Le dimanche s’est passé, ils sont partis plus tôt, papa devait partir pour un autre chantier et je reste encore seul à attendre mes visites. Maman a évoqué le futur étudiant qui devrait m’aider à rattraper mon retard. Un soir prochain, elle viendrait avec lui pour me le présenter, et qu’il puisse évaluer ou j’en suis des études, ça c’est un peu moins marrant, il faudra que j’y passe, plus d’un mois de retard, j’ai de nombreuses lacunes.
J’ai encore appris aujourd’hui, pour ma mère c’est facile, je sais qu’elle s’inquiète, rêver de moi petit mais j’étais dépendant, pour ce qui est des autres, il faudra que tente de savoir qui ils sont. Je ne sais pas trop quoi faire car si j’entre dans leurs songes, qu’ils sentent ma présence ou que je modifie, soit ils passent à autre chose, ou alors ils arrêtent. Il faudra que je trouve le moyen, en restant en retrait. Les personnes accessoires ou les objets créés me semblent influençables, je commence à mieux faire, je m’amuse beaucoup mieux si personne ne peux me voir. Entrer dans le monde des adultes, je vais enfin savoir ce qu’ils pensent, ce qu’ils ne disent pas, toujours me répéter que je saurais plus tard, ça m’énerve qu’ils profitent de leur taille de grand et de quelques années de plus.
Je sais me débrouiller, je connais plein de choses, pourquoi ne pas me dire. Tout ça parce qu’ils travaillent, et si on me payait pour aller à l’école, c’est exactement pareil, ils vont voir maintenant, je vais enfin connaître et je ne dirais rien, de toute façon je n’ai pas intérêt à parler de mon super pouvoir.
J’ai le projet d’en faire mal rêver certains si j’arrive à me diriger, mais petit à petit, ces voyages me fatiguent si je ne fais pas attention, je n’ai pas encore compris si c’est parce que je voyage trop loin ou dans trop d’endroits, une chose à la fois.
Je vais noter sur mon ordinateur tout ce que je vois et entends, comme le nom du chanteur l’autre jour, je ne me souviens plus s’il était près ou loin. Pour l’aide soignante du repas, ça a été facile je connaissais sa voix quoique, en y repensant, ce n’était pas vraiment un son, mais j’ai reconnu sa manière de parler, la dame avec la drôle de coiffure, je ne sais pas, ça fait partie des essais du débuts. Il y avait le motard, mais ce fut bref, si jamais je retrouve, mais je le note aussi.
Je relis mes écrits, je suis content de moi, j’ai une approche scientifique, bon c’est vrai il n’y pas grand-chose, mais ça va venir et sûrement me servir.
Quelques coups à la porte, mon plateau livré par la préposée aux repas. Je regarde mes notes, j’ai envie de lui dire que je connais son rêve, mais il ne faut pas, je ne fais que sourire qu’elle doit prendre pour un remerciement alors que je me moque parce que je sais maintenant et ça me saute aux yeux, elle dormait pendant son service quand j’étais dans ses songes.
Tout le temps du repas, ça me tournait en tête, j’en sais un peu sur elle, une maison une piscine avec un mec dedans, elle veut gagner au loto, je l’ai vu j’y étais, mais elle dort au travail, qui sait ce que je peux encore apprendre ainsi que sur les autres.
Je crois que mes remarques vont me servir, je vais toucher les rêves, savoir ce qu’ils pensent, voir ce qu’ils veulent, modifier leurs visions, j’aurais tout les savoirs, j’en saurais plus que tout le monde.
Je repousse mon plateau et retourne sur l’écran, il est tôt, très tôt, on nous sert les repas en fin d’après midi, j’en ai vraiment marre de rester ici, à part l’ordinateur il n’y a rien à faire et je n’ai pas envie de redescendre au patio, je sais me servir de béquilles pas besoin d’exercices, ils me prennent vraiment pour un petit.
Je relis mes écrits sans vraiment regarder, ce n’est que le début mais je vais continuer, mes pensées vagabondent et je me mets à rire, si j’avais de grandes dents je me vois en vampire à sucer les idées.
Je repousse le portable et je ferme les yeux, je revêt ma grande cape me transforme en chauve souris à la recherche d’une proie, il faut que j’arrête de rire je pars dans le sérieux.
Beaucoup de cônes impénétrables autour de moi, on est en fin d’après midi, les gens ne dorment pas, je commence à comprendre la notion de distance, je ne vois pas les murs il n’y a pas d’obstacles, mais je sens bien si je suis loin ou près de mon corps, le cordon invisible qui me relie à lui me transmet une tension, je monte et je descends, je m’étire sur la droite ou je reviens à gauche, j’arrive à me situer tout autour de mon lit, j’ai bien saisi ou se trouve la clinique avec ces nombreuses formes, car si je m’éloigne trop les présences deviennent inexistantes quelque soit la couleur, je reviens donc rôder autour de moi.
Au plus près de ma chambre j’ai aperçu du bleu je pénètre dans l’un d’eux.
Je suis un peu surpris je n’ai aucunes perceptions, tout au moins s’il faut donner un nom, pas de bruits ni d’images, on dirait un grand vide et du néant autour, je ne savais pas qu’on pouvait rêver de rien. Je m’avance au milieu en faisant attention, je me concentre intensément pour tenter d’interpréter, mais rien je ne sais pas quoi faire, je suis prêt à m’enfuir ça me fait un peu peur.
Aucunes formes, que du gris comme dans un grand nuage, je n’ai rien à colorier, je pense à la lumière qu’il manque, je sens par mon cordon mon corps qui souffle et accélère ses battements, des projecteurs illuminent l’endroit ou je crois être, j’ai un léger recul, je sais que je suis là mais je n’existe pas, je ne vois toujours rien.
Je ressens dans mon dos la douceur de ma position, et un lit apparaît comme celui de ma chambre, je crois que je comprends ce que je viens de faire, une table de chevet, une desserte et des chaises, je viens de recréer ma chambre dans le rêve d’un autre.
Chez qui ou chez quoi, ou suis-je ?