LCDM I – I.IV

4 mins

La marche devenait de plus en plus pénible. Ses forces l’abandonnaient, ses muscles tendus la faisaient souffrir et les blessures se rouvraient. Le sol était encore boueux de l’averse de la veille, ce qui ralentissait considérablement sa vitesse de marche.

Elle qui avait l’habitude de courir avec ses amis de longues distances, se retrouvait contrainte à ramper tant ses jambes ne pouvaient supporter son poids.

Haletante, elle s’écroula finalement au beau milieu du champ, à fou de force et à bout de souffle. Isadora ferma les yeux. Tout ça pour finir ainsi, si vite, sans avoir rien fait… Elle tenta de se relever. Une fois. Deux fois. Trois, quatre, cinq. Six fois même, dix fois, vingt fois… Jamais, elle ne réussit à tenir debout.

Épuisée et en sang, elle s’évanouit dans la terre boueuse au beau milieu des épis.C’était le trou noir, le néant, l’infini… C’était comme si son esprit était devenu plume et s’envolait au gré du vent…

Pourtant, des voix venaient parfois troubler ce calme rassurant

– Qui es-tu, toi ?- Il dort ?

– Tu as vu son état ?

– Appelez papa !

– Et le médecin !

– A votre avis, qu’est-ce qu’il fait là ?

– Il a de nombreux hématomes…

– Il va mourir ?

– Je ne pense pas…

– Docteur !

– Il a bougé !

– Je pense qu’il n’est plus évanouie

– Pourquoi il n’ouvre pas les yeux, alors ?

– Il dort.

– Qu’est-ce qu’il dit ?

– J’ai rien compris aussi tu sais !

– Personne n’a compris…

– Il bouge !

– Euh… Il est réveillé…

Isadora ouvrit péniblement les yeux. La lumière l’aveugla un instant, elle cligna des yeux avant de remarquer qu’elle se retrouvait face à un groupe de garçons de ferme agglutinés autour d’elle.

– Heu…

– Moi c’est Luis, déclara un grand maigre.

– Moi, c’est Louis, se présenta à son tour un petit brun.

– Moi, c’est Léo, continua un roux aux yeux bleus rieurs.

– Moi, je suis Léon, ajouta un petit garçon maigre aux cheveux noirs corbeau.

– Moi, je suis Léonard, continua un blondinet aux joues bien roses

– Moi, je suis Léopold, murmura un brun musclé.

– Je suis Lionel, déclara un rouquin au visage couvert de taches de rousseur.

– Je suis Lissandro, se présenta un petit garçon tout rond.

– Je suis Lysandre, continua un jeune homme aux cheveux noirs.

– Je suis Lucas, ajouta le plus grand de tous, qui, pourtant, semblait aussi le plus fragile, un géant brun aux yeux bleus humides.

Sous cette avalanche de présentation, Isadora les regarda comme s’ils avaient deux têtes. Elle n’allait jamais retenir tout ça !

La jeune Élue reconnut les voix qu’elle avait entendues dans son sommeil… Ils l’avaient sans doute récupéré et soigné.

A côté d’eux, se trouvait une jeune fille, elle avait de longs cheveux bruns tressés, un visage souriant et un regard chaleureux.

– Et toi ?

Isadora s’attendait à un nouveau prénom en L impossible à retenir…

– MaÏ. Et toi ?

La fille lui tendit un bol de soupe chaude et lui sourit doucement. La petite lui sourit en remerciement.

– Je m’appelle Is… Isidore. balbutia la pauvre enfant.

C’était étrange pour elle d’être désormais un garçon. De ne plus avoir les cheveux devant les yeux, de ne plus avoir le même prénom… Et les vêtements ! Elle allait devoir porter des habits masculins !

Soudain, une pensée traversa son esprit : si l’on avait soigné toutes ses blessures… Ils savaient qu’elle était une fille !

Paniquée, elle voulut se relever et partir, avant qu’ils ne le prennent l’idée de la livrer… Sa tête était certainement mise à prix, à l’heure qu’il était.

Mais elle était encore trop faible. La petite fille tituba, chancela et s’écroula sur le lit. MaÏ ordonna aux dix garçons de sortir et s’approcha d’Isadora :

– Tu ne devrais pas te lever comme ça, tu es encore fragile, il faut que tu te ménage.Puis, voyant son regard paniqué, elle ajouta :

– C’est moi qui t’ai soigné… Je sais que tu es une fille, mais ne t’en fais pas, je n’ai rien dit à personne, je suppose qu’il faut garder ça secret…

Toute pâle, Isadora acquiesça, incapable de proférer un son.

MaÏ la recoucha et la borda avec douceur, puis elle lui donna des petits gâteaux aux fruits confits. Tout cela était bien délicieux, mais Isadora ne comprenait toujours pas pourquoi cette femme s’occupait ainsi d’elle…

MaÏ, elle semblait perdue dans ses pensées… Comme si elle cherchait un souvenir oublié. Elle marmonna quelque chose mais le seul mot que la petit comprit était “hypermnésique” … ce qui, pour elle, n’avait aucun sens !

– Quel âge as-tu ? demanda-t-elle soudain.

Prise au dépourvus, la jeune Élue, balbutia :

– Euh… Je… Ben… Huit ans…

Une sorte de surprise passa sur le visage de MaÏ. Elle semblait stupéfaite et… Fatiguée. Comme si un poids très lourd venait de lui tomber sur les épaules. Elle se pinça l’arrêt du nez en soupirant.

– Si jeune ? s’exclama-t-elle, surprise.

Ne comprenant pas ce qu’elle disait, Isadora se contenta d’enfourner un gâteau dans sa bouche en se demandant quand elle pourrait partir.

Une fois qu’Isadora eut fini de manger, MaÏ retira les bandages de sa patiente : la majorité des plaies avaient cicatrisées.

– Tu vas rester ici encore un jour ou deux, le temps que tout soit complètement guéri.

– Je vais devoir rester au lit ? se plaignit la malheureuse enfant.

MaÏ sourit avec douceur.

– Non, bien sûr.

Puis elle sortit.

La brunette sortit immédiatement du lit et fit le tour de la pièce. C’était un mobilier plutôt simple en bois, le lit était des plus sommaire avec simplement un matelas posé sur des planches. Les murs étaient en terre et peints en blanc, le soil, lui, tait en pierre, froid. On lui avait sans doute attribué une des plus belles pièces.

Un fenêtre donnait sur le champ, en s’approchant, Isadora aperçut les garçons y travailler. La jeune fille venait d’une famille marchande, elle ne connaissait rien au travail de la terre, mais quelque chose lui disait qu’il faudrait qu’elle se renseigne sur tous les domaines afin d’accomplir sa tâche.

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