Conte 6 : Premier Commandement – 4ème partie

6 mins

A l’origine, ces trois familles se concurrençaient sur leur marché local. Mais un jour un petit bonhomme inconnu du monde entier nommé C.I.A….euh…non ce n’est pas le sigle de Charles Ingalls et Associés ou de Couilles Internes en Acier ni même de Charivari Intra Auriculaire…devait faire passer en Afghanistan des petites douceurs pour ses amis les moudjahidine…qui vont devenir par la suite ses plus gentils petits copains qui sont plus gentils mais qui sont, tous, devenus méchants-méchants mais qui y en a qui sont encore des tous gentils-gentils mais qui y a personne qui sait vraiment qui ils sont mais du moment que l’oncle Sam, la tante France et le cousin Germain leur vendent des armes à tous alors ça va. Enfin tout ça, c’est une autre histoire…Mais ce petit bonhomme rondouillard et pas franchement malin ne savait pas comment faire pour livrer ses petits copains en temps et en heure pour qu’ils puissent se défendre face au gros méchant nounours russe…que même Rambo John J. il l’a combattu c’est pour dire qu’ils étaient vraiment méchants. Mais maintenant ils sont plutôt gentils parce qu’ils ont permis à un fou de devenir président enfin il a pas été réélu alors ça va…enfin chez nous on sait pas…comme lui aussi il a chopé le coronavirus on sait jamais…surtout que c’était après un repas arrosé…Alors ce petit bonhomme qui n’était pas très intelligent malgré ce qu’il en disait à tout le monde alla voir les chefs de ces trois familles. L’un après l’autre, il réussit tant bien que mal, à grands renforts de valises remplies de billets verts, de cadeaux en tout genre et de belles promesses à les convaincre de l’aider à faire passer ses petits missiles, ses fusils, ses munitions dans ce pays que personne ne connaissait alors. Et ce petit bonhomme qui s’encroûtait de plus en plus au fil des ans finança, par la même occasion, ces trois familles qui, durant plusieurs décennies, virent couler à flot l’argent occidental dans leur caisse. Leurs activités alors se développèrent partout en Iran tout comme leur goût pour le pouvoir. Et bien vite, la guéguerre qu’elles entretenaient entre elles devint une impitoyable guerre sanglante.

Ces trois nains d’alors devenus des géants perpétuellement affamés allaient finir par se détruire. Un homme prit une décision qui allait tout changer. Cet homme était un visionnaire à sa façon et dans son domaine particulier. Il s’appelait Muhammad El-Keffhir, le patriarche de la famille du même nom, toujours à sa tête aujourd’hui. Il réunit les autres chefs de clans et leur expliqua, probablement, que le monde allait changer, qu’un jour l’argent américain, occidental, ne coulerait plus car la donne mondiale s’inversait. Bientôt ce ne serait plus l’Ouest contre l’Est mais le Nord contre le Sud. Et dans ce monde-là, se battre entre eux pour quelques miettes n’aurait, alors, plus aucun sens. Mais ensemble, le monde pourrait leur offrir une source de bienfaits intarissables autant qu’inimaginables.

Personne ne savait ce qu’ils s’étaient alors réellement dit.

Pourtant, quelques mois plus tard, toujours en Iran, apparut une organisation gigantesque, puissante, dotée de moyens colossaux et nommée la Majles, l’Assemblée. En quelques semaines seulement, elle s’accapara les marchés illégaux du pays, commença à financer certains politiques et finit par bénéficier des largesses du régime dont certains dirent qu’elle l’avait mis en place elle-même. Peut-être même qu’elle était le régime en place. Puis comme une araignée agrandit sa toile, la Majles se tissa des liens d’abord dans les pays frontaliers d’Iran puis en Macédoine, en Russie, en Ukraine et enfin en Turquie avant d’arriver en Europe et en France ces derniers mois.

Bien sûr, il ne pouvait pas être sûr à cent pour cent qu’il s’agissait bel et bien de cette organisation. Mais vu ce qui s’était passé dans les autres régions, il y avait pratiquement autant de chance qu’il se trompe que de voir un yéti lui sortir du cul.

– « Si vous savez qu’ils sont et ce qu’ils font pourquoi vous n’intervenez pas ? ».

Ce n’était pas aussi simple que ça.

D’abord, ces mecs avaient une sorte sixième sens, une sorte de radar à flic. Tous ceux qui avaient tenté de les infiltrer avaient été renvoyés chez eux pelés comme une orange ou cloués sur un arbre dans leur propre jardin. Ensuite, c’était une organisation tentaculaire, une sorte d’hydre à plusieurs têtes, en couper une ne servait à rien. Une autre repoussait instantanément. En plus de ça, ils franchisaient les petits trafiquants locaux qui leur servaient de paratonnerre et de fusibles qu’ils faisaient sauter au moindre pépin.

Utiliser la force n’aurait servi à rien. Pas avec eux.

Leurs hommes étaient entrainés, bien armés. Rien à voir avec le petit trafiquant du bout de la rue armé d’une kalachnikov à bille. De toute façon, il avait déjà tenté ça par le passé. Et la situation s’était passablement compliquée…on dirait Qui-Gon Jinn qui parle ! Oh, putain y a même des Jedis dans mon histoire ! Oh putain ! Comment je vais cartonner !…Ben quoi des médecins et autres soi-disant experts en tout genre qui se sont succédés sur les plateaux télés ont bien écrit des livres, eux, qui ont été publiés, eux, même s’ils n’ont dit que des conneries eux, et mit des vies en danger, eux, en racontant ces conneries ! Alors pourquoi que moi je…oui je sais le fric toujours le fric ! Putain de fric !…euh…je vous fais juste remarqué que moi aussi je dis des conneries alors…on fait affaire, hein ? Pensez à Notre-Dame ! Merde !

Cette fois, il voulait tenter une autre approche. Pour chasser un monstre intelligent, invisible, incroyablement féroce, impitoyable et surtout perpétuellement affamé, il fallait être patient, le comprendre, le connaître pour trouver le petit défaut de sa cuirasse. Et là, il lui enfoncerait une lame chauffée à blanc en pleine poitrine. Bien sûr, cette saloperie ne crèverait pas. Mais, il lui causerait suffisamment de dégâts pour lui faire comprendre qu’il n’était pas le bienvenu et, qui sait, peut-être même le faire rentrer dans sa putain de grotte en Bougnoulie. Cela prendrait le temps qu’il faudrait mais cette saloperie crèverait…encore un Capitaine Achab ! C’est du déjà vu, mon pauvre Ismaël ! Oh, quelle culture que j’aie ! Et sans pesticide en plus ! Enfin sauf dans mes urines !

Et c’était ça leur premier objectif : étudier le monstre.

Tapis au premier étage d’un vieil hangar de stockage bouffé par la rouille et l’humidité d’une zone industrielle désaffectée, où les seuls habitants étaient des rats plus gros que des chats…et quelques clodos aussi dont tout le monde se foutait qu’il pleuve, gèle ou fasse une canicule… ils guettèrent, veillèrent et épièrent, nuit et jour, jour et nuit, l’entrepôt à une centaine de mètre de là. Cette vieille bâtisse branlante semblait tenir encore debout uniquement grâce à la merde des mouettes et des pigeons. Personne, s’il y avait eu quelqu’un pour passer par-là, n’aurait pu s’imaginer que, malgré son délabrement, cet entrepôt connaissait, de nouveau, une intense activité, comme au temps de sa splendeur à jamais perdue…j’aurai pu dire « connaissait un regain d’activité » mais…je vous merde ! Merci de votre compréhension.

Chaque camion, chaque voiture, chaque homme, chaque femme, chaque gosse qui y entrait était photographié. Chaque mec qui jouait au clodo pochetron à la barbe et aux cheveux bien taillés et aux sacs de couchage bien trop gonflés pour ne contenir que de la mousse avaient été repérés et marqués.

A l’intérieur, comme le montraient les clichés que Carole avait pris en montant sur un toit adjacent, il y avait une bonne dizaine d’hommes. Ils étaient lourdement armés, veillaient sur des caisses que d’autres hommes et femmes avaient déchargées des camions et dont d’autres encore en vidaient le contenu pour l’entreposer sur des rayonnages improvisés.

Cet endroit avait tout d’un centre de stockage d’Amazon…sauf que les employés y étaient mieux traités qu’ils viennent du Congo pour travailler dans la receipt, qu’ils aient travaillé dans le médico-social ou qu’ils veuillent faire un bon modèle pour leur fille…on en versait bien une petite larme tellement c’est beau ! Tous ces gens qui ont des valeurs, courageux, qui se battent pour avoir une vie meilleure, comme vous, comme nous, comme moi et qui sont prêts à tout pour vous livrer votre DVD rayé…c’est tellement beau ! Faut avouer non ! Enfin…si ça c’est pas de la com’ de merde pour se redorer le blason !

C’était une sorte de plaque tournante où venaient probablement s’approvisionner les franchisés locaux en drogue, armes, peut-être même filles comme tous ceux qui devaient y passer commande. Et vu la sécurité qui s’y renforçait de jour en jour, et même d’heure en heure, bientôt il serait impossible pour Carole et ses collègues de tenter quoi que ce soit.

Programmer une intervention à la dernière minute, dans cette foire à baltringues se transformerait en hécatombe merdique et rougeoyante. Et ils ne savaient pas vraiment ce qui les y attendait à l’intérieur. Probablement une armée de tarés prêts à se sacrifier pour la cause et leurs soixante-dix putains au paradis. C’était foutu. Foutu.

Ils avaient été plus rapides qu’eux, peut-être, bien plus motivés aussi. Mais peut-être pouvaient-ils au moins tenter d’en savoir un peu plus sur leur façon de fonctionner leur demanda Carole.

Rien ne les empêchait de poursuivre leur surveillance d’apprendre à les connaître, ce qui était leur objectif premier. Aussi, la prochaine fois, auraient-ils un coup d’avance. Peut-être même qu’en en sachant un peu plus, ils pourraient préparer quelqu’un pour qu’il aille rejoindre cette belle et grande entreprise sans risquer de se faire repérer.

– « Pourquoi pas ! » acquiesça le chef de groupe après réflexion.

Ce serait toujours ça. Et au moins, ils ne rentreraient pas bredouille cette fois encore.

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