Aujourd’hui est un joli mot, chroniques de l’an 22 (1/12)

3 mins

Réminiscence – Ce n’est pas de l’avenir mais du passé que dépend notre bien-être au monde. Toutes ces choses amassées là, quelque part entre trachée et vésicule. Des mots et des visages, du rêve et du vide, l’étincelle et la cendre des jours. Au fil du temps, ce passé de tout et de rien tapisse notre intérieur, muette concrétion qu’un spéléologue de l’âme s’échinerait à décrypter pour, au final de l’affaire, rendre les armes en disant qu’ici git, ni plus ni moins, que le ballot d’une hydre d’entre ciel et mer. Combien de fois aurions-nous voulu effacer telle strophe de cet imparfait qui, bien malgré nous, têtu, refait surface. Mais le passé ne passe pas, jamais. Il ne se dissout pas, attend son heure. Mine de rien, il nourrit son homme, le tient éveillé, debout et en marche. Combien de fois ai-je emprunté ce circuit que mes semelles courent par cœur ? J’inspirais et j’expirais et certaines fois je l’imaginais, soufflant et suant à mes côtés, puis devant, forcément devant car il ou elle aurait l’agilité et la souplesse de la gazelle. L’image m’accompagnait un bout de chemin jusqu’à ce que je la rejette, agacé à l’idée qu’elle ne soit à jamais qu’une chimère. Les saisons sont passés et le chemin d’entre les vignes resta le même, tour à tour gelé, craquelé ou parsemé de flaques en miroir de boue. De temps en temps, l’enfant riait, si loin, trop loin de moi. Aujourd’hui, dimanche 9 janvier, est un joli mot. Quatre ans après son arrivée, elle s’est éveillée et m’a proposé de courir avec moi. J’ai modifié le parcours, pour m’adapter à son souffle nouveau et peut-être, allez savoir, conjuguer l’instant au présent du plus que parfait. Trente minutes. Nous inspirons et expirons côte à côte, à l’unisson. Et je repense à tous ces dimanches où, sans le savoir, elle était là en songe, me poussant dans le dos pour gravir l’arpent de ce côté-ci du monde si lointain de son Abyssinie. Elle me tenait en haleine, de loin, étrange étrangère.

Horizon – C’est un confetti sur lequel on danse, une riche parcelle où l’on soliloque comme si nous étions le centre du monde, oublieux de notre petitesse géographique et de notre insignifiance démographique, à peine 0,8 % de la population mondiale. Mais qu’importe, petite France se dresse sur ses ergots et clame à qui ne l’écoute plus qu’elle est l’unique, l’inégalée, l’exception française. N’est-elle pas Chanel, Diderot, les bâtisseurs de cathédrales, les droits de l’homme, Napoléon, Michel Houellebecq, le Général, le Moulin Rouge, Zidane, le Concorde, 36 fromages, Château Margaux, l’EPR, Hugo, Eiffel, on en passe et des meilleurs… France 2022, une basse-cour divisée où, à la superbe des cocoricos s’oppose l’acrimonie des rabats caquets pour qui Marianne n’est plus qu’une pauvre fille que de riches argentiers et de méchants envahisseurs pillent et violentent à l’envi. Et au milieu de cet épouvantable caquetage, nous tous, millions de pigeons ou de perdreaux, à coup sûr dindons d’une mauvaise farce qu’on nous inflige. Car voilà venu le temps de se choisir un ou une nouvel(le) Abraracourcix. L’affaire mériterait qu’on se hausse haut sur le perchoir afin de voir loin devant par-dessus l’enclos, histoire d’imaginer le poulailler de demain, d’envisager une communauté ailée avec les volatiles qui peuplent l’ailleurs, qu’ils soient de hautes ou de basses cours ; pour se prémunir des risques de finir en poules mouillées ou en canards boiteux, victimes d’un ciel qui finira bien par nous tomber sur les crêtes. Car aucun doute, un jour nouveau s’en vient. Au lieu de cela, les coqs en chefs (mais aussi des coquettes qui n’en veulent plus de se laisser conter) chantent à tue-tête, péniblement juchés sur un pauvre petit tas de fumier. C’est un confetti en désolation où ça jabote à tout va. C’est un café du commerce, un plateau BFM, la tablée d’un dimanche, une machine à café… Il est des jours où le bleu blanc rouge est salopé d’une grosse tâche, furoncle à la face du monde. C’est chez nous, un lopin rabougri, myope et peuplé de lapins crétins.

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1 Commentaire
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bbbbbbb ccccccccccccc
bbbbbbb ccccccccccccc
2 années il y a

Ouh, ça décoiffe!
Un déluge de métaphores mordantes et une belle satire.
J’adore (entre autres) le passé qui ne passe pas.
Un texte riche et dense, bravo à l’auteur.

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