Partie 1 : Suis-moi
Chapitre 2
Quand je me réveille, tout est clair. Sur ma boite mail, les messages s’accumulent. Du boulot, j’en aurai pour des années. De l’ambition, à revendre. Des idées, plein la tête. Mais qu’est-ce que ça m’apporte ?
Je viens de perdre l’homme de ma vie. Pour quoi ? Pour de la fierté mal placée ? Parce que tout ce que j’ai gagné, c’est qu’il est parti avec sa colère, son vague à l’âme et l’envie de me rayer de la carte.
Déjà longtemps que notre histoire bat de l’aile, mais que ni lui, ni moi n’avons le courage de poser des mots sur ce mal-être. Je lui demandais d’être patient, encore. Encore un peu, toujours un peu et il prenait sur lui.
Hier, excepté si on comptait les larmes que j’avais versées, la soirée n’avait pas été arrosée. Pourtant, ce matin, j’ai la gueule de bois. Je viens de dormir douze heures d’affilée et j’ai rêvé de lui toute la nuit.
Le jour de notre rencontre, son regard avait eu du mal à se détacher du mien et j’ai comme l’impression que c’est à cet instant précis que je l’ai laissé commencer à percer mon mystère.
Il était le premier qui avait su déceler un cœur qui battait caché sous cette carapace, le seul à percevoir dans mes yeux cette étincelle de vie que j’avais envie de lui consacrer. Car déjà, à l’époque, j’étais du genre à savoir ce que je voulais et ce que je voulais, c’était lui. Comme une sangsue, j’aspirais tout ce que je pouvais. On se voyait quand j’avais le temps et à ces moments-là, je buvais ses paroles comme un remède à mes blessures. Il me donnait le meilleur de lui-même et moi… Moi je le lui rendais si mal. J’abusais de lui comme on abuse du chocolat.
Alors quand avant-hier, il m’avait laissée, je l’avais trouvé fou de désespoir. Je me noyais dans le travail, et lui dans son chagrin. Quand tout lui avait semblé sans issue, il n’avait trouvé que cette solution. Partir.
Mais aujourd’hui, je savais que c’était une erreur. Cet esprit conquérant qui m’habitait, ce n’était pas ce qui me faisait avancer, ce n’était pas ça le vrai moteur. C’était lui mon projet d’avenir, le seul, l’unique. La solution à tout. Je le voulais à mes côtés. Sans cet homme, le lit était froid. L’air était glacial. Il était l’esprit bohème, l’inventivité, la joie de vivre… Je me surpassais pour lui plaire. Je m’épanouissais grâce à son amour. Malgré nos différences, malgré tout ce qui aurait dû nous séparer, il était ma moitié, ma muse, mon soutien. Je me nourrissais de nos sentiments, je m’enivrais de son corps, je respirais sa peau, je m’inspirais de lui.
Mon but à présent : retrouver ses bras. Il partage ma vie depuis presque quinze ans. Ça ne peut pas se terminer ainsi. Je me lève, prête à en découdre.
Dans la salle à manger, Camomille se prélasse sur le buffet, me fixant de ses yeux verts et s’étirant jusqu’au bout de ses longues pattes noires. Je la caresse, surprise qu’elle ne soit pas encore venue me réclamer de remplir son bol de croquettes.
Lorsqu’elle se relève enfin, j’aperçois l’enveloppe qu’elle masquait de tout son corps. Je ne me souviens pas l’avoir vu ici avant. Arnaud est-il venu la déposer cette nuit ? M’a-t-il observée dormir ? Je me tourne vers la cuisine. La gamelle de la chatte est pleine. Cette fois, c’est certain. Il est revenu. Je commence à décacheter le pli avec angoisse. Je garde mon objectif en tête pour ne pas flancher. Le seul, l’unique. La solution à tout.
Back in your arms again…
Inspiration : Back in your arms again, The Mavericks
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