Conte 7 : Le Retour de la Reine – 6ème partie

8 mins

Les jours passèrent…différents et identiques. SSDD.

Belinda et Amanda retrouvaient un peu de ce qu’elles avaient perdu. Petit à petit, elles redevinrent ce qu’elles n’avaient jamais cessé d’être en définitive : une mère et sa fille. Bien sûr, le temps avait passé, Et chacune d’elles avait évolué, grandi, changé. Mais leurs sentiments n’avaient pas évolué ni changé. Ils avaient, simplement, été malmenés et réprimés. Mais ils avaient toujours été là, enfouis quelque part entre la colère et la peur. Et aujourd’hui, chaque jour, ils se renforçaient. Chaque jour, la peur laissait peu à peu la place à l’espoir, la colère au pardon et à l’oubli pour vivre et profiter du moment présent, toutes les deux, ensemble.

Chaque jour, le moment de se quitter devenait de plus en plus pénible. Chaque jour, elles le retardaient davantage. Et chaque jour, elles attendaient le lendemain avec impatience.

Damian, lui, laissa Amanda agir comme elle le souhaitait. Jamais il ne l’empêcha d’aller voir Belinda, jamais il ne lui fit la moindre remarque. Et lorsqu’elle parlait d’elle, il l’écoutait. Si cela lui faisait du bien alors tant mieux. Lui, cela lui faisait du bien de voir Amanda comme ça, de voir la tristesse s’évaporer doucement de son regard, ce manque s’en aller lentement d’elle. Et puis, cela lui faisait du bien, aussi, d’entendre parler de Belinda, même s’il ne voulait pas se l’avouer. Avoir un peu de ses nouvelles, de savoir comment elle allait, ce qu’elle faisait, c’était un peu d’elle qui était là avec eux. Avec lui.

Il savait bien que jamais, plus jamais, elle ne serait là avec eux. Plus jamais il ne la prendrait dans ses bras, ne l’embrasserait ou ne lui ferait l’amour. Jamais plus il ne lui parlerait, jamais plus il n’irait la voir. C’était bien trop difficile d’être près d’elle sans pouvoir la toucher, trop douloureux de la regarder sans pouvoir lui dire « je t’aime » ou de se serrer contre elle. Jamais il ne la retrouvait comme souvent il se l’était imaginé. Il ne pourrait plus que rêver cette vie. Et même s’il savait qu’il ne devrait pas, même s’il se disait qu’il devait enfin faire son deuil, il n’y arrivait pas et n’y arriverait jamais. Il avait attendu, il avait espéré rencontrer quelqu’un comme elle toute sa vie et il l’avait perdu. C’était pire que tout. Il ne faisait que faire semblant en se mentant à lui-même.

La mi-août était arrivée et Amanda n’avait jamais laissé passer un seul jour sans au moins rendre visite à Belinda qui, chaque jour, l’attendait avec plus d’impatience. Elle avait retrouvé une petite, minuscule, étincelle de vie, et elle s’y accrochait de toutes ses forces. Amanda était cette étincelle. Elle lui apportait une raison de se lever chaque matin, une raison de sourire, une raison de rester en vie plus ou moins, de tenir bon encore un peu. De Tenir. Et puis, elle lui donnait régulièrement des nouvelles des autres, de son père, de ce qu’il faisait, comment il allait, ce qu’il avait dit. Elle avait un peu l’impression d’être avec eux, avec lui. Et cela lui faisait du bien. Cela lui faisait du bien de savoir qu’il était juste à côté, qu’un jour, peut-être, elle le croiserait ou qu’il viendrait la voir. Ils pourraient parler. Juste parler. Ne serait-ce que parler. Rien que cette idée, cette infime possibilité, faisait naître en elle ce doux sentiment, ce fou espoir qu’un jour peut-être.

Bien vite le monstre sentit que quelque chose en elle renaissait, que cet espoir qui grandissait en elle, commençait à lui faire perdre ce doux et si délicieux pouvoir dont il se nourrissait. Il en avait besoin et, comme à chaque fois, il voulait assouvir cette faim qui grandissait en lui. Il voulait la dominer, la posséder. Mais ce soir-là, elle n’en avait pas envie. Elle essaya de lui échapper. Elle préparait son repas et elle n’avait pas le temps pour ça. Peut-être plus tard. Mais il voulait son dû là, maintenant. Tout de suite. Et il le prendrait quoi qu’il arrive. Et pour la première fois, comme un réflexe, elle le repoussa.

Le monstre en fut alors extrêmement mécontenté. D’un coup, il l’attrapa par les cheveux, la tira en arrière pour l’embrasser de force. Elle en laissa tomber la poêle dans laquelle elle faisait cuire le repas du soir. D’un coup, il lui hurla dessus pour ce qu’elle venait de faire, cette saloperie de bonne à rien. Il lui asséna un coup de poing. Elle tomba à genou sur le sol. Il allait ouvrir sa braguette pour humilier cette sale chienne, la forcer à le prendre dans sa bouche, qu’elle l’avale. Tout. Mais elle se releva, tenta de se défendre, de le frapper. Mais sa force ne pouvait pas rivaliser avec la sienne. Il coinça son bras dans sa main et serra si fort qu’elle eut l’impression qu’il en broyait chaque os. Sur son visage alors se dessina un large sourire. Cela lui faisait plaisir qu’elle résiste. Il savait qu’il arrivait à lui prendre ce qu’il voulait. Il lui prendrait tout. Il la jeta alors contre la table de la cuisine et se rua sur elle, lui enserra la gorge lui laissant à peine un filet d’air pour qu’elle puisse rester en vie. Et il prit ce qu’il voulait. Tandis qu’il s’acharnait à la déchirer, elle le fixait. Elle le regardait. Elle était là face à lui. Présente comme elle ne l’avait jamais été. Elle lui résistait. Tout à coup, il sentit sa virilité le quitter. Et il eut beau s’acharner, elle ne revint pas et ne reviendrait pas ce soir. Il se recula d’elle. Elle se redressa de la table. D’un coup, il lui asséna un nouveau coup de poing dans les côtes. Puis un autre. Elle tomba au sol. Là, il l’attrapa par les bras, la traina sur les carrelages de cette cuisine. Elle se débattit, hurla. Mais encore une fois, elle était incapable de rivaliser physiquement. Il se dirigea vers une porte en bois qui craqua de toutes ses lattes lorsqu’il l’ouvrit. D’un coup, il jeta Belinda dans ce vieux cellier sombre et humide comme si elle ne pesait rien.

Elle y resta toute la nuit, seule, dans l’humidité et le moisi. Elle avait mal partout et pourtant elle se sentait bien mieux. Bien sûr, elle savait qu’elle n’aurait pas dû lui résister, ce serait pire maintenant. Mais elle n’avait pas pu s’en empêcher. Elle n’avait pas pu. Lui, il la laissa enfermée là, jusqu’au matin.

Comme à chaque fois, Amanda observait, cachée derrière un arbre. Elle attendait de voir si la voie était libre avant de courir vers l’étable. Mais ce matin-là, un obstacle déboula devant elle. Et il devait bien peser une centaine de kilos de plus qu’elle. Aussitôt, la jeune fille se figea, prise sur le fait.

– « Bonjour Jolie Jeune fille… » lui dit-il d’un charmant sourire « Belinda est au champ aujourd’hui, par-là…[il lui désigna les collines du doigt]…elle t’attend avec impatience je crois. Tu sais, tu n’as pas à te cacher, je ne vais pas te manger…[Amanda, sur la défensive, le regardait droit dans les yeux]…Je sais très bien que Belinda a eu une vie avant moi et il n’y a rien qui t’empêche de venir la voir…et surtout pas moi…quand tu en as envie…et je dois bien dire qu’à moi aussi cela me ferait plaisir de te connaître. Tu sais, Belinda et moi on n’a pas eu d’enfants. J’aurai tellement aimé en avoir, parfois ça me manque…enfin, c’est comme ça…et…si on disait que tu peux venir quand tu le veux, ça donnera un peu de vie à cette vieille maison, tu en dis quoi ? 

Merci.

Comme tu es bien élevée !… s’exclama-t-il de son charmant sourire et de son regard qui la scrutait, la détaillait et, maintenant, la déshabillait, mais je t’en prie…Jolie Jeune Fille…vas-y, file ! Vas vite retrouver ton…amie …et dis-lui bien de prendre son temps…elle l’a bien méritée ». Et il se mit à rire.

Amanda, mal à l’aise, ne demanda pas son reste et fila droit dans la direction qu’il lui avait indiquée, espérant juste que Belinda y serait lorsqu’elle y arriverait.

Elle fila droit vers les collines, gravit alors la plus petite d’entre elles. En arrivant à son sommet, elle vit Belinda au milieu dans un champ verdoyant entourée de ses chèvres, de ses brebis et de ses moutons. Elle alla la rejoindre.

Lorsqu’elle arriva près de Belinda, Amanda remarqua qu’elle avait du mal à porter son seau de granulé et qu’une fois de plus elle boitait. Même si son cœur saignait, même si cela la mettait en colère, elle fit comme si elle n’avait rien remarqué. Elle lui fit un câlin pour lui dire bonjour et prit, aussitôt, le seau de ses mains pour l’aider. Tandis qu’elles donnaient à manger aux bêtes, Amanda la regardait. Elle semblait avoir mal aux jambes, au dos peut-être. Elle avait l’air tellement fatiguée. Mais elle essayait de ne pas le montrer. Parfois la douleur ne prévenait pas, elle se mettait alors à serrer les dents et à pousser un fin gémissement.

– « J’ai croisé ton…mari en arrivant…[Belinda se figea aussitôt d’entendre ça]…il est…il est bizarre, je trouve.

Il est iranien, tu sais ! Comme moi…ça explique pas mal de chose, tu sais…on est des gens bizarres. Amanda esquissa un sourire.

Il te fait du mal ?…[Belinda se figea une fois encore]…je ne suis qu’une gamine je sais bien et je sais que…

Ce ne sont pas tes affaires, Amanda !

Pardon, je…tu sais que je suis là pour toi…et…que les autres aussi. Papa aussi, tu sais il ne dit…

Arrête, s’il te plait…[Amanda allait ajouter autre chose]…Arrête Amanda, s’il te plait. La jeune fille vint lors se serrer contre elle.

T’es pas en colère, hein ?

Jamais contre toi . Belinda lui caressa le visage

Et…papa ? Tu…tu lui en veux de ne pas… ? 

Il a fait ce que je lui avais demandé, c’est tout. Il a eu raison.

T’as pas répondu à ma question, là !

Non, je ne lui en veux pas.

Ça, ça veut dire que tu l’aimes toujours alors !

Dis donc, toi, t’es bien indiscrète sourit Belinda, amusée

Papa, il t’aime toujours tu sais. Je crois. Il ne dit rien, il ne dit jamais rien mais je le connais…il a toujours ta photo et ta lettre dans son portefeuille ».

Belinda ne répondit pas, elle serra seulement plus fort Amanda dans ses bras alors que des larmes coulaient de ses yeux. La jeune fille la regarda, essuya ses larmes.

– « Pardon, je voulais pas te faire mal.

C’est rien, j’ai l’habitude.

Je sais bien. La jeune fille se serra de nouveau contre elle.

C’est idiot quand même…

De quoi ?

Toi, tu souffres, papa il souffre et moi je souffre. Et on est là tous les trois à avoir mal alors qu’on pourrait être heureux tous ensemble…c’est complètement idiot, c’est débile, tu ne trouves pas ? 

C’est comme ça Amanda, c’est…il faut accepter. La jeune fille se recula, d’un coup, de ses bras, la regarda droit dans les yeux. Belinda en fut surprise.

Pourquoi est-ce que ça devrait être comme ça ? Pourquoi est-ce qu’il faudrait accepter ? Pourquoi tu dois accepter tout ça ? T’es pas obligée ! On est pas obligé !

Arrêtes, ne recommences pas !…s’il te plaît 

Et pourquoi ! Et pourquoi je devrais faire comme si tout allait bien ! Pourquoi je devrais faire comme si je ne voyais rien ! Je peux pas ! 

S’il te plait, Amanda, arrête !  lui demanda Belinda en faisant un pas vers elle. Amanda recula.

Arrêter ?! Je sais pas si t’as remarqué, t’arrives pratiquement pas à marcher et t’arrives même plus à soulever un seau…et…je devrais faire comme si je voyais rien ?! Je peux pas ! Et le jour où il t’arrivera quelque chose je devrais faire quoi ? Hein ! Dire : c’est comme ça ? Il faut accepter ? C’est pas de chance et faire comme si tout ça c’était normal ?! 

Tu comprends pas, Amanda , c’est… 

Mieux comme ça peut-être ?! Mieux pour tout le monde ?!…Tu veux que je te dise c’est pas bien pour moi, et c’est certainement pas bien pour toi…et c’est pas…

Mais arrêtes à la fin, tu cherches quoi ! Tu veux quoi ?! Tu crois qu’on sera tous ensemble comme avant ?! C’est impossible Amanda ! Tu ne sais pas de quoi il est capable et tu ne sais pas qui est sa famille et… [Belinda s’arrêta. En une fraction de seconde, elle sut ce qu’elle devait faire, ce qu’elle aurait dû faire tout de suite. Même si une sorte de force invisible venait, d’un coup, lui taillader chaque partie de son corps]…va-t’en, je ne veux plus que tu viennes ici. Va-t’en, tu m’entends ! Je ne veux plus que tu viennes je te l’interdis ! JE TE L’INTERDIS !…[Amanda sourit alors, loin d’être dupe]…je t’en supplie !

Ok, pas la peine de crier… acquiesça alors la jeune fille, je viendrais juste voir ton mari alors…il m’a dit que je pouvais venir quand je voulais [Belinda la regarda, terrifiée. D’un coup, Amanda s’avança, la prit dans ses bras, se serra contre elle de toutes ses forces, lui donna une bise sur la joue et lui murmura : ]…si tu refuses de te battre alors je me battrai pour toi. Je ne te laisserai pas mourir ici ».

No account yet? Register

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Lire

Plonge dans un océan de mots, explore des mondes imaginaires et découvre des histoires captivantes qui éveilleront ton esprit. Laisse la magie des pages t’emporter vers des horizons infinis de connaissances et d’émotions.

Écrire

Libère ta créativité, exprime tes pensées les plus profondes et donne vie à tes idées. Avec WikiPen, ta plume devient une baguette magique, te permettant de créer des univers uniques et de partager ta voix avec le monde.

Intéragir

Connecte-toi avec une communauté de passionnés, échange des idées, reçois des commentaires constructifs et partage tes impressions.

0
Exprimez-vous dans les commentairesx