Une sensation de flottement le força à ouvrir les yeux et il fut surpris en voyant qu’il volait dans un champ de lumières. Son regard passa d’étoile en étoile et il s’en approcha, absorbé par ce spectacle déroutant. Leur couleur ne cessait de changer, créant un arc-en-ciel mélangé aux ténèbres.
Ses yeux brillaient d’émerveillement et il s’osa à toucher l’une d’entre elles. Celle-ci s’évapora dans une fumée d’or et renvoya une musique classique, aux allures de berceuse. Tout commença à virevolter autour de lui et débuta un ballet aux mille nuances, sous l’admiration du jeune homme.
Les étoiles se transformaient en humain, qui tournoyaient, encore et encore, dans les rires et l’entente. La musique changeait toutes les cinq secondes, passant de rock à jazz, jazz à rap — à son plus grand étonnement — et ainsi de suite. Il se sentit entraîner dans ce vent de folie, et se laissa porter par les différents sons mélodieux, son corps partant dans tous les sens.
Une excitation explosive traversa sa chair de part et d’autres et ses jambes s’envolaient loin dans le ciel, accompagné de ses compagnons de voyage. Il passa d’un univers empli de noir à des plaines bleues, survolées d’une multitude de fleurs blanches, venant quelquefois chatouiller les pieds des baroudeurs. Une agréable odeur de cerise vint mettre l’eau à la bouche et ils suivirent cette senteur, toujours le corps virevoltant.
D’un coup, Grégoire se sentit tomber et il ne put que regarder les autres partir, pendant qu’il chutait, la voix coincée dans la gorge. Le claquement brutal de l’eau contre sa peau ne lui fit aucun effet, il continua à couler, la froideur des fonds marins parcourant sa nuque, puis son dos, mordant délicatement son ventre, griffant ses jambes dénudées.
Il ne pouvait agiter ses membres, puis l’eau commença à s’illuminer, laissant place à un festival de poissons aux couleurs chatoyantes. Une musique sourde atteignit ses oreilles, chaque être commença à tourner autour de lui, des applaudissements retentirent, et un objet froid vint s’agripper à sa cheville.
Effrayé, il baissa si vite la tête que son cou craqua : une chaîne rouillée entourait dès à présent tout le bas de sa jambe et il ne put toujours pas se débattre. L’ambiance changea du tout au tout ; les poissons devenaient des ombres monstrueuses et sans visage ; l’eau semblait couper sa peau et l’étouffer sans pitié.
La noirceur recouvrit les lieux et il se retrouva seul avec lui-même. Une angoisse lui prit les tripes, alors que la musique devint une distorsion horrifique. Elle semblait lointaine, mais une présence était près de lui. Des voix commencèrent à se rapprocher.
— Danse.
Un mal de tête abominable le fit se courber et elles continuèrent à s’approcher.
— Danse.
— Danse.
— Danse.
Un frisson de peur remonta le long de sa colonne vertébrale. Il put distinguer des faces noires, qui ne cessaient d’applaudir.
— Danse.
— Danse.
Alors il dansa contre son gré, encore et encore. Tout lui faisait mal, il avait l’impression de brûler, de mourir de l’intérieur, puis une main vint caresser avec délicatesse ses cheveux et essuyer les petites larmes qui avaient coulées sur ses joues.
— Danse.
Il ferma les yeux et chercha encore cette chaleur réconfortante. Des bras l’entourèrent et il se colla contre le corps de l’inconnu. Les autres répétaient toujours et encore la même chose.
Une voix, dont il ne parvenait pas à distinguer si c’était un homme ou une femme, lui murmura des mots doux, et une bouche se déposa délicatement sur son front, guérissant ses maux. Il sombra petit à petit, la douleur et la peur disparaissaient, laissant place au repos éternel.
— Cesse de danser !
C’était ses derniers mots.