L’arcade sud était bondée. Lilibeth se dirigeait vers son laboratoire tout en débattant avec Jemiah sur un sujet qui ne parvenait pas aux oreilles de Sarah, à la traîne, comme à son habitude. La discussion paraissait houleuse.
Sarah déambulait, hors des gens et hors du monde, vers la bibliothèque située deux étages plus haut que le labo de Lilibeth. Rien ne semblait pouvoir l’atteindre.
Une chose sans consistance ni forme exacte, qui ressemblait plus à un voile arachnéen, se déplaçait au- dessus du sol. Elle devait être à la recherche de quelque chose. Ou de quelqu’un. Appelons- la Nefaris.
Elle s’arrêta comme si elle venait de trouver la raison de sa présence. Personne n’aurait pu décrire ce qu’elle regardait, ni même si elle détenait la capacité de vision. Peut- être utilisait- elle d’autres sens pour se repérer? Elle demeura de longues minutes immobiles, sans doute happée par le parfum ou l’aura d’une proie.
Sarah, les yeux hagard, perdue dans ses pensées, n’avait pas conscience de ce qu’il était en train de se produire. Elle n’était pas suffisamment concentrée pour avoir perçu Nefaris. Elle n’avait pas non plus détectée la moindre odeur ou entendu le plus infime des sons.
Nefaris se remit en route, se lança à travers la cohue humaine.Son allure foudroyante soulevait les feuilles des arbres qui jonchaient les pavés de la cour.
La suite se passa avec une telle célérité, qu’une description détaillée fut pratiquement impossible.
Une longue chevelure à la pigmentation de l’acier. Un corps surélevé; figé sur place. Les gens observant sans savoir quoi faire. Fallait- il seulement faire quelque chose? Était- ce dangereux?
Des murmures s’élevaient dans la foule qui s’agglutinait peu à peu autour de Sarah.
“Mais qu’est- ce qu’elle a?” demandaient certains, effarés.
“ Je t’avais dit qu’elle était bizarre!” se moquaient d’autres.
Pendant ce temps, devenu si lourd et inhabituellement long, le corps de Sarah toujours inerte retomba par-terre dans un bruit sourd.
Ses yeux, grands ouverts, avaient une teinte différente. On ne distinguait que très peu ses iris, généralement clairs, à présent entièrement recouvert d’une couche gris- bleutée. On appelait cela les yeux d’argent. En temps normal, les personnes atteintes ressentaient de vives douleurs. Là, un interrogatoire se révélait inenvisageable.
Oric sillonna le tohu-bohu, inspecta le poul de son alliée et fit un signe affirmatif en direction de Lilibeth, qui s’était précipité derrière lui. Il s’apprêtait à soulever Sarah lorsqu’une fumée noirâtre sortit de ses lèvres entrouvertes. Un étrange son guttural et à peine audible suivit.
“ Oric, monte- la au Divinorum. Il faut que je l’examine en détail.”
L’intéressé s’exécuta aussitôt.
Ce texte fera partie de la saga fantasy dans laquelle je me suis lancée. Le Berceau du Chaos est au Silmarillion ce que ce texte est à un chapitre X du Seigneur des Anneaux, Les Deux Tours.
J’espère tout de même qu’il vous a plu!! 🙂