Partie 2 : L’écho
Chapitre 28
Je suis rentrée chez moi. Couchée dans mon lit, je regarde le plafond. La chambre ici est plus petite que celle que j’occupais chez Jimmy et elle me parait si vide. L’appartement entier aussi. Sans vie. Vous me direz, je suis là, moi, pourtant. Et Camomille, même si elle me boude, doit bien se cacher quelque part aussi. Mais est-ce que ça suffit ?
Depuis le temps que je n’étais pas revenue, tout me parait dépassé. Ces souvenirs auxquels j’essaie de me raccrocher ont-ils encore un sens ? Petit à petit, mon existence s’effrite.
Malgré l’optimisme qui me caractérisait à nouveau ces derniers temps, je me sens de plus en plus seule. Les draps sont froids. Un peu de poussière commence à recouvrir la table de nuit, et même la lampe de chevet que j’ai laissé allumée. Ce soir, j’ai trop peur du noir.
Bien que les lieux n’aient quasiment pas changé depuis mon enfance, j’observe cette chambre comme si je la découvrais. C’est celle de ma mère. Les meubles en chêne ont résisté au temps et le tableau accroché sur le mur d’en face m’a toujours emmenée ailleurs, plus de mille kilomètres au sud.
Loin de la grisaille parisienne, dans la chaleur catalane, j’imagine ce jeune peintre, assis devant son chevalet, peignant à l’huile ces maisons au bord de la mer.
Il fuit le régime de Franco. L’obscurité de sa prison me saute aux yeux, ramenant au second plan les murs blancs, les balcons fleuris et les barques qui me font tout de même m’évader un peu avec lui. Voilà. Admirer cette toile est habituellement un cadeau. Seulement aujourd’hui, tout ce que ce bien de famille m’inspire, c’est une grande déception.
Bien de famille. Quelle famille ? Fille unique, j’ai grandi sans père et j’ai perdu ma mère à dix-neuf ans. Les autres ? Jamais entendu parler. Je crois que c’est pour ça que ça a tout de suite collé avec Jimmy. Les mélos familiaux, ça nous connaissait. Jimmy… Jamais nous ne ferons ce voyage.
Je ne comprends pas. Je ne peux pas croire que le simple démantèlement d’un réseau de blanchiment d’argent puisse pousser au meurtre. Pas dans ces conditions. De toute façon, pour eux, les carottes étaient des cuites depuis bien longtemps, façon bourguignon. Ils le savaient. Quand on joue, on gagne, on perd. Nous n’avons fait que donner le coup de pouce qui manquait. Enfin, surtout Jimmy. Moi, je suis juste celle qui a profité de ce dossier pour écrire l’article qu’elle voulait, celui qui allait la remettre sur les rails. Et lui, celui qui a profité de moi pour que sa victoire soit complète. Échec et mat.
Après tout, chacun court après quelque chose et nous étions bien comme ça. Consentants de s’abuser, en pensant que l’autre n’y verrait que du feu, alors qu’en réalité, nous avions tous les deux consciences du drôle de jeu auquel nous nous prêtions. Un jeu dangereux qui a fini par le tuer.
Mais ce qui m’empêche de dormir ce soir, ce n’est pas simplement ça. Le fait qu’il soit mort et que moi je sois encore en vie. Ce que je crains, ce sont d’autres dégâts collatéraux. Je ne pourrais pas vivre avec ce poids sur les épaules. Certains, malgré eux, vont faire partie du jeu à présent, ainsi que leurs proches. Leurs visages se dessinent dans ma tête dans un demi-sommeil. Je ne veux pas sombrer. Non… Il y a quelqu’un que je devrais appeler, à qui je devrais parler. Trop tard, les limbes m’attirent et comme s’il pouvait toujours m’entendre, je chuchote.
– Bonne nuit Jimmy. Et que tes rêves infinis rendent les miens plus doux.
Inspiration : Sweet dreams, Eurythmics (reprise par Marylin Manson)
Mes autres réseaux sociaux :
Mon blog : https://isabelledayblog.wordpress.com/
Facebook : https://www.facebook.com/isabelle.myriam.day/
Twitter : https://twitter.com/IDay1985
Instagram : https://www.instagram.com/iday1985/
Ma page Short Édition : https://short-edition.com/fr/auteur/isabelle-day
Et pour être sûr de ne rien rater et avoir accès à du contenu inédit, vous pouvez également vous abonner à la newsletter (1 mail/mois à partir d’août 2019) en m’envoyant un message à isabelle.day(at)outlook.fr (remplacer (at) par @)