Vieux, très vieux
peau creusée par le temps
peau flasque qui s’écroule
se souvient
de tout ce qui a été dévoré
par les chiens au fil des années.
Vieux, très vieux
avec des mots tordus
mort-murés
dit des choses qui inquiètent
oblige à regarder la mort
exactement
précisément notre mort
qui se tient sur le seuil.
Regardez-le
un souffle
et il s’envole
dans la lumière ou l’obscurité
on ne sait pas
on ne saura jamais.
Pleurez si vous voulez
si vous pouvez
larmes ou caresses
ne changeront rien
il y aura des soirs
il y aura des matins
anéantis
engloutis.
En rire
encrer encrier
écrire la nuit avenir
ravalement de façade
mais voir les oiseaux
se fracasser sur nos vitres
teintées d’inconscience
abandonner les mots insignifiants
jeter la parole
sur des sentiers impraticables
ici ou ailleurs
quelque chose de noué
dans la gorge
langue étrangère
noyée en mer des sarcasmes.
Et aussi, aussi
nous serons nus
sans autre peau que la colère
colère de passage
attrape nigauds
immense chagrin
dans les yeux bleus
d’un ciel sauvage.
Mais surtout, surtout
nous pourrons peut-être
chanter dans les cimetières
mariner entre les tombes
en compagnie des particules
entre jouissance et mélancolie
partager la folie du vent
sur nos épaules
endormies
en ouvrant les plis de nos rêves.
Et encore, encore
même si l’improbable est certain
il sera toujours temps d’apprendre
le sable et la vague
la cicatrice et la plaie
l’ombre et le feuillage
la pluie et le sanglot
la mort et l’horizon
Et puis enfin, enfin
une vieille femme dans la neige
ses yeux comme deux lacs verts
l’aube dans ses cheveux.
Étonnant et triste aussi.