Es-tu vraiment celui dont tout le monde parle?

28 mins

ES TU VRAIMENT CELUI DONT TOUT LE MONDE PARLE ?

« Introduction »

Juin 1978, centre de Police de Beaumont, Australie

(Ben)

Il est 19h45, je n’en peux plus, je suis fatigué, tellement fatigué…

Combien de temps encore je vais devoir subir tout ça…

Et cet inspecteur qui me fixe avec ses yeux cernés, fatigué par mon silence.

Ça y est, je suppose que la relève est arrivée, je distingue un homme assez âgé montrant une plaque d’officier au shérif.

Le voici qui me fixe à son tour… Il appelle l’agent Deeds…

Ce dernier venait de passer près de huit heures à m’interroger sans grand résultat, et pour cause, je devais absolument feindre une amnésie totale, poussant jusqu’à ignorer mon propre nom.

Mais il faisait partis de la brigade des officiers et n’était pas un agent extérieur, par contre cet homme qui venait d’arriver et qui me regardait d’un air si intrigué ne portait pas l’uniforme de la brigade, plutôt un agent fédéral.

J’en concluais qu’il avait été appelé par le shérif pour résoudre ce qui venait de se passer et qui me concernait.

Le voilà qui agite son bras dans ma direction, le véritable interrogatoire va maintenant commencer…

Agent Deeds  : – Bonsoir mon garçon, je suis l’inspecteur Deeds. Tu sais pourquoi je suis là n’est-ce pas?…

Ben  : – Oui je sais pourquoi vous êtes là, mais je ne comprends toujours pas pourquoi moi, je suis encore là.

Cela fait près de douze heures que je suis ici, j’ai déjà dit et redit tout ce dont je me souviens, c’est à dire rien.

Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, j’ignorais jusqu’à mon nom avant que l’on ne me l’apprenne il y a quelques heures!

Je suis fatigué, épuisé, j’ai l’impression de n’avoir pas dormi depuis des jours, et je me sens sale…

Agent Deeds  : – Mon garçon, toute une famille a été décimée la nuit dernière et tout semble t’accuser.

Ne me fait pas croire que tu ne souviens de rien. Le rapport du shérif que j’ai reçu il y a près de deux heures à mon bureau dit que l’on t’a découvert près des lieux du crime et couvert de sang…

Nous allons savoir vite ce qui s’est passé, alors un conseil, profite de cette occasion qui t’es donné de nous dire tout de suite la vérité sur ces meurtres si tu ne veux pas finir ta vie derrière les barreaux.

L’inspecteur Deeds s’était rapidement emporté.

Et pendant que je feignais de fixer la table devant moi, je le voyais du coin de l’oeil échanger quelques mots avec une autre personne qui venait d’arriver. Ils vont tenter autre chose…

La soirée s’annonce encore longue.

Jones  : – Inspecteur Deeds, bonjour, je suis Monsieur Jones l’adjoint du shérif, je… c’est moi qui ai effectué les recherches sur le suspect Monsieur.

Eh bien, cet inspecteur Deeds devait avoir hérité d’une belle réputation pour intimider à ce point cet adjoint du shérif…

Agent Deeds  : – Oui et ? Quelles sont les informations dont vous disposez maintenant?

Jones  : – Heuuu oui, je… j’ai trouvé dans son portefeuille deux cartes d’identité sur lesquelles on lui trouve deux noms différents. Sur la plus ancienne, son nom est Gibbs Ben et sur la plus récente, il s’appelle Brown Ben. J’ai cherché toute la matinée si une famille Gibbs ou une famille Brown avait un fils se prénommant Ben puis j’ai trouvé cet article de presse :

« Dans la nuit du mardi 20, l’Airbus A320 à destination de Madagascar s’est écrasé au sud-est de l’île à 2h42, heure locale. L’appareil transportait 146 passagers tous en provenance d’Australie. Pour l’heure, les autorités locales ainsi que des aides australiennes et africaines s’affairent sur place à la recherche de survivants mais sans grand espoir, étant donné l’état de l’appareil dont les débris sont éparpillés sur plus de 2 km.

La boîte noire, quant à elle, n’a toujours pas été retrouvée mais cela ne saurait tarder. »

Dans la liste des passagers, on trouve un couple de Gibbs domicilié à Beaumont et dont le seul fils s’appelle Ben, mais on n’a jamais retrouvé leurs corps. J’ai également cherché parmi tous les Brown d’Australie si certains avait un fils adoptif se prénommant Ben – sans résultat. J’ai bien trouvé un Ben et un Benjamin mais tous deux fils légitimes et bien plus âgés.

Deux collègues sont allés à l’orphelinat de Beaumont et ont rencontré le nouveau directeur qui est en place depuis trois ans.

Il a cherché dans leurs archives et a retrouvé un Ben puis nous a confirmé que, d’après son dossier, ses parents légitimes étaient bien les Gibbs mais, chose qui l’a autant surpris que nous, il n’a rien trouvé dans le dossier concernant le nom de la famille adoptive de Ben, aucun dossier, rien, tout avait disparu.

Agent Deeds  : – Mmmm et les gouttes de sang?

Jones  : – Les gouttes de sang?

Agent Deeds  : – Oui les gouttes de sang, celles dites retrouvées sur le palier des Malones, a t-on le rapport des analyses?

Jones  : – Je… non… je, je suis navré, je ne dispose pas de cette information…

L’adjoint semblait encore plus stressé que moi par la situation. Et voilà que l’inspecteur Deeds se met à nouveau à parler à voix basse à l’agent Karl, et… ça y est il se tourne à son tour vers moi…

Agent Karl  : – Mon garçon je suis l’agent Karl, dis-moi, le mystère qui t’entoure semble s’épaissir on dirait. Pourquoi disposais-tu de deux cartes d’identité différentes? Ça aussi tu l’ignores?

Mon silence semblait accentuer son agacement, ce qui n’arrangeait pas ma situation.

Un autre adjoint du shérif a toqué. Ça me laissait une seconde de répit.

Il a donné une feuille à l’agent Deeds avant de sortir aussi vite qu’il était entré.

L’agent Deeds l’a lu avant de la faire passer à l’agent Karl.

Agent Deeds  : (tapant du poing sur la table l’air réjouit) : – Mon garçon, tu ignores ce que je tiens là n’est ce pas? Il s’agit de l’analyse concernant le sang que l’on a retrouvé sur tes vêtements. Figures toi que ce sang n’est pas le tien mais celui de cette famille assassinée, et précisément de chaque membre de cette famille…

D’après le rapport que j’ai lu il est dit que tu portais également une blessure légère au bras gauche, semblable à une blessure d’une lame de couteau.

D’autres analyses de sang vont nous parvenir d’ici quelques minutes. Ces analyses concernent des gouttes de sang retrouvées sur le palier des Malones. Cela a semblé bizarre au shérif et ses adjoints que des gouttes de sang soient découvertes sur le palier, isolées du reste.

Je vois ton air déconcerté, tu commences à saisir ce qui se passe n’est ce pas?

D’ici quelques minutes nous aurons la preuve que ces gouttes sont bien les tiennent et crois moi, cela me suffira pour t’inculper de ces meurtres. Les analyses nous apprendront que du sang t’appartenant a été découvert soit sur ce palier, soit à l’intérieur de la maison alors avoue, il est trop tard maintenant pour faire machine arrière mon garçon…

Alors dis moi ? Qu’est ce qui s’est passé dans la maison des Malone, hein ?… On te retrouve à cinquante mètres de chez eux, évanoui et taché du sang de chacun des membres de cette famille. Tu t’es pris pour un tueur en série ? C’était un jeu qui t’a échappé ? Tu couchais avec la fille cadette et le père a tout découvert, hein ??

C’est à ce moment précis que l’adjoint qui était venu apporter le résultat d’analyse entrait pour la deuxième fois, mais accompagné d’un homme en blouse blanche cette fois ci.

Dr White  : – Monsieur Deeds? Docteur White, je suis le médecin légiste.

Agent Deeds  : – He bien?… Je présume pour que vous vous soyez déplacé en personne que vous venez m’annoncer avoir trouvé du sang appartenant à ce jeune homme sur les lieux du crime?

Dr White  : – En effet Monsieur Deeds, mais pas seulement. Voudriez-vous me rejoindre à l’extérieur, nous ne devrions pas parler de tout ceci ici même, devant le… suspect.

Agent Deeds  : – Docteur White, je dirige cet interrogatoire, et je suis en mesure de dire ce qu’il faut ou ce qu’il ne faut pas faire alors allez-y, je veux qu’il entende vos paroles et comprenne que sa chance est passée désormais…

Dr White  : – Si vous y tenez… Comme vous le disiez en effet le sang de ce jeune homme a été retrouvé sur le palier de la maison. Les gouttes du sang prélevées lui appartiennent toutes. Pour ce qui est de l’intérieur de la maison, il nous sera impossible de vous fournir les résultats aujourd’hui. Vu la quantité de sang retrouvé, la tâche sera plus complexe.

Agent Deeds  : – Inutile Docteur White, nous avons là tout ce qu’il nous faut pour inculper Monsieur…

Dr White (Interrompant Deeds) : – Malheureusement non Monsieur Deeds, je le crains…

Agent Deeds  : – Pardon?… Et vous allez me dire pourquoi?…

Dr White  : – Mais certainement Monsieur. Voyez-vous, en plus de ces analyses de sang nous avons pu identifier les origines de tous les décès, et nous sommes en mesure d’affirmer que les blessures ayant causées la mort de toutes ces personnes ont été infligées par un ours et précisément par un grizzli, probablement femelle.

Agent Deeds  : – Un … ??! Non mais vous vous foutez de moi ??! Et depuis quand voit-on des grizzlis en Australie ?! Vous allez me faire le plaisir d’arrêter de picoler et de me revoir vos analyses !!

Dr White  : – Monsieur Deeds, permettez-moi de vous rappeler que vous ne disposez d’aucune autorité sur ma personne. Je fournirai mon rapport à mon supérieur et il sera inchangé.

Je suis navré que cette annonce vous déplaise à ce point mais je ne permettrai pas que l’on mette en doute mon travail et celui de mes assistants.

Je suis tout aussi étonné que vous par cette découverte. Effectivement on n’a jamais vu en Australie de grizzli mais l’analyse des blessures ne permet aucun doute. Seul un ours aurait pu leur infliger ces blessures et d’après les éléments relevés sur place nous pouvons isoler le grizzli comme seul coupable de ces crimes. De plus les premières analyses de sang retrouvé sur la scène du crime nous dirigent également vers cette conclusion.

Enfin des poils ont été retrouvés et proviennent sans aucun doute d’un ours. Seul détail troublant il est vrai, si nous sommes sûr qu’il s’agit de poils d’ours, nous n’avons pas pu isoler avec certitude de quel type d’ours il s’agissait… comme s’il s’agissait là d’une espèce voisine.

Agent Deeds  : – Dans ce cas comment pouvez-vous affirmer qu’il s’agit d’un grizzli ?!

Dr White  : – Certains éléments morphologiques Monsieur Deeds, mais rien de concret d’un point de vue génétique… Cependant, et bien que cela ne concerne en rien mon travail, je vous conseille de chercher un quelconque ours échappé d’un cirque, car je ne vois là que la seule hypothèse plausible.

J’ai vu le Docteur White se tourner vers moi mais sans pour autant me regarder.

Son regard s’était perdu, comme si son esprit était ailleurs, et je savais pertinemment ce qui lui arrivait.

Il s’interrogeait sur ce point qui restait sans réponse. J’étais soulagé de constater qu’il n’avait pas trouvé de réponse à cette question: A quelle espèce d’ours ces poils appartenaient-ils? S’il connaissait la vérité…

Le silence qui s’était soudainement emparé de la pièce a été brisé net par un juron de l’agent Deeds dont la patience semblait s’être totalement évanouie.

Il s’est tourné vers la porte en criant: “Tout le monde dehors !!”

Et une fois tout le monde dehors il a claqué la porte. Je me retrouvais alors seul, assis sur cette vieille chaise en bois, dans cette pièce aux couleurs pâles, éclairée par un large néon blanc qui, la fatigue aidant, m’avait irrité les yeux au plus profond.

Isolé dans cette pièce je ne parvenais pas à entendre clairement la conversation houleuse qui se déroulait derrière cette porte, mais les brides que je parvenais à cerner me laissaient supposer que l’agent Deeds allait être obligé de me relâcher faute de preuve.

J’éprouvai là mon premier sentiment de soulagement depuis bien des heures.

Une poignée de secondes plus tard l’agent Karl ouvrait la porte et me demandait de me lever et de le suivre. A peine le seuil de la porte franchie que l’agent Deeds me fixait de ces yeux rouges en me lâchant un “Ceci n’est pas encore la fin mon garçon!”

Mais malgré le poids de son regard, je parvenais à passer devant lui sans baisser la tête, suivant l’agent Karl jusqu’à une autre pièce moins hostile et qui disposait d’un petit lit.

Agent Karl  : (D’un air complaisant) : – Ecoute mon garçon, je ne sais pas si tu es coupable ou non sur ce qui s’est passé la nuit dernière, mais j’espère que tu comprends que nous ne faisons que notre travail. Tu as entendu ce qu’il s’est dit tout à l’heure, les conclusions du Docteur White jouent en ta faveur, mais cela ne veut pas dire que tu es libre. Nous sommes face à une situation qui nous est relativement inhabituelle, et qui requiert des mesures inhabituelles.

Ce soir tu vas rester ici, sous notre surveillance, mais tu profiteras de cette pièce qui est la pièce de repos du shérif et de ses adjoints lorsque qu’ils ont du sommeil à récupérer.

Elle n’est pas bien grande mais tu seras à l’aise pour te reposer de ces dernières heures.

Il y a une douche et des toilettes là, juste derrière la porte au pied du lit. Je vais te ramener des vêtements des objets perdus archivés. Il devrait y avoir de quoi t’habiller autrement qu’avec cette tenue de prisonnier.

Je passerai également après ta toilette te ramener un repas chaud afin que tu reprennes des forces. Ensuite je te conseille de dormir, tu vas avoir besoin de repos avant ta journée de demain. Le maire doit passer en personne…

As tu besoin de quelque chose en particulier?

Ben  : – Auriez-vous dans vos objets perdus, un roman? N’importe quel roman.

Agent Karl  : – J’imagine qu’il y en a des tas, je vais voir ça.

Ben  : – Merci agent Karl…

Cette douche, j’en avais rêvé des heures durant. J’allais enfin pouvoir me reposer un petit peu.

Une demi-heure après, l’agent Karl était de retour.

Agent Karl  : – Tiens, voilà ton repas, j’espère que cela te conviendra, cela vient du restaurant italien d’en face.

Ben  : – Cela ira très bien agent Karl, C’est déjà bien au-delà de mes espérances.

Agent Karl  : – Tant mieux… Ah et voici les romans. Il y en avait tellement, je t’en ai pris quelques-uns afin que tu choisisses celui qui te conviendrait le mieux. Tu pourras le garder, ces objets perdus sont là depuis des années de ce que le shérif m’a dit, plus personne ne viendra les réclamer je pense…

Ben  : – Merci pour ce don généreux agent Karl. Je vais prendre celui-ci: “Bilbo le hobbit”, un livre dont je ne me passerai jamais de lire…

Agent Karl  : – Bien, mange, lis, puis essai de dormir. Si tu as besoin de quelque chose durant la nuit, tu n’auras qu’à appeler. La grille de sécurité de ta pièce sera close mais l’agent Redfield ou moi-même seront à l’accueil pour entendre ton appel.

Ben  : – Encore merci agent Karl…

D’un signe de tête il m’a fait comprendre que ce n’était rien, avant de repartir à l’accueil.

De mon côté je suivais son conseil et après m’être restauré et après avoir lu un chapitre de Bilbo, je me suis laissé aller à fermer les yeux, enveloppé dans une couverture bien chaude.

La nuit s’était passée sans incident d’aucune sorte et on m’a réveillé dès huit heures. C’était l’agent Karl qui venait m’apporter un croissant et une tasse de café.

Agent Karl  : – Bonjour mon garçon. Je vois que la nuit t’a reposé, tant mieux. Tiens, voici un croissant et du café. L’agent Redfield et moi-même allons partir. A neuf heures Monsieur le Maire arrivera en compagnie de deux spécialistes pour avoir une conversation avec toi. Je n’en sais pas plus à ce sujet, néanmoins ta confrontation avec ces personnes devrait être moins oppressante pour toi que celle d’y hier.

Voilà mon garçon, j’ai fait ce que j’ai pu, j’espère pour toi que cette histoire aura un dénouement positif. Je te laisse, au revoir.

A mon tour je l’ai remercié d’un simple hochement de tête.

Dès lors il ne me restait qu’une petite heure devant moi avant de recevoir cette visite.

J’espère que mes parents vont vite arriver pour me sortir de là, qu’est ce qu’ils font…

En attendant, il faudra faire comme hier, comme si je ne me souvenais de rien.

Afin de tuer le temps je me suis allongé sur le lit afin de continuer la lecture de mon roman.

Les minutes passaient lentement, puis l’heure entière, et voilà qu’il était neuf heures sur la montre du couloir.

Quelques minutes après j’entendais des brides de conversations qui semblaient porter sur ma personne. Et effectivement immédiatement après j’entendais un “C’est par là je vais vous y conduire”

Plusieurs groupements de pas se faisaient entendre dans le couloir et je finissais par voir arriver un agent de police ainsi qu’un homme d’une soixantaine d’années au visage gras et au ventre bedonnant qui devait être Monsieur le Maire, accompagné d’une femme d’une trentaine d’années, peut être un peu plus, à l’allure sérieuse mais au visage apaisant.

Le shérif  : – Voici le meurt… enfin le suspect Monsieur le Maire. Il semble se prénommer “Ben”, si l’on en croit les deux cartes d’identité que l’on a trouvé dans ses papiers.

Monsieur le Maire avançait doucement son visage et me regardait en penchant une fois sa tête à gauche puis une fois sa tête à droite tout en me scrutant de près comme si j’étais devenu un objet à l’apparence curieuse et intrigante. Puis après quelques secondes d’observations et sans m’adresser un mot il dit au shérif  : «  He bien he bien eh bien, je n’ai pas besoin de cela en ce moment… nous allons faire ce qui a été décidé.

Appelez les accompagnateurs de Mademoiselle Leslie, qu’elle puisse le ramener en toute sécurité, et escortez les jusqu’au centre. Je ne veux pas le moindre incident à ce sujet ni aucune fuite pour l’instant ».

Le shérif  : – Bien Monsieur le Maire.

Monsieur le Maire  : – Mademoiselle Leslie, je vous laisse entre les mains du shérif. Tachez de me rendre compte de la situation dès que vous en saurez plus.

Mlle Leslie  : – Oui Monsieur le Maire, je n’y manquerais pas.

Puis avant de s’en aller, Monsieur le Maire s’est tourné à nouveau vers moi, m’a fixé, et a hoché la tête de droite à gauche comme si cette situation lui était pénible.

Le shérif a imité son pas dans le but d’aller probablement chercher ces “accompagnateurs”, me laissant seul en compagnie de Mademoiselle Leslie.

Cette dernière n’a pas mis longtemps avant de s’approcher de la grille et de me parler de sa voix douce.

Mlle Leslie  : – Ben? C’est bien ainsi que tu te prénommes mon garçon?

D’abord hésitant j’ai fini par lui répondre, non sans une certaine méfiance.

Ben  : – Oui c’est ça, enfin je crois…

Mlle Leslie  : – Sais tu qui je suis et pourquoi je suis là mon garçon?

Ben  : – Non Mademoiselle, je l’ignore

Mlle Leslie  : – He bien je suis Mademoiselle Leslie Brigitte. Je suis la directrice d’un centre spécialisé au nord de Beaumont. Un centre qui aide les amnésiques à retrouver leur mémoire, totale ou partielle.

Tu vas y être transféré et nous allons t’aider à y voir plus clair sur ce qui s’est déroulé mardi soir et peut être savoir qui tu es.

Elle avait un visage et une expression qui inspiraient confiance, mais de toute façon je n’avais pas d’autre choix que de la suivre et puis je me disais que les parents n’allaient pas tarder, le temps de quelques jours peut être, juste de quoi trouver une solution à tout ça.

J’ai donc intégré ce centre où l’on s’est rapidement affairé à me faire participer à différents types d’exercices mentaux.

Jouer les amnésiques était un exercice fatiguant mentalement et j’espérais qu’on ne me démasque pas.

Chose qui m’avait déjà fortement étonné lorsque j’étais avec l’inspecteur Deeds, aucune utilisation de détecteur de mensonge… mais après tout il le valait mieux car la tournure des événements aurait probablement été pire s’ils avaient vu que je mentais.

Et tandis que je participai avec lassitude à tous ces exercices, les heures et les jours puis les semaines s’écoulaient et mon espoir de voir les parents arriver diminuait de jour en jour.

Pourtant je pense qu’au fond de moi je le savais et plus je repensai à ce qui s’était passé, plus je sentais que la situation m’avait totalement échappée. Je pense que ce qu’avait essayé de me faire comprendre grand père lors de nos promenades, c’était ça, ce danger qui me menaçait.

Trois semaines entières s’étaient écoulées et dans ma tête désormais les choses étaient claires, j’étais seul, et il fallait trouver une solution pour sortir de là.

J’ai décidé de trouver Mlle Leslie afin de savoir subtilement ce qui allait se passer pour moi dans les semaines à venir mais alors que j’arrivai à son bureau j’ai vu que la porte n’était pas totalement fermée et qu’une conversation entre elle et une autre personne s’y déroulait.

Tapis sur le seuil de la porte j’ai tendu l’oreille.

L’autre personne était Monsieur le Maire, qui n’avait pas le ton de ses beaux jours.

Monsieur le Maire  : – J’imagine que vous comprenez dans quelle situation je suis Mlle Leslie.

Mlle Leslie  : – Je la comprends Monsieur le Maire, mais je vous rappelle que mon rôle n’est pas de juger cet enfant, mais de l’aider à recouvrer sa mémoire, rien de plus.

Cela fait trois semaines que nous effectuons tout type de test sur lui. Mais pour l’instant cela ne donne rien, pas la moindre évolution, comme si une partie de sa mémoire avait été effacée à jamais.

Il nous faut plus de temps si vous voulez des résultats.

Monsieur le Maire  : – Mais je n’en ai pas Mlle Leslie, je n’en ai pas… S’il n’y avait pas eu cette fuite d’information encore, mais depuis cette fuite, un groupe de personnes acharnées a placardé le visage de notre suspect partout, et réclame sa tête, et si c’est pas la sienne, ce sera la mienne!

Les télés locales, les radios et les journaux ont informé la population de ce qui s’est passé il y a trois semaines, ils ne leur manquaient plus que le visage du suspect et une bande d’acharnés pour mettre le feu au poudre. Vous n’imaginez pas l’impact que cette histoire a eu et a toujours.

Et comme si cela ne suffisait pas un autre groupe s’est formé pour prendre la défense de cet enfant.

Rendez-vous compte, je suis pris entre deux feux. Avec les élections qui approchent si je ne trouve pas une solution pour satisfaire les deux partis et calmer cette situation je n’y survivrai pas.

Sans votre aide à lui faire retrouver sa mémoire, je vais rester dans cette impasse docteur.

Mlle Leslie  : – J’entends bien, mais encore une fois, je ne suis pas politicienne mais docteur et pour nous le temps doit être prit quand on en a besoin. Et puis sans vouloir rajouter du feu aux poudres, si vos policiers avaient su être professionnels vous en seriez pas là.

Monsieur le Maire  : – Ahhh mais soyez en sûr, soyez en sûr que je saurai qui a créé cette brèche au point de laisser échapper une photo du suspect. Malheureusement pour l’heure je dois me concentrer sur mes priorités.

Bien, merci pour votre accueil Mlle Leslie,… docteur, et je me répète mais si vous avez la moindre information, n’hésitez surtout pas…

Il était temps de s’éloigner et de regagner rapidement la grande salle de repos.

Je savais désormais que les événements s’étaient amplifiés et que plus le temps allait passer et plus la situation allait se compliquer pour moi.

Deux jours avaient passé durant lesquels j’ai réfléchi à cette conversation que j’avais intercepté. Néanmoins je ne savais toujours pas quoi faire à part attendre… Mais ce jour là, après dîner, Mlle Leslie est venu me voir pour me demander de la suivre jusqu’à son bureau.

Mlle Leslie  : – Assis toi Ben. Ben comme tu n’as eu aucun contact avec la vie extérieure durant un peu plus de trois semaines, tu ignores comment les choses ont, disons, évoluées depuis cette fameuse nuit.

Pourquoi et comment on ne le sait pas, mais des informations te concernant sont passées dans les mains de personnes qui ne croient pas en ton innocence.

Ces personnes ont pu grâce aux médias, rallier une majeure partie de l’opinion public, ce qui a eu pour effet direct de te faire passer de suspect à coupable à leurs yeux.

Néanmoins un petit groupe de défense des droits de l’homme t’a soutenu et a pu faire pression sur Monsieur le Maire qui a dû prendre quelques décisions te concernant, dans le but de satisfaire les différents partis et éviter que la tension ne monte d’un cran.

Tu vas quitter ce soir notre établissement Ben. Nous avons tous fait de notre mieux pour t’aider à recouvrer la mémoire mais nous avons échoué.

Ben  : – Je vais aller en prison?

Mlle Leslie  : – Non, bien sûr que non, tu ne vas pas aller en prison. Tu n’es coupable de rien Ben, mais les choses ayant prise de telles proportions Monsieur le Maire a décidé de te libérer de nos services.

Tu vas être conduis à Glenunga à l’ouest de Beaumont. Monsieur le Maire a décidé de t’octroyer un emploi municipal ainsi qu’un logement de fonction. Tu n’auras aucun loyer à payer et tu t’occuperas seul à accomplir ton travail qui constituera à entretenir les biens communautaires de ton quartier tel que l’arrosage des plantes. Un local technique avec le matériel nécessaire sera à ta disposition au pied de ton immeuble.

A partir de ce moment là Ben, et en attendant que la situation extérieure se calme, tu vivras là-bas.

C’est une situation exceptionnelle qui n’est pas évidente à gérer pour tous, j’imagine que tu le comprends?

Ben  : – Oui Mlle Leslie, je la comprends tout à fait. Je n’en veux à personne. Je suivrais ces instructions.

Mlle Leslie  : – Ben, tu sais, moi tu ne m’as jamais dérangé ici parmi nous. A vrai dire tu as été tellement aimable avec tous que je ne puis t’imaginer coupable de ce qu’il s’est passé. Ah si seulement nous avions pu t’aider à retrouver quelques informations, cela aurait certainement pu t’innocenter aux yeux de tous, j’en suis convaincu. Je suis tellement désolé…

Voilà une situation qui me blessait profondément.

Trois semaines durant cette personne si aimable a tout fait pour m’aider alors que cela était peine perdu puisque jamais je n’avais été amnésique.

Mais je ne pouvais rien faire d’autre que me taire.

Je me sentais si mal de la voir si désolé alors que c’était moi qui devais l’être pour elle.

Une torture de plus…

Il fallait que je la rassure.

Ben : – Mlle Leslie, ne soyez pas désolé. Je vous suis déjà éternellement reconnaissant pour les efforts que vous avez fourni à mon égard. C’est comme ça, les chose ne se passent pas toujours comme on le voudrait. Peut être qu’avec le temps je retrouverais ma mémoire..

Mlle Leslie  : – Surtout appelle le centre et demandes moi si tu te souviens de quoi que ce soit ou si tu en ressens tout simplement le besoin, je ne veux pas te savoir isolé sans savoir vers qui te tourner.

Ben  : – Merci Mlle Leslie

Mlle Leslie  : – Bien, il est vingt heures, les deux agents chargés de te conduire à ton appartement ne devraient plus tarder maintenant. Voici tes effets personnels, je vais descendre avec toi à l’accueil.

Arrivés à l’accueil nous avons trouvé les deux agents de police en train de parler à un responsable qui a immédiatement tourné son regard vers moi en nous voyant arriver.

Après quelques paroles échangées entre eux, j’étais confié aux deux agents, prenant avec eux le chemin de Glenunga, non sans prendre le temps de remercier chaleureusement une nouvelle fois Mlle Leslie.

Une quinzaine de minutes après nous étions à Glenunga. Je n’étais jamais venu dans ce quartier mais je connaissais sa réputation. C’était en quelque sorte le quartier dont personne ne voulait entendre parler, et je dois dire que cette réputation était tout à fait justifiée au vu de ce que je voyais à travers la vitre. C’était un quartier sale et délabré qui défilait sous mes yeux.

Agent Betcheeze  : – “Glenunga”, c’était un quartier résidentiel du temps de mes grands-parents Jackie, et voici ce que c’est devenu, un quartier où tous les malfrats se sont réfugiés. Tout est laissé à l’abandon ici, regarde moi ça! L’état de cet immeuble! C’est à se demander comment il tient encore debout…

Mon garçon, nous sommes presque arrivés, j’espère que tu es prêt pour ta nouvelle vie.

Là juste là derrière… voilà nous y sommes. Jackie, gare toi ici, pas trop prêt, évitons les provocations directes…

A en croire les paroles de cet agent, il ne faisait pas bon rester ici, surtout entant qu’agent de police.

L’agent Betcheeze m’a conduit en hâte à mon appartement pendant que son collègue attendait en bas, le moteur toujours en marche.

Quelques escaliers montés, une porte grinçante ouverte, une clé donnée et voilà mon chaperon déjà parti.

Il m’a quand même souhaité bonne chance… Quelle charmante attention… Enfin, au moins j’étais libre.

Ici je n’avais plus à mentir ni à subir toutes sortes d’interrogatoires.

J’étais seul désormais, livré à moi même. Mais j’avais un toit, un petit travail, et même petite une rentrée d’argent pour ce travail, donc tout n’était pas si noir.

Et puis, il me reste l’argent de grand père, qu’il faudra aller chercher. Ah s’il était toujours parmi nous les choses ne se seraient jamais passé comme ça. Je vais d’ailleurs me reposer un instant et lire la lettre qu’il m’avait laissé, cette lettre qui me permet de faire face à tous ces événements. Je me souviens de ce jour où il me l’a donné comme si c’était hier.

On était dans les bois de la propriété, on faisait notre promenade du dimanche durant laquelle grand père me racontait une de ces nombreuses histoires de créature mystique tout droit sortie de son imagination.

Mon grand-père… un homme aux multiples facettes, mais toutes plus respectables les unes que les autres.

Ce jour là il n’avait pas l’air en forme, il semblait avoir l’esprit ailleurs, comme si quelque chose le préoccupait au plus haut point.

Ben  : – Quelque chose ne va pas grand père?

Grand père  : – Viens Ben, asseyons nous sur ce banc un instant veux tu.

Ben mon garçon, tu deviens un homme maintenant. Vois-tu, plus les années passent et plus il faut rester fidèle à ses valeurs les plus profondes. Je suis vieux et je ne serai pas toujours à tes côtés mon garçon, alors, écoute bien ce que je vais te dire. Un jour viendra où tu te rendras compte de certaines… particularités te concernant. Ce jour-là sera important car il te confrontera à certains choix. Tu ne devras alors pas oublier qui tu es et quelles sont tes valeurs. Lorsque je ne serais plus là, les choses ne seront peut être plus pareilles ici, mais je veux que tu me promettes de toujours garder la tête haute et de ne jamais baisser les bras. Peu importe les épreuves qui t’attendront, tu devras trouver le courage de toujours aller de l’avant. Le chemin sera semé d’embûches, mais je sais que tu trouveras la force d’avancer.

Ben  : – Entendu je te le promets grand-père.

Grand père  : – Tiens, prends cette lettre. Ecoutes moi attentivement. Cette lettre contient une information capitale sur notre famille. Toi et moi, nous sommes proches, tu es mon petit prince. J’ai toute confiance en toi. Tu dois garder cette lettre, elle t’es destiné à toi et exclusivement à toi. Personne ne doit savoir ce qui y est inscrit à part toi mais tu ne devras la lire que lorsque j’aurais quitté ce monde.

Ben  : – Mais grand père, tu ne veux pas au moins me dire pourquoi cette inquiétude tout à coup ? Il s’est passé quelque chose ?

Grand père  : – Ne te tracasse pas l’esprit Ben, le jour venu tu comprendras certaines choses mais pour l’heure tout ce que tu dois savoir c’est que tu tiens entre tes mains quelque chose de très important et dont personne ne doit soupçonner l’existence.

Pour l’instant tu ne dois pas te préoccuper de ce qu’elle contient, car c’est moi qui veille sur toi mon enfant.

Aller, viens, reprenons notre promenade.

Ben  : – Mon grand-père comptait énormément pour moi, et cette après-midi passée avec lui m’avait troublée. Mais j’ai naturellement fait ce qu’il m’a demandé et j’ai caché cette lettre dans un endroit bien à l’abri.

Comme grand père et moi étions les seules personnes de notre demeure à aimer lire, et à passer du temps dans notre bibliothèque, j’avais pris soin de creuser l’intérieur d’un vieux livre et d’y placer à l’intérieur cette fameuse lettre.

Puis le dernier jour de mon grand-père était arrivé, peu de temps après.

C’était un dimanche matin. Mon père nous avait emmené pêcher, chose qui n’était pas dans ses habitudes puisqu’il ne faisait rien avec nous en temps normal. A notre retour on a trouvé ma mère dans un état de panique, tentant de réanimer grand père, effondré au sol après un malaise mais c’était déjà terminé.

Je me souviens m’être enfui dans ma chambre pour pleurer, pleurer et encore pleurer.

Je pense que j’avais été le seul à verser des larmes mais au fond, ça ne m’étonnait pas vraiment.

Le lendemain matin je suis allé tôt à la bibliothèque, vide de tout domestique.

J’étais empli d’un sentiment de tristesse après que mon grand-père nous ait quitté, mais aussi d’un mélange d’inquiétude et d’excitation, car je devais avouer que le contenu de cette lettre m’avait obsédé. Et c’est avec toute prudence que j’ai commencé sa lecture, non sans m’installer dans un recoin discret qui me permettait de guetter facilement l’accès à la bibliothèque, et voilà ce que disaient ces lignes  :

« Ben, à présent je ne suis plus. Tu ne dois pas pleurer mon absence car d’une certaine manière je vais continuer à veiller sur toi.

Il se peut que la vie que tu a menée jusqu’à présent va connaître quelques changements. Peut être que certains moments vont être pénibles et injustes pour toi, mais je te demanderais de ne pas perdre espoir et de continuer d’avancer. Cela sera probablement dur, mais tes efforts ne resteront pas vains.

Enfin il se peut qu’un jour les événements te poussent à quitter cette demeure pour vivre seule ta vie.

Si ce jour arrive, et seulement si ce jour arrive, tu devras utiliser la clé qui se trouve dans le lettre que tu viens d’ouvrir.

Cette clé ouvre une consigne de la gare de Glen Osmond. Je devine quel petit sourire tu esquisses maintenant. Tu te souviens de cette histoire que je t’ai plusieurs fois contée. He bien oui, tu connais le numéro de cette consigne.

Alors lorsqu’il le faudra tu t’y rendras. A l’intérieur de cette consigne tu trouveras une autre lettre ainsi que quarante mille dollars en liquide. Je sais que tu en feras bon usage.

Si les choses se passent bien, ce que j’espère du fond du cœur, tu n’auras besoin ni de cet argent, ni de la seconde lettre mais si les choses tournent mal, je prie pour que mes conseils te fassent traverser les épreuves qui t’attendront.

Soit fort mon garçon, un jour tu comprendras, je t’aime.

Ton grand père, Edward Brown”

Glen Osmond se trouvait juste à côté de Glenunga, à trente minutes tout au plus.

Mais aussi curieux que cela pouvait paraître, je n’étais pas pressé de découvrir cette seconde lettre, à vrai dire même, je la craignais plutôt. J’ai donc décidé d’attendre un peu pour m’y rendre.

Pour l’heure je ne désirais qu’une chose, dormir et me reposer l’esprit, ce que j’ai fait peu après.

Le lendemain curieusement mon réveil a été paisible. Pas de cris dans les couloirs ni de coup de feu dehors ni aucun autre bruit pouvant être perçu habituellement dans un quartier de cette réputation.

Après une douche revigorante je me suis préparé avant de m’assoir un instant sur le rebord de mon lit, la tête pleine de pensée.

Monsieur le Maire avait bien fait les choses pour moi. Le frigo était plein, de même qu’un petit recoin de l’appartement, qui était rempli de conserve et autres nourritures.

En plus de ça avait été laissé à mon attention une enveloppe qui contenait trois cent dollars en liquide ainsi que des jetons de laverie automatique.

Tout avait été fait pour que je puisse recommencer une nouvelle vie, ou de me faire oublier de l’ancienne… mais cela me convenait.

J’ai pris comme convenu ce travail que l’on m’avait confié, et ai tenté d’y mettre le cœur nécessaire à l’ouvrage, ce qui n’a pas été dur car après tout, c’était là un travail simple et qui allait me laisser une bonne partie de la journée libre. Mais à peine j’avais passé l’entrée de l’immeuble que je croisais déjà des regards méfiants, voir agressifs.

On me connaît ici aussi apparemment. Néanmoins nos échanges ne sont pas allés plus loin que de simples croisement de regards.

Le lendemain a été identique, ainsi que le sur lendemain, et que les jours suivants.

Le train semblait s’être lancé, et ma nouvelle vie était elle aussi en marche.

Dix jours s’étaient écoulés depuis ma prise de fonction et malgré qu’aucun contact oral n’avait eu lieu avec qui que ce soit, j’avais repéré une bande qui me dévisageait de plus en plus lorsque je passais non loin d’eux. Ils devaient être dix, ou douze tout au plus et leur moyenne d’âge se situait probablement autour du mien, mis à part pour celui qui semblait être le leader du groupe, et qui devait avoir entre vingt-deux et vingt-quatre ans.

Plusieurs fois je les avais entendu parler sur moi sans m’adresser directement la parole mais je sentais que le contact était imminent.

Le soir du dimanche suivant, le ciel était couvert et le temps lourd. Il faisait vraiment très chaud et j’avais décidé d’aller marcher un peu pour prendre l’air avant que les orages n’éclatent.

La balade était si agréable que j’avais laissé mes pieds avancer sans vraiment savoir où je me dirigeais, d’autant que j’avais l’esprit tourné vers mes pensées profondes, jusqu’à un moment où je me suis clairement rendu compte que j’étais allé relativement loin et que l’endroit en question n’était pas des plus accueillants.

Je ne savais pas où ni à quel moment, mais j’étais désormais arrivé dans une sorte de zone industrielle où les quelques bâtiments semblaient n’être que des dépôts de stockage.

En somme, il n’y avait pas âme qui vive et je pensais qu’il fallait mieux faire rapidement demi tour mais ce n’était plus le moment car je venais d’entendre une branche sèche casser sous le poids d’un pas.

De l’ombre est sorti celui que je soupçonnais être le leader de la bande qui traînait non loin de mon immeuble. Il se dressait à une quinzaine de mètre devant moi, puis a été rejoint par sa bande qui s’est mise à m’encercler.

Quel idiot j’avais été de croire que les choses allaient pouvoir continuer comme ça, sans histoire.

Je ne savais pas quoi faire, je n’avais aucune issue et ne pouvais espérer aucune aide.

Le leader  : – Eh bien eh bien eh bien, je suis étonné de te trouver ici, dans cet endroit isolé.

Ben  : – Oui je, je me baladais et je ne me suis pas rendu compte jusqu’où j’étais allé.

Le leader  : – Tu te baladais? Malheureusement tu n’es pas libre de pouvoir le faire ici car c’est pour ainsi dire notre territoire, comme tout le quartier d’ailleurs. Si tu comptais te “balader”, il aurait fallu simplement venir nous demander l’autorisation, et on t’aurait laissé te balader tranquillement, moyennant bien sur une petite, compensation pour nos frais.

Ben  : – Une compensation pour avoir le droit de me balader?

Ecoutez, je ne suis pas venu dans votre quartier pour avoir des histoires, j’ai été…obligé de venir vivre ici.

Le leader  : – Je sais je sais, on a tous entendu parler de tes exploits…

Tu en as dans le ventre il semblerait. Un mec dans ton genre serait très bien accueilli dans notre petit groupe…

Ben  : – C’est une proposition très aimable mais je ne veux faire parti d’aucun groupe, je veux juste être tranquille.

Le leader  : – Si c’est là tout ce que tu veux…

A peine sa phrase terminée que deux de ses sbires se sont jetés sur moi avant d’être imité par d’autres.

La bagarre a commencé mais étonnement elle a tourné à mon avantage.

J’étais pourtant seul contre dix mais rares étaient les coups qu’ils avaient réussi à me porter.

Et j’étais surpris de constater que non seulement leurs coups ne me procuraient que peu de douleur, mais aussi que j’avais l’impression de percevoir leurs coups au ralenti, ce qui me permettait d’en esquiver un bon nombre.

Mais après quelques longues minutes ils ont réussi à me maîtriser.

J’étais difficilement tenu debout le dos plaqué contre un lampadaire.

Le leader (surpris et souriant) : – Houla, on peut dire que t’es un coriace toi.

Six personnes pour te tenir, c’est étonnant. Je sais pas où tu as appris à te battre mais je te tire mon chapeau.

Quel compliment, surtout venant de la part d’un homme qui vient de lancer dix personnes sur moi…

Il était juste devant moi, le sourire aux lèvres. Deux secondes après il a pris son élan et m’a envoyé un coup de poing violent au vente me faisant cracher une gerbe de sang au sol.

Cette fois ci la douleur était bien présente, surtout que ses sbires me tenaient toujours. Il s’est rapidement mis à me frapper à nouveau, puis encore jusqu’à ce que je tombe à genoux au sol.

J’avais du mal à respirer. Ils m’ont relevé et à nouveau plaqué contre le lampadaire.

La douleur était intense, mais au delà de ça, il y avait bien pire, car je sentais qu’il se passait quelque chose en moi et qu’il fallait qu’ils me lâchent très vite.

J’avais du mal à tenir sur mes jambes mais je sentais quand même mes forces me revenir, très vite, trop vite.

Ben : – Ecoutez, écoutez moi…, partez, il est encore temps! Partez!! J’oublierai ce qui s’est passé mais partez vite avant qu’il ne soit trop tard, vite! Il ne reste que très peu de temps!

Le leader  : – Ahahahah très peu de temps pour quoi ?.. Tu ne tiens plus sur tes jambes, arrête de délirer.

Putain remettez en lui une couche, il a l’air d’aimer ça!

L’un d’entre eux s’est approché de moi pour me frapper.

A cet instant et en quelques secondes seulement, je me suis dégagé de ceux qui me tenaient, j’ai évité le coup, et j’ai retourné la situation contre mon opposant en le maintenant à mon tour.

Placé derrière lui je tenais fortement ses poignets en arrière, et à nouveau je leur lançais une dernière sommation, mais en vain.

Quatre autres sont revenus à la charge. Là encore, je m’en suis débarrassé en l’espace de quelques secondes. Tout allait trop vite, j’avais du mal à me rendre compte moi même de ce que je faisais.

L’un d’eux s’est mis à crier, un cri de douleur, il était à terre, les deux bras apparemment cassés. Comment est ce que j’avais pu lui faire ça sans m’en rendre compte?

J’étais effrayé par cette vision, mais plus encore lorsque j’ai vu que mes bras avaient doublé de volume au point de déchirer les manches de ma chemise.

Les mains sur la tête je suis tombé à genoux en tremblant de tout mon corps.

Mon esprit et mon corps semblaient vouloir se séparer. Je criais “Partez!!! Partez!!!” D’une vue trouble, j’ai distingué tous mes assaillants qui fuyaient à toutes jambes, emmenant avec eux celui dont j’avais brisé les deux bras.

Cette vision a été un soulagement et doucement j’ai senti mes battements de coeur ralentir et mes tremblements se calmer.

Je réussis à me lever et à reprendre mes esprits lorsqu’une déflagration violente a retenti devant moi.

J’ai ouvert les yeux et j’ai vu le leader de la bande devant moi, le bras tendu, pointant un pistolet encore fumant vers moi.

Le leader (tremblant) : – Je ne sais pas ce que t’es mais tu vas crever fils de pute !

Il venait de me tirer dessus… J’ai baissé les yeux vers mon ventre et j’ai vu une tâche de sang transparaître sous ma chemise avant de tomber au sol, inconscient.

J’allais rejoindre mon grand-père, enfin c’est ce que je croyais.

Pourtant en lieu et place d’un réveil au delà de la vie sur terre j’en senti une langue humide et baveuse me lécher le visage.

C’était l’aube et un chien de rue essayait de me réveiller.

Quelle n’a pas été ma surprise de constater que j’étais encore en vie. Immédiatement je me suis levé soulevant ma chemise encore immaculée de sang, preuve que je n’avais pas rêvé, mais sans pour autant découvrir de trace de blessure.

C’était comme si on m’avait jamais tiré dessus. Pourtant la chemise tachée de sang et la balle, que j’ai trouvé au sol, étaient là pour me convaincre que tout ça c’était bel et bien passé.

Il fallait se rendre à l’évidence. Bien qu’étant un parfait mystère pour moi, j’avais miraculeusement guéri de ma blessure mortelle.

Mais après quelques minutes à y réfléchir et avant que du monde arrive, j’ai repris le chemin de mon immeuble, afin de rentrer.

Cependant mon retour avec une chemise tachée de sang était loin de passer inaperçu, même dans un quartier si malfamé et à l’approche de mon immeuble, j’ai distingué l’un des membres de la bande qui me fixait de ses yeux ébahis. Puis rapidement il a laissé ses amis en plan probablement pour alerter le reste de sa bande.

Son étonnement était normal mais je n’y ai pas porté plus attention que ça, j’étais pressé de rentrer.

Une fois sur le seuil de ma porte j’ai tout de suite vu que cette dernière avait été forcée, puis une fois poussée, j’ai constaté que mon appartement avait été visité et vidé de tout ce qu’il s’y trouvait.

Seul mes livres, déchirés, étaient resté là, à même le sol. Pourtant cette situation me laissait presque sans réaction. A ce moment là je ne ressentais ni colère, ni peur. Sans doute le contre coup de la soirée que je venais de passer.

Rapidement je repris ma vie là où je l’avais laissé, ce qui incluait mon travail.

Les membres de la bande qui m’avaient agressé eux, ne semblaient plus vivre dans le quartier. Soit ils m’évitaient, soit ils avaient décidé d’occuper un autre quartier, toujours est il que je ne les croisais plus.

Ma vie a doucement pris un semblant de vie normale. Quelques jours plus tard, j’ai décidé de me rendre à la gare pour y récupérer ce que m’avait laissé grand père. A vrai dire, il s’agissait surtout de récupérer l’argent qu’il m’avait laissé en cas de besoin, car après m’être fait dévaliser mon appartement, j’avais effectivement besoin de cet argent, tout du moins d’une petite partie. Quant à la seconde lettre qui devait se trouver avec l’argent, je n’avais ni l’intention, ni l’envie de l’ouvrir pour l’instant.

J’avais pris soin de me grimer au mieux afin de faire un aller retour rapide.

J’étais assez anxieux car je ne savais pas si la situation me concernant s’était un peu calmé et franchement je ne pensais pas y arriver mais finalement j’ai pu récupérer le contenu de ma consigne sans éveiller de soupçon, en tout cas j’en ai pas eu l’impression.

Une fois à l’appartement j’ai d’abord pris soin de cacher la lettre.

L’appartement était tellement délabré que ça n’a pas été dur de créer une bonne cachette, quand à la lettre, je ne comptais pas la lire. Pourtant une partie de moi en avait vraiment envie mais je craignais beaucoup cette lecture.

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