Partie 2 : L’écho
Chapitre 21
Voilà, en ce mois de novembre 2014, je nous avais imposé un nouveau départ. À Elizabeth, qui m’avait semblé si fragile après son accident mais qui peu à peu, recouvrait ses forces. Et à moi, Arnaud, l’Amoureux, l’arcane 6 du jeu de tarot de Marseille.
Je te vois déjà rire, moi, le flic, me faire tirer les cartes par une voyante, ça n’est pas très crédible. T’as raison, je n’ai jamais prêté d’importance à ces trucs, mais ado, ma plus grande sœur les avait testés et c’était un peu comme le hasard. Dès qu’elle avait commencé à en faire son interprétation, je m’étais dit que finalement n’importe qui pouvait y trouver sa vérité à partir du moment où il y croyait.
L’Amoureux est souvent en proie à l’incertitude, toujours soumis à un choix. C’est pour cela que je te parle de lui. Parce que je me rends compte que toutes les années passées auprès d’Elizabeth n’ont été qu’une valse hésitation. Face aux difficultés, quelque soit les décisions que j’ai pu prendre, ce n’était jamais idéal et je devais en assumer les conséquences.
Alors, après m’être remis en couple avec elle pour la deuxième fois, très vite, je me suis encore demandé si j’avais pris la bonne résolution. Je voulais son bonheur, bien plus que le mien. Prendre soin d’elle, comme des autres. Très vite, je me suis posé des questions sur notre relation, le désir que je lui portais, les doutes qu’elle faisait naître en moi au quotidien.
Mon meilleur ami, ma famille, personne ne comprenait mon attitude, mon refus d’accepter simplement qu’au bout d’un moment, la vie, il fallait faire avec. Laisser tomber ou si je décidais de m’accrocher, la croquer pour de bon. Comme tout le monde, j’étais devenu un adulte. Rien ne servait de lutter encore contre le changement. Je ne devais pas me poser de questions, je devais endosser mon rôle, celui du père, celui du winner, celui du séducteur. J’avais des responsabilités. Je devais arrêter de me disperser, de rêver et oublier… Oublier ce que j’étais. Il était temps que je grandisse, temps que j’aie d’autres enfants, temps d’aimer et d’être aimé. Alors on a essayé. Tout essayé. Mais ce n’était pas si facile. Le bébé, surtout, ne venait pas. Elizabeth semblait en souffrir tandis que moi, j’éprouvais une sorte de soulagement. Car j’étais conscient que lorsqu’elle tomberait enceinte, rien ne serait comme avant.
Le jour, quand Elizabeth travaillait, tout me semblait lourd. Je ressentais le vertige de celui qui ne sait pas où il va. J’errais dans l’appartement, tel un zombie, avec Camomille dans les pattes, prête à me faire tomber. Ah ! Qu’est-ce qu’elle a pu m’agacer celle-là parfois ! Alors non, je ne suis pas phobique ou anti-chat mais je ne suis pas subjugué par leurs multiples vertus. Attention, ouverture de l’encyclopédie à la page de notre ami félin. Ah, si Elizabeth me lisait…
Si vous ne le saviez pas, outre l’effet des vibrations du ronronnement sur la cicatrisation, celui-ci engendre la production de sérotonine, autrement appelée hormone du bonheur. Tout un programme : elle diminue le stress, intervient dans la régulation de la tension artérielle, stimule le système immunitaire… Dans notre cas, nous n’oublierons pas l’indéniable soutien psychologique puisque Elizabeth avait adopté cette chatte peu après la mort de sa mère, c’est dire toute la signification du geste.
Un samedi après-midi, de manière improvisée, elle m’avait traîné à la SPA de Gennevilliers bien déterminés à ne pas revenir sans sa boule de poils. Mais une fois là-bas, au milieu de toutes ces merveilleuses créatures qui ne demandaient qu’à être choyées, dans leur immense cage, difficile de se décider. Alors c’est Camomille qui l’a fait pour nous. Elle s’est approchée, le responsable de la structure l’a posée dans les bras d’Elizabeth pour terminer de la convaincre et elle s’est mise à ronronner dans son cou, comme si c’était sa place. Elle était entièrement noire, sauf le bout de ses pattes, blanches, comme pour conjurer le mauvais sort. Il fallait se rendre à l’évidence, elle était bénéfique pour elle. Je n’ai donc pas lutté et nous sommes rentrés à trois.
Malgré tout, pour moi, les journées n’en finissaient pas et la présence de notre animal de compagnie (terme fort à propos dans le contexte), qui continuait de me suivre dans chacun de mes mouvements, ne m’a jamais vraiment réconforté.
Vous me direz, je n’étais pas assez réceptif. Peut-être. J’étais plutôt du genre à m’écrouler dans le canapé, essayant de trouver mes réponses dans la blancheur du plafond de notre appartement. Je m’ennuyais. J’avais l’impression de passer à côté de ma vie, d’y être un étranger. Je ne me sentais pas légitime ici, j’étais presque gêné. Comment tout ça allait-il finir ? Je rêvais d’aventures, de folie et en même temps d’être juste heureux aux côtés de la femme que j’aimais. Ça arrivait de temps à autre. Des bons moments, on en avait. Seulement fallait-il se donner les moyens de les atteindre.
Les nuits où je bossais, je rentrais volontairement plus tard, pour ne pas croiser Elizabeth avant qu’elle parte travailler. Je continuais de fuir une réalité qui m’encombrait, je détournais le regard d’une routine qui me consumait, je me sentais seul malgré le monde qui m’entoure. Il était temps que je regarde la vérité droit dans les yeux, et c’est arrivé un jour où je ne m’y attendais plus.
Mars 2016. Ce jour où je me suis rendu compte qu’Elizabeth non plus, n’était pas ce qu’elle paraissait et qu’au fond, je lui faisais presque plus de mal que de bien. Ce jour où je n’en ai plus pu de vivre avec cette peur du temps qui passe au fond du ventre, cette peur des regrets au fond du cœur. Ce jour où finalement, quelque part, c’est peut-être Elizabeth elle-même qui a provoqué cette rupture.
Jusque-là, j’avais joué la sécurité. Le confort d’être avec quelqu’un dont j’avais la certitude qu’elle m’aimerait jusqu’à la fin, et que moi aussi, j’aimais à ma manière. Mais quelqu’un devant qui j’avais passé mon existence entière à nier. Quelqu’un qui m’empêchait et que j’empêchais de se trouver. Quelqu’un avec qui les mensonges me retiendraient toujours d’être moi-même. J’aurais voulu qu’il en soit autrement, j’aurais voulu être l’homme de sa vie mais le fait que je n’ai jamais réussi à les présenter ni à Émilie, ni à Raphaël, ni à certains autres de mes amis était la preuve évidente d’une défaite inexorable. Il était temps d’en finir. Parce que parfois, l’existence n’attend plus. Voilà.
Voilà où nous en étions quelques semaines avant le début des vrais problèmes. Parce que je n’avais pas prévu qu’en voulant retrouver ma vie, Elizabeth allait commencer à vouloir enfin goûter la sienne.
Inspiration : Il est temps qu’on m’aime, Amir
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