Peut-on encore se sauver ?

3 mins

Se sauver.

C’est un verbe intéressant, n’est-ce pas ? Synonyme de fuir, de décamper ou encore de disparaître, il n’a pas une connotation très positive, il faut bien l’admettre.

Se sauver. Cela peut aussi bien faire penser aux déserteurs qu’aux courageux ayant quitté leur pays pour une plus belle vie. Car se sauver est aussi synonyme de se réfugier.

Si nous gardions ce dernier exemple. Des milliers de gens ont réussi à se sauver. Des guerres, des famines, de la folie humaine… 

Oui, se sauver est quelque chose d’habituel dans le langage humain. Pensons, par exemple, à celleux ayant quitté l’Allemagne de la RDA. Celleux qui ont tout quitté pour une vie meilleure, pour être libre, pour écouter les informations de leur choix, pour manger à leur faim et ce dont ils avaient envie. Des évasions sous les capots des bus ou en deltaplane. 

Pour se sauver, l’être humain est créatif. 

Mais pensons aussi aux migrants. Oui, c’est gens, toujours critiqués, jugés, méprisés, c’est gens qui font naître plusieurs sentiments : la compassion, le mépris, la pitié, la honte… Ceux à qui on refuse la fuite. Alors qu’ils vivent des horreurs, ceux qui réussissent à se sauver, justement. Ils partent de lions, vivent des moments éprouvants. Ils marchent sur des milliers de kilomètres, en naviguant tout autant. On leur claque la porte au nez, mais continuent à avancer. Pour se sauver. Ils vivent la misère pour le meilleur. Ils se sauvent. Ils se sauvent la vie. Ils se sauvent de l’horreur. 

Autre exemple, qui, sans doute, touchera bien du monde : le mental. Car se sauver, ce n’est pas un terme uniquement physique. Mais aussi psychique. Pensez-vous que celleux qui sont torturés mentalement, chaque jour, au travail, à l’école, à la maison, sur les réseaux sociaux, peuvent en réchapper si facilement ? Eh oui, une fois encore, se sauver est un terme positif menant au bonheur. J’ai parlé de harcèlement mais il en va de même du courage de ceux qui fuient leurs addictions, leurs démons intérieurs. Un toxicomane ne guérit pas en quelques jours. Ce sera dur pour ellui de faire disparaître ce qui l’a modifié à jamais. Ce qui me fait également penser aux anciens détenus, qui, eux, font ce qu’il peuvent pour assumer ce qu’ils ne peuvent fuir. 

C’est cette réflexion qui va donner ma réponse.  

Car il y a des choses que l’on ne peut fuir. Son passé. car chaque action en entraîne une autre. Cellui qui aura fui son pays n’aura pas le même destin que cellui qui ne l’aura pas fait. 

Mais le passé est si présent qu’il empiète sur notre avenir.

 

Quelque chose qui touche la terre entière ? Le réchauffement climatique, la destruction de l’environnement naturel des populations du globe entier. Cela aussi, nous ne pouvons le fuir. Car si d’ici trois ans, de nombreux rivages seront sur les eaux tandis que le climat se réchauffera plus encore, nous devons garder à l’esprit que ce sont les actions des générations précédentes qui nous ont légué un environnement voué à nous tuer à petit feu et à détruire nos civilisations. Nous allons disparaître. C’est un fait. 

Ce qui m’amène à mon dernier point. 

La dernière chose. La plus inévitable.

Connaissez vous cette histoire de John O’Hara? Celle de la mort ? 

« La Mort parle :

A Bagdad, un jour, un marchand envoya son serviteur acheter des provisions au marché, mais il vit bientôt revenir, blême et tremblant de peur, le serviteur qui lui dit : « Maître, il y a un moment, je me trouvais sur la place du marché et une femme m’a bousculé dans la foule ; or, en me retournant, j’ai vu que c’était la Mort qui venait de me bousculer. Elle a fait vers moi un geste de menace. S’il vous plaît, prêtez-moi votre cheval, afin que je fuie cette cité pour échapper à mon destin. Je galoperai jusqu’à Samarra et la Mort ne m’y trouvera pas ». Le marchand lui prêta son cheval et le serviteur le monta, lui enfonça ses éperons dans les flancs et s’éloigna au grand galop. Alors le marchand descendit jusqu’à la place du marché et, lorsqu’il me vit, debout dans la foule, il vint à moi et me demanda : « Pourquoi as-tu fait à mon serviteur un geste de menace en le rencontrant ce matin ? – Ce n’était pas un geste de menace, répondis-je, ce n’était qu’un sursaut de surprise. J’étais très étonnée de le voir à Bagdad, car j’ai rendez-vous avec lui ce soir, à Samarra »

La mort est inévitable. C’est quelque chose qui, même si on la fuit, nous attendra toujours ailleurs. 

La mort est inévitable. 

On ne peut la fuir. 

Alors non, mesdames, messieurs. 

On ne peut pas encore se sauver. Car on ne l’a jamais pu. Jamais vraiment. 

On ne peut tout simplement pas se sauver. 

Nous ne pouvons pas nous sauver. 

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1 Commentaire
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Arnold Ewili
2 années il y a

Nous n’avons qu’une seule vie et il faut l’apprécier. Remercier nos parents, leurs ancêtres, la soupe primitive de Darwin.

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