsieur Van Storm s’approcha de Linoé et se pencha vers elle. “Si brillante ! Exactement comme votre mère !”

Elle resta figée par l’affirmation.
“Comme je disais, il a été décidé que, pour le bien de la reconstruction, pour l’humeur des troupes si vous voulez, rien ne serait divulgué.”
Il se tourna vers elle un regard résolument interrogateur dans l’attente d’une autre coupure de la part de la jeune fille. Cela ne se produisit pas.

“Bien sûr, cela ne fut pas du goût de tous mais voyant les effets dévastateurs de la nouvelle sur les gens au courant et ceux sur lesquels l’info avait fuité, le mensonge grandit jusqu’à devenir doctrine. Nous avons appris aux gens ce qu’ils voulaient savoir. Que nous n’étions pas orphelins ! Nous leur avons donné de l’espoir !”
Le monde de Linoé s’écroulait. Tout ce qu’elle avait cru, tout ce qu’elle avait imaginé, n’existait plus.

“Voyez vos réactions ! Voyez dans quel état vous vivez cette information ! Que pensez-vous qu’il se serait passé si chacun s’était vu annoncer la mort de ses proches et de ses amis restés sur Terre ? C’était plus facile de leur dire que les communications avaient été coupées et que nous n’étions pas habilités à débloquer la situation puisqu’il s’agissait d’une décision gouvernementale. Le peuple aurait perdu espoir et l’espoir est tellement important. Voyez à quel point vous êtes touchés alors que rien ne vous lie à cette planète si ce n’est vos gênes !”

Linoé se leva tant bien que mal:
“Pourquoi ne pas avoir essayé ? On ne peut pas priver les gens du savoir ! « La demeure du savoir » ! C’est peut-être encore un syncrétisme mais c’est ce qui a permis à notre peuple d’exister. On ne peut pas élever une civilisation dans l’ignorance alors qu’on lui demande du courage et de la sincérité ! ”

Il dodelina de la tête en signe de désapprobation:
“Parlez avec elle. Vraiment, elle vous répondra.”
De qui parlait-on ? De sa mère ? Qu’avait-elle dû traverser ? Linoé resta bouche bée devant si peu de considération.

Il se tourna et rentra dans le cockpit. Personne n’osa le retenir. Le retour fut plus bruyant que l’allée. Tous se posaient des questions subitement alors que deux secondes avant chacun avait l’allure d’un poisson rouge. Linoé était à tour de rôle choquée, énervée et désemparée. Elle avait mal à la tête et cette impression étrange, que rien ne serait plus comme avant, lui nouait les tripes.
Son père lui avait fait promettre de rester la même en toute circonstance mais aurait-il été le même si cela avait été son périple ? D’un coup, tout tournait terriblement. Sa voisine lui demanda quelque chose mais elle ne comprit pas et le noir se fit.

Quand elle se réveilla, elle était dans sa chambre. Elle avait la tête douloureuse et un pansement avait été posé sur sa tempe. Une infirmière qu’elle n’avait pas vu, se leva du siège à sa gauche et lui demanda de patienter le temps qu’elle aille chercher sa mère.
Elle fit le tri dans ce qu’elle venait de vivre et un grand vide s’empara d’elle. Que deviendrait-elle maintenant qu’elle savait et que personne ne devait savoir ? Elle toucha sa joue et s’aperçut qu’elle pleurait sans pouvoir le contrôler.
Inconcevable ! Elle avait toujours tout géré jusqu’à ses émotions et plus rien n’avait de sens.
Quand sa mère entra dans la chambre, elle s’assit sur le rebord du lit. Un silence pesant emplit la pièce. Elle l’observa calmement et de sa main gauche, elle essuya une larme sur le visage de Linoé et la tira vers elle. Jamais, de toute la vie de Linoé, sa mère n’avait montré un mouvement d’affection pour l’enfant. Dans les bras délicats et protecteurs, elle pleura durant un temps incalculable. Sa peine, son incompréhension, sa déconvenue…
Elle pleura comme jamais elle n’avait pleuré.
Elle pleura comme quelqu’un qui avait tout perdu.
Elle pleura plus qu’elle n’eût pleuré pour son père et sa mère la garda précieusement dans ses bras, le temps qu’il fallut.

“Je sais.” dit la mère doucement.

Et là, au moment où sa mère prononça ces deux mots, commença le vrai voyage, celui de toute l’humanité. Elles parlèrent deux jours durant sans discontinuer et sans faiblir. Sa mère, qu’elle découvrait enfin, avait, comme elle, perdu toute illusion à l’ascension. Elle avait perdu toute velléité de se battre et abandonné sa joie de vivre.
Là où elles étaient très différentes, c’est que Linoé avait perdu quelque chose mais pas la volonté de vivre et après avoir longuement parlé avec sa mère et l’avoir convaincu du bien fondé de sa décision, elle l’avait emporté. Là où sa mère avait lutté pour faire lâcher les autorités et avait fini par abdiquer, Linoé ne lâcherait rien car c’était vital pour elle.

Elle allait tout dévoiler et emmener son peuple vers « La Vraie Demeure du Savoir ». Enfin et pour de bon, les hommes sauraient ce que leurs ancêtres avaient subi et ce qu’il ne fallait pas qu’ils réitèrent. Les hommes seraient enfin ce qu’ils auraient dû être depuis toujours. Les Maltaos auraient enfin les réponses à leurs questions et les Atras pourraient enfin se libérer de leur prison de silence.
Enfin, le peuple pourrait s’exprimer comme au temps où la Terre prônait la liberté d’expression et le partage des connaissances.

Sa mère, qui doutait de la possibilité de réussir cette mission, fut convaincue assez facilement. Elle avait, elle-même, pensé à faire cela plusieurs années plus tôt mais ses parents Atras avaient stoppé net son élan fougueux. Elle s’était terré dans le silence ne pouvant pas en parler avec son petit ami Maltao, Rofanéa. Elle l’avait aimé de tout son coeur mais il ne comprenait rien à son désarroi.
Linoé était convaincue qu’à deux, elles pourraient rendre son histoire à leur peuple. Elle était convaincue que c’était un devoir de les aider à passer à autre chose. Après une évolution économique sans précédent et une évolution démographique sans commune mesure, les telluvérins pourraient évoluer spirituellement, détachés des affres du secret et des mensonges.

“Toi et moi, nous savons que l’espoir est là. Toi et moi, nous savons que le peuple est prêt. Il y a des siècles, peut-être qu’ils n’auraient pas accepté la nouvelle, mais détachés des émotions affectives et de l’appartenance à une autre planète, ils arriveront à comprendre. Pour la mémoire des terriens qui sont nos ancêtres, nous devons leur dire ce qu’il s’est passé. Nous devons arrêter de cacher ce qui a eu lieu pour protéger un peuple juvénile. Ce peuple a grandi et s’est reforgé de lui-même sans personne. Aide-moi, maman !”
Elle tendit la main à sa mère qui pour la première fois, depuis qu’elle était née, sourit, des larmes plein les yeux.

C’était décidé ! Elles seraient, toutes deux, leur guide vers un nouveau voyage : La Vérité.

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1 Commentaire
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Haldur d'Hystrial
1 année il y a

J’aime la progressivité avec laquelle tu décris ce peuple, puis la révélation soudaine, et enfin la route vers la décision finale.
C’est là que l’on peut s’interroger, Que vivent les enfants orphelins à la recherche de leurs origines. C’est marrant, ça ne m’était jamais trop apparu à l’esprit. Merci pour cet enrichissement.

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