Partie 2 : L’écho
Chapitre 27
Le temps s’est suspendu. L’appartement que j’ai abandonné tout à l’heure est toujours là, au même endroit mais n’est plus le même vraiment. Il a perdu son âme et à la place, Arnaud et son collègue me font face. C’est lui le chef. Je le vois bien à sa façon de me cerner, de chercher comment s’y prendre pour m’annoncer la nouvelle. J’ai du mal à ne pas laisser les larmes me monter aux yeux et lui, réalise que je suis sur le point de craquer. Il se lance tout de même.
– Toi et lui, vous étiez proches ?
– Étiez ?
Je voulais repousser cette vérité à plus tard, mais il fallait bien qu’elle finisse par m’exploser à la figure à un moment ou à autre, même à demi-mots. Jimmy est mort. Comment ? Je pince ma lèvre inférieure pour ne pas pleurer. Je le ferai plus tard, seule, je ne donnerai pas cet avantage à Arnaud de me sentir meurtrie. Je me dois de rester forte.
– Dis-moi Elizabeth.
– On travaillait ensemble sur une affaire depuis quelques semaines, on est rapidement devenu amis.
– Amis ? Et depuis quand tu emménages chez de simples amis ?
C’est le seul moyen que j’ai trouvé pour ne pas complètement dérailler. Trouver du soutien ailleurs.
Non sans une certaine ironie, je réponds.
– Depuis que mon connard d’ex m’a fait perdre la tête peut-être !
Presque malgré moi, le ton est monté. Je fais ce que je peux. Il est sorti du cadre, moi aussi. Son collègue est sûrement au courant que l’ex en question, c’est lui. Ainsi, à nouveau, un silence pesant s’insinue dans l’appartement. Dans les moindres recoins. Je continue plus posément. Je ne veux pas les braquer, j’ai besoin de savoir ce qui s’est passé.
– Est-ce que tu vas enfin m’expliquer ce qui est arrivé ?
Je m’adresse à Arnaud comme si son collègue n’existait pas. Ce rapprochement entre nous me paraît nécessaire. J’essaie de résister à ce choc qui m’anéantit. Je n’ai plus personne à qui m’accrocher alors je profite de l’occasion. Arnaud est là tandis que son collègue fait partie du décor, comme le ficus posé à côté de la télévision. Je n’ai rien contre lui, mais je ne le connais pas. J’ignore même jusqu’à son nom.
Il semble plus jeune que nous mais ses traits tirés ne mentent pas. Les années passées lui ont laissé davantage de traces indélébiles. Il laisse faire, il préfère ne pas s’en mêler et j’imagine qu’il interviendra si ça dégénère. Alors que nous parlons, il refait un tour de l’appartement tout en gardant une oreille attentive à la conversation.
– Quand on s’est pointés, après avoir été alertés par tes voisins, il était étendu sur le trottoir, en bas de votre immeuble. Apparemment, il est passé par cette fenêtre, m’annonce-t-il d’une voix calme en la pointant du doigt. Les secours n’ont rien pu faire, il est mort sur le coup.
Bizarrement, je songe que le meurtre par défenestration est plutôt original dans ce genre de circonstances et pour le type de criminels que j’imagine. Enfin, je n’en sais rien après tout. Tout se mélange dans ma tête.
– Vous avez relevé des indices pour savoir qui l’a poussé ? Vous avez des pistes ?
– Des pistes ? Liz, l’autopsie nous en dira plus mais on a retrouvé de l’alcool et des médicaments sur la table. Ton ami s’est visiblement suicidé, je suis désolé.
Désolé ? Laisse-moi rire. Je me demande si le légiste sera capable de confirmer ça grâce à son analyse. Et la lettre d’adieu, elle est où ? Si je veux avoir la réponse à mes questions, je vais devoir faire preuve de patience car Arnaud risque de rester frileux. Mais je suis catégorique.
– Impossible.
Arnaud maugrée. Il se fout de ce type qui me ramène encore une fois à lui.
– Tu sais comment ça se passe. Je vais finir le compte-rendu et il sera transmis au procureur. C’est lui qui va décider de la suite.
– Donc vous n’allez rien faire en attendant !
– Pas tant qu’on n’aura pas plus d’éléments, en tout cas. On est surchargé de boulot en ce moment.
Comme si je n’avais pas remarqué que la colère gronde et que les manifs fleurissent tous les jours en ce moment. Il me prend pour qui ?
– OK, je vais en donner alors, moi, des éléments. Tout à l’heure, j’irai au commissariat faire ma déposition.
– Tu as raison, c’est une bonne idée.
Arnaud est sur son terrain. Je ne veux pas le mettre à bout. Sa présence me fait du bien.
– Je suppose que je dois m’en aller maintenant ?
– Oui, ce serait mieux pour tout le monde, à commencer par toi. Tu veux qu’on te dépose quelque part ?
– Et puis quoi encore !
Depuis le début, son attitude inexpressive m’agace. Il veut le monopole du malheur ? Je le lui laisse, il l’a cherché. Quelque chose le taraude ? J’ai vu sûrement pire et je m’en suis relevée. Alors la seule chose qui compte pour moi, maintenant, c’est de résoudre ce crime et on y arrivera. Nous devons simplement y mettre toute notre énergie.
Tout en m’approchant du buffet, je demande :
– Est-ce que je peux juste reprendre quelques affaires avant de m’en aller ?
– En principe non.
Arnaud recule de quelques pas, je prends dans mes mains mon foulard et cherche des yeux le calepin qui devrait se trouver à côté. Je finis par le repérer sur le sol. Cependant, avant que j’ai eu le temps de faire le moindre geste, il le ramasse.
– C’est ça que tu veux ?
Il me le tend et je découvre mon dessin raturé. Dans une folie furieuse, je tourne les pages à toute allure. Mon croquis de Jimmy a disparu. Arnaud m’observe curieusement. Il pose sa main sur mon bras.
– Liz, il faut y aller à présent.
Je ne réponds pas. Je me libère de son emprise, seule une cigarette saura me détendre. Je me dirige donc vers la fenêtre en fouillant mon sac.
Après la première taffe, je réalise que le cendrier que j’ai vidé avant de partir est à nouveau plein. En examinant attentivement, ce ne sont pas des restes de mégots, ce sont des bribes de papier brûlé. Je reste incrédule.
Les questions se bousculent à nouveau. Qu’est-ce que ça veut dire tout ça ?
Inspiration : Jump, Van Halen
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