Je tente de raconter ma version des faits mais les médicaments m’empêchent de bien m’exprimer, j’ai le cerveau en marmelade. Elle m’observe en silence, sa tenue vestimentaire n’est pas celle de l’infirmière que je connais. Brünnhilde se rend compte que je m’interroge sur sa présence dans ma cellule. Amusée elle fouille dans sa poche et sort plusieurs feuilles de papier pliée en 4. Je souris à mon tour et lui demande ce que c’est.
“Je vais te laisser le découvrir dans une minute mais d’abord je dois faire quelque chose.”
Elle se lève et se place dans mon dos, elle me pousse en avant, je proteste, me débat, la questionne mais elle ne dit mot. Soudain je sens que je peux bouger les bras, elle m’a libéré de ma camisole. Se replaçant devant moi, elle me dit d’un air satisfait :
“Ca va mieux comme çà, hein?”
– Merci mais pourquoi tu fais çà?
“J’ai besoin que tes mains soient libres pour que tu puisses lire ce que j’ai écrit.”
– Tu ne vas pas avoir de problèmes? Et si quelqu’un arrive?
“T’inquiètes pas, je suis en repos aujourd’hui, les dimanches après-midi sont très très calmes ici, tu ne verras personne avant ce soir pour le dîner, d’ici là on est tranquilles au moins 2h. Vas y lis, j’ai hâte d’avoir ton retour sur mon récit.”
Mes muscles sont courbaturés et je sens que mes mains tremblent. Je saisis les feuilles et m’approche de la petite lucarne pour mieux lire. Le texte est tapé à l’ordinateur, tant mieux je n’aurais pas de problème à comprendre, quand on voit l’écriture des médecins, je me demande si les infirmières écrivent de la même façon. Avant de me plonger dans son histoire je lui jette un dernier coup d’œil, elle semble toute excitée, ses yeux brillent. Je me permets une dernière question avant de commencer la lecture :
“Pourquoi est-il si urgent que je lise ton texte, tu n’as pas des amis pour te donner leurs avis?”
– Arrêtes de parler et lis!
Je m’exécute sentant le ton impérieux dans sa réponse. Les premières lignes placent le décor, c’est l’histoire d’un petit garçon abandonné à la naissance puis placé dans plusieurs familles jusqu’à sa majorité. Jusque là rien de très original on peut voir ce genre de scénario dans les séries policières qui passent en seconde partie de soirée. Les lignes suivantes en revanche décrivent des scènes de massacre d’une cruauté sans nom, les détails de chaque meurtres sont dérangeants. Je lève les yeux vers l’infirmière, elle me fixe avidement, son regard à changé, on dirait les yeux d’un prédateur qui guette sa proie, un frisson me parcours le dos. Je reprends ma lecture, quelque chose m’interpelle, on dirait les mêmes meurtres que dans le livre, elle le lisait quand elle était à mon chevet, franchement son histoire n’a rien d’originale, entre l’histoire du garçon placé et les meurtres pompés dans le livre je ne comprends pas où elle veut en venir. Je termine ma lecture et je sais que mon opinion est attendue.
“Excuses moi mais je ne comprends pas pourquoi tu voulais me faire lire çà, en plus tu reprends des meurtres déjà cité dans un précédent bouquin, les même meurtres dont on m’accusent d’ailleurs…”
A ce moment là tout ce met en place dans ma tête, ce n’est pas une nouvelle pour mon podcast, c’est une confession. Son regard est brûlant maintenant.
“Ca y est tu as compris? C’est vrai que les médocs n’aident pas à avoir les idées claires.”
– Mais pourquoi tu me dis tout çà, tu dénoncer ce mec aux flics? Dire que je suis innocent ?
La jeune femme éclate de rire, un rire puissant, machiavélique, je regrette déjà ma question.
“Tu as compter le nombres de meurtres que je cite? Il y en 28, il y a eu le médecin, l’assistante sociale, les différents pères et mères d’accueil qui l’ont fait souffrir de différente façons, je te laisse imaginer ce que les hommes peuvent faire à un jeune garçon sans défenses et les pseudos mamans qui frappent si tu ne ranges pas ta chambre et le reste de la maison comme il faut. Ensuite il y a eu la secrétaire au bureau de l’état civil, la femme au bureau des adoptions et pour finir ta petite peste de voisine qui était un peu trop bavarde.”
– Mais, mais qu’est-ce que j’ai avoir la dedans moi?
Brünnhilde s’approche tout près de moi, je suis tétanisé, elle pose son index sur mes lèvres et commence à ouvrir son chemisier, sa respiration s’accélère, je me sens pris au piège. Elle déboutonne doucement, elle se frotte contre moi et mordille sa lèvre inférieur, ses yeux pétillent. Elle ouvre sa chemise et je peux y découvrir le tatouage d’une tête de loup sur le haut de sa poitrine. Mon sang se fige dans mes veines, c’est elle la Louve solitaire, celle qui a découpé mon père dans la cave, je veux crier mais aucuns sons ne sort de ma bouche. Elle approche sa bouche près de mon oreille :
“N’y pense même pas, j’ai de quoi te faire dormir très profondément. Donnes moi ta main, tu sens ce qu’il y a entre mes jambes? Tu ne rêves pas, je suis née fille dans un corps de garçon, je vais bientôt subir la dernière opération, tourner la page avec mon horrible passé, il ne me reste que quelques détails a régler. Si tu essaies de faire ou de dire quoi que ce soit tu passeras pour un fou, le texte que tu viens de lire je l’ai tapé sur ton ordinateur, imprimé sur ton imprimante et maintenant j’ai tes empreintes sur les feuilles. Personne n’aura l’idée de soupçonner une femme.”
– Oh mon dieu, mais c’est quoi ce bordel?
“Mon poussin calme toi, tu es un dommage collatéral et finalement tu vas être très utile. Oui parce que le travail n’est pas finit, il faut que je finisse et que je disparaisse. Je ne te cache pas que j’ai eu peur de me faire attraper par la police mais tu as été parfait. Bon il faut dire que j’ai bien préparer le terrain, je me suis inscrite à la bibliothèque où tu travailles et j’ai fait en sorte de placer le livre des 30 meurtres pour que tu tombes dessus, après je dois dire que tu as fait un super boulot sans le savoir cette idée de podcast c’était du génie. Je suis fière de toi mon frère.”
– Quoi? Mais qu’est-ce que tu racontes? Je n’ai jamais eu de frère, mes parents…
“Et bien oui ton père a faillit t’en parler, le pauvre à fait une découverte en rangeant le sous-sol, il est tombé sur les papiers d’adoption, ta mère avant de le connaître a eu une aventure et comme elle était trop jeune et surtout pas mariée, ses parents l’ont obligés a m’abandonner. Il m’a presque fait de la peine quand il a apprit la nouvelle, sa gentille épouse si parfaite ne lui en avait jamais parlé. Pour moi je leur ai rendu service, c’était partit pour une grosse crise de couple et sûrement un divorce au bout du compte. Je t’ai évité la douleur de la séparation, c’était mon numéro 29.
– Oh merci, je dois te remercier alors, c’est vrai qu’entre un divorce et la mort, cette dernière était mieux, mais c’est n’importe quoi tu es complément folle, sors d’ici et ne m’approche plus.
Les larmes coulent sur mon visage, je ressens un mélange de colère, de rage, de peur et de tristesse. Brünnhilde avance vers moi et me plaque au sol une nouvelle fois, elle me rattache les mains dans le dos. Toutes mes forces m’ont quittées, je suis comme dans un état second, je lève les yeux vers elle et je vois Lenny à côté de moi, elle me fixe avec sa respiration sifflante.
“Pourquoi tu as tué Lenny, c’était qui pour toi?”
– Ahhh Lenny, çà aurait pu être une belle histoire entre nous mais elle est tombée enceinte et je ne voulais pas qu’elle le garde, il y a bien assez d’enfants malheureux sur terre. Mais bon elle n’a pas voulut le faire passer, du coup je m’en suis occupée moi-même. Mais je tiens à la remercier c’est elle qui m’a inspirée la femme que je suis devenue. Il parait que tu la vois régulièrement, tu lui passera le bonjour. Entre nous tu m’as traitée de folle, je ne sais pas qui est le plus fou des deux.
Lenny pleure à coté de moi, elle se touche le ventre. Soudain la pièce se remplit de monde, des hommes et des femmes que je n’ai jamais vu entourent l’infirmière, ils semblent tous très en colère. Je reconnais le visage de ma petite voisine, ma cellule est remplie des fantômes de Brünnhilde, leurs cris m’oblige a me recroqueviller sur le sol, je demande de l’aide à ma sœur mais elle rigole et tourne les talons en s’adressant à moi pour la dernière fois :
“Je te laisse j’ai une visite à domicile a faire, ma dernière victime, mon numéro 30, je passerais le bonjour à ta mère, ne pleure pas elle fera bientôt partie des fantômes qui te hantent. Adieu frérot.”
La porte se referme sur moi, je suis piégé, ce soir ma mère va payer pour une erreur de jeunesse, je ne peux pas bouger, pas crier, je suis terrifié.
FIN
Si je m’attendais à ça ! Jusqu’au bout j’ai cru qu’il allait peut être se réveiller d’un super mega long mauvais rêve… Mais là…
Jai adoré vraiment. Même si je me doute qu’il reste enfermer toute sa vie, j’aurai aimé savoir ce qu’il allait devenir. En tout cas c’était vraiment super. Je le répète j’ai adoré !
Merci beaucoup, le but était de ne pas aller là où les gens attendaient … je suis contente d’avoir su captiver mes lecteurs. La barre est haute pour mes prochains textes 😉
Un récit tellement captivant et une fin complètement inattendue. Tu as fait là une petite merveille !
Qui sait peut-être qu’un jour je le publierais 😉
Très bon final vraiment inattendu. Belle surprise. Au final j’ai vraiment adoré cette nouvelle et j’en redemande.
Merci beaucoup pour tes commentaires, je ne ferais pas de suite a cette histoire… enfin je ne pense pas mais surement une autre nouvelle "sombre"… j’adore surprendre mon lecteur.