Mbom (La belle-fille)

4 mins

                  

                          Chap. I

Depuis toujours, Otsira Memine fille de Memine Mvo’o du village Etô Ngomane, avait souhaité, qu’Abiane Engueng fils d’Engueng Obounou chef du village Ndzong Mvou, se souvienne d’elle. Ils avaient, dans leur jeunesse, eut une idylle de passage, du moins pour le jeune homme. Otsira elle, était tombée éperdument amoureuse de ce garçon, qui l’avait quitté après l’avoir dépucelée. Mais certains sentiments, ne s’attardent pas à ce genre de détail. Elle était restée persuadée, que le jeune homme se rendrait compte de son amour pour elle, et qu’il reviendrait demander sa main à son père.

Elle avait continuée d’attendre, même après avoir appris qu’il avait épousé une autre jeune femme, et eut un enfant avec cette dernière. Et s’obstinait à refuser, tous les autres jeunes gens, qui s’étaient succédé à la porte de son père, pour demander sa main. Au grand dam de ce dernier. Un jour cependant, on ne sait pour quelle raison, Abiane avait fini par se présenter chez le père de la jeune femme, afin de la prendre pour épouse. Sa première femme venait de décéder, après avoir été mordue par un serpent dans ses champs. Et le temps de rentrer au village, il avait été impossible de la sauver.

Abiane se retrouvait maintenant, avec une petite fille de deux saisons sèches à élever, seul. Otsira avait accepté de l’épouser, sans trop se poser de question, trop heureuse que l’homme de sa vie, se soit enfin souvenu d’elle. La veille de son départ dans sa belle-famille, Otsira reçu la visite de son père. L’homme semblait inquiet :

As-tu fini de préparer tes affaires a ngone dzam*, S’enquit Memine

Owo essiè* je suis fin prête,

Otsira ngone dzam, je suis inquiet pour toi, dit encore le vieil homme

Ndza lé essiè* ?

J’ai bien observé ton époux durant tout le déroulement du rituel, 

E de essiè*, qu’avez-vous constaté ?

Il me semble, que cet homme n’est pas revenu pour les raisons que tu crois, conclut-il

Otsira qui était assise sur son lit, se leva et fit quelques pas dans la chambre. Elle savait, que l’intuition de son père, ne l’avait jamais trompée. Et voilà qu’elle avait maintenant, le sentiment d’être prise au piège, entre les griffes de la panthère. Mais qu’y pouvait-elle désormais ? Elle se consola en se disant, que son amour pour l’homme adoucirait peut-être son cœur, au fil du temps. Elle s’assit donc près du vieil homme sur le lit et lui prit les mains :

Wa yiène me sala* essiè, et prier nos ancêtres pour moi, lorsque je serais partit, pour ma part, je supporterais avec abnégation tout ce qu’il m’infligera, ce sera le prix à payer pour l’avoir attendu, conclut la jeune femme tristement

L’homme fixa sa fille et se dit qu’elle avait raison, il n’était plus temps de faire marche arrière, elle devait partir le lendemain, avec sa nouvelle famille. Mais il savait le père du jeune homme quelqu’un d’intègre, il ne lui permettrait pas de dépasser les bornes avec sa fille. Pour le reste, les ancêtres et le tout puissant Eyo’o veilleraient.

Le lendemain comme prévu, le cortège se mit en route. Otsira était assise dans une charrette tirée par des chevaux, elle tenait dans ses bras Oloun Abiane la fille de son époux. L’homme quant à lui montait un cheval, et se tenait en tête du cortège avec son père, ce qui était très inhabituel. Il aurait dû se trouver dans la charrette avec sa nouvelle épouse ainsi que sa fille et conduire celles-ci, mais pour la circonstance, il avait confié cette tâche à son jeune frère Minkare Engueng.

Le voyage se déroula sans problème, les deux villages étant à moins d’une centaine de kilomètres l’un de l’autre. Otsira fut installée dans la case de son époux, mais dans une chambre qu’elle partageait avec Oloun, la fillette de celui-ci. Et durant les cinq premières saisons sèches qu’elle passa dans son nouveau foyer, son unique rôle fût de prendre soin de l’enfant. Ce qu’elle fit de bon cœur, malgré les difficultés auxquelles elle était confrontée au quotidien. Elle comprenait maintenant ce que son père avait perçu. Abiane avait besoin d’une olalu*, pour prendre soin de sa fille, et c’était là, le seul rôle qu’il lui réservait dans sa demeure.

Elle n’avait pas le droit de préparer ses repas, ni de prendre soin de ses vêtements. Elle n’avait pas le droit de rentrer dans sa chambre, et cela, pas même pour y mettre de l’ordre. L’homme ne lui avait pas construit de cuisine, elle se débrouillait donc comme elle pouvait, et se retrouvait souvent à utiliser l’un des foyers dans la cuisine de la défunte épouse de celui-ci. Ce qui n’était pas recommandé. Et puis, elle avait pris l’habitude, n’ayant pas de champs elle-même, d’aller aider ses belles-mères, les deux épouses d’Engueng Obounou le chef du village, son propre minki* dans les leurs. En contrepartie, les deux femmes partageaient avec elle, leurs récoltes. Ce qui lui permettait de se nourrir et de s’occuper d’Oloun.

Pour ses autres besoins, elle avait entreprit, avec l’accord du chef, d’aller vendre au marché ce qu’elle avait en trop. Cela lui permettait d’acheter des pagnes, ainsi que d’autres babioles, qu’elle venait revendre au village. Elle pouvait ainsi prendre soin d’elle-même, et se tenir au milieu des autres femmes de la famille sans avoir honte. Et ce qui au départ, avait été source de larmes pour elle, se transforma en quotidien. Elle s’était fait à l’idée, que cela ne changerait pas, et avait pris le parti de s’en contenter.

Le temps passait, et la jeune Oloun, qui s’était beaucoup attachée à Otsira, commença à se poser des questions sur le statut dans la famille, de celle qu’elle appelait affectueusement, Nyiè*. Un jour que son père était assis sur une chaise longue, sous l’Oveng, elle s’approcha et l’air de rien vint s’assoir près de lui. Abiane regarda sa fille en souriant, elle avait bien grandit, et était maintenant une très belle enfant, sa mère en serait fière :

Essiè ?

Hum !

Ye ô va som Nyiè ?

Za nsili fe wui* ? bien sûr que non, fit Abiane en se redressant sur son siège, qui t’a raconté des choses pareilles ?

Se mbôt*, j’ai juste remarquée n’na a ning va an’olalu*, et je me suis dit que si tu l’avais achetée, je te rembourserais lorsque je me marierais, comme ça je pourrais l’emmener avec moi

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3 Commentaires
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O. DeJavel
2 années il y a

Une histoire touchante. Les liens que l’on tisse avec un enfant sont permanents, c’est certain.

ccccccccccccc bbbbbbb
2 années il y a

Une très jolie histoire, j’adore le style fluide et simple.
L’amour est aveugle, mais cette femme est courageuse, elle est lucide et en a pris son parti.
L’enfant exprime enfin la reconnaissance méritée.

Fairyazula
2 années il y a

Je n’ai pas besoi de te dire à quelle point c’est parfais, bravo ,maman. Eh oui, c’est ma mère.

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