Partie 2 : L’écho
Chapitre 29
Il y a des nuits avec et des nuits sans.
Des nuits où tu rencontreras l’amour de ta vie à la soirée d’anniversaire de ton meilleur ami. Les mots y seront doux, magiques, sauront éclairer ce qui s’était éteint. Tu y trouveras de la poésie et des rêves qui s’accrochent. Et d’autres nuits seront pleines de vices.
Assis à mon bureau, je gamberge. La lumière artificielle des néons me pique les yeux. Sur les murs, des affiches me rappellent les derniers films que j’ai aimés, et les calendriers, les prochaines vacances scolaires.
Vingt-cinq mètres carrés. J’appelle ça l’aquarium. Les vitres nous empêchent de voir l’extérieur. Histoire de nous rappeler que lorsqu’on est ici, on n’est nulle part ailleurs que penchés sur nos bureaux en bois, vieux mais résistants. Comme nous.
Quand les vents se déchaînent, sous les rouleaux des déferlantes, j’essaie de garder le cap. Tenir la tête hors de l’eau ou s’entraîner à l’apnée. Ici, pour ça, on n’est jamais vraiment seul et chacun a sa technique. L’essentiel est de tenir le coup quand la vie nous ballote.
Jeanne peste, le nez dans le meuble à tiroirs métalliques. Dany termine un dépôt de plainte. Mathieu pianote sur son clavier d’une main et de l’autre récupère la veste posée sur sa chaise. Pour finir, voilà maintenant Nico qui arrive.
Je lui parle des différents dossiers.
– Jérémy Bonnet, l’avocat ? Il est mort ?
Je ne sais pas si c’est de la surprise ou de la tristesse que je perçois dans les yeux de Nico.
– Je vois que sa réputation le précède.
Je le préviens de la visite probable d’Elizabeth, de ses convictions. Pendant que je mets un peu d’ordre, Nico ajoute :
– Et toi, t’en penses quoi ?
– Moi, je préfère laisser parler les faits. Alcool, médocs, plongeon du cinquième…
Nico se met à rire.
– C’est bien la première fois que je t’entends remettre en doute la parole de ta chère Liz. Les temps changent.
S’il savait. Elizabeth a raison, je ne le sais que trop bien mais je ne veux pas laisser d’espoir à son entêtement. Je ne crois pas que ce mec-là en vaille la peine.
– Nono, sérieusement ? Tu sais comme moi qu’il ne faut jamais se fier aux apparences, surtout dans notre métier.
– Peut-être. Mais je pense qu’elle n’est pas capable de réfléchir objectivement. Elle était trop proche de la victime.
Nico rit à nouveau.
– C’est un peu l’hôpital qui se fout de la charité, non ?
Je souris à contrecœur.
– Écoute, c’est toi qui récupères l’affaire, je te laisse gérer ça. Mais tu m’as demandé mon avis, alors tu l’as.
Nico réfléchit quelques instants avant de continuer :
– Tu n’imagines tout de même pas qu’ils étaient ensemble ? Tu as toujours été sa seule obsession, je te rappelle.
Encore une fois, je botte en touche.
– Je te laisse le soin de la cuisiner. Fais-toi plaisir.
Nico me tapote l’épaule, d’un air satisfait.
– Compte sur moi.
Parfois, quand je me vois, j’ai du mal à croire en l’être humain. Alors je pense à toi, mon Raphaël et je me dis que tout n’est pas perdu. Grâce à toi, je me sens encore capable d’aimer. Et je crois que c’est de ça dont le monde a le plus besoin en ce moment pour avancer.
C’est la fin de mon service et le jour s’est totalement levé à présent.
Inspiration : L’oiseau et l’enfant, Marie Myriam
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