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Vincent LepageParticipant
Le temps est gris.
En regardant par-dessus le bastingage, je comprends que les Gaulois aient eu peur que le ciel leur tombe sur la tête : au loin, le ciel et la mer sont de la même couleur, et se fondent dans un horizon que je peine à cerner.
Le bateau heurte la jetée, protégé par les épais coussins de caoutchouc qui doivent donner bonne conscience au pilote, qui ne fait rien pour que l’amarrage se fasse en douceur. Il se prend pour un vieux loup de mer, le pilote, alors qu’il n’est en fait qu’un vieux pilote qui fait des allers-retours à longueur de journée avec son vieux batobus.
Le contact mouvant du ponton sous mes pieds me tire de mes pensées : pour une raison que j’ignore – et que je ne comprendrai sans doute jamais – les vacances de la Toussaint ont attiré cette année une horde de touristes sur l’île. Je remercie intérieurement la météo, qui dissuadera certainement tous ces sans-gêne de revenir l’année prochaine.
Direction : la plage. Avec la pluie qui menace depuis ce matin – mais je sais qu’il ne pleuvra pas – la cohorte de petits vieux qui a failli me marcher dessus à la descente du bateau s’est égayée vers les terrasses chauffées, les boutiques de souvenirs et le musée de la Marine. Je suis le seul à descendre sur le sable.
En dépit des apparences, il fait relativement bon : le vent suffit à peine à dessiner la crête des vagues. Après avoir trouvé un rocher à ma convenance, je sors ma serviette de mon sac, et j’en fais un coussin : le sable est trop humide pour s’y asseoir, le rocher trop froid. L’épaisse éponge m’évitera de me geler les fesses.
Une fois confortablement installé, je laisse mon regard se perdre dans ce paysage si agréable, si beau, si calme, si doux… Je n’ai rien prévu de particulier, hormis cette visite à la Mer, ma turbulente voisine. J’aurais pu rester sur le continent, mais je n’ai aucune envie de croiser quelqu’un que je connais : ces rencontres se terminent invariablement autour d’une table de bar, à boire un café chaud ou à siroter une bière bien fraîche. Aujourd’hui, je n’en avais pas envie. À ces rencontres impromptues j’ai préféré la mauvaise humeur du capitaine d’opérette.
Mon esprit se perd en même temps que mon regard, qui n’a nulle part où se fixer. Aucun rocher, aucune île. La plage est face à l’océan, le continent derrière moi. Je suis seul sur ma plage. Je suis seul au monde. Seul avec la Mer.
De temps à autre, le cri perçant d’un goéland vient troubler le murmure régulier du ressac et perturbe le fil de mes pensées. Un peu comme un caillou qu’on jetterait dans un étang, et qui formerait sur la surface lisse d’infinis cercles concentriques.
Le bruit répété des vaguelettes qui s’écrasent sur le sable humide me berce. J’ai pris de la lecture avec moi, mais mes livres sont bien dans mon sac à dos. Je vais laisser Hamlet parler au fantôme de son père, et Bella Swan nous raconter son histoire d’amour avec un vampire au plus-que-parfait du subjonctif. À mon avis, ils auraient tous les deux besoin d’un psychiatre et d’une bonne dose de petites pilules roses. Mais je ne me sens pas d’humeur à leur tendre une oreille compatissante.
J’ai une envie de science-fiction. La mer qui se confond avec le ciel me donne l’impression d’un nouveau monde, d’une terre vierge à explorer, d’une aventure à vivre… Instinctivement, je ferme les yeux, et je laisse mon imagination débordante m’emmener dans un merveilleux voyage immobile, à la recherche d’autres vies, d’autres histoires, d’autres moi qui seraient, eux aussi, assis sur un rocher, face à l’océan, laissant vagabonder leur esprit au rythme du clapotis des vagues…Soudain, brutale, la sirène du bateau qui arrive au port me ramène sur terre, sur mon île, sur ma plage, sur mon rocher. Le jour baisse. Machinalement, je regarde ma montre : je n’ai pas vu le temps passer, et mon après-midi s’est écoulée en un battement de cil. Rapidement, je range ma serviette dans mon sac à dos, je range mes aventures dans un coin de ma tête, et je me mets en route pour le port.
Le pilote va venir heurter l’embarcadère. Il va contrôler les billets en bougonnant. Puis il va remonter dans sa cabine, gonflé d’une importance qui n’impressionne que lui. Il va inverser les machines pour s’éloigner de la jetée, et un grand tremblement va parcourir le bateau tandis que les hélices vont mordre l’eau.
Dans une heure je serai à la maison.Vincent LepageParticipantIl dissimula son sac dans le voilier après que le cyclone pulvérisa subitement sa voiture neuve et se dirigea vers le village. Le sol était jonché de branches cassées et de toitures arrachées. Il traversa rapidement la route en vérifiant que des habitants étaient occupés à réparer les dégâts. Lorsque tout soupçon fut écarté, il décida de fracturer la porte miraculeusement intacte. Celle-ci résista au coup de pied, il sursauta et prit minutieusement la lame à la place de la clé. Il réussit à débloquer la serrure.
Léo pénétra dans la cuisine sans allumer la lumière. Une odeur de mort flottait dans la pièce saccagée et il sourit.
Son idée de départ était de disparaître le lendemain, dès que sa fille aurait déconnecté tous les capteurs nanotechs qui étaient implantés dans la nuque du chien.
Mais nonobstant ce contretemps, -
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