VINGT-NEUF — ALEXANDRE
Maëlle était déjà entrée depuis plusieurs minutes et les questions sans réponses s’enchaînèrent dans ma tête. Ma respiration s’accéléra. « Si monsieur et madame Stern ne sont pas réveillés, que va-t-il se passer ? », « Et s’ils changeaient d’avis, et qu’ils me laissaient dehors ? ». À chaque question, mon état de panique empirait, j’avais chaud, je respirai bruyamment, mes mains tremblaient, je peinai à tenir debout. Et mon amie tardait encore à revenir.
Finalement, je perdis totalement le contrôle. Je ne savais plus exactement ce qui se passais, je ne me rendais plus compte de ce que je faisais.
Maëlle me retrouva dans cet état second. Je repris conscience lorsqu’elle me secoua violemment et cria mon nom. Je me trouvais assis sur les marches du porche, les deux mains par terre crispés sur la pierre.
– Alexandre ! Ça va ? me demanda Maëlle.
Je repris mon souffle.
– Oui… pardon… ça va, bredouillai-je.
– Qu’est-ce qui t’arrive ?
Je me levai avec difficulté.
– Rien. Ça va.
Elle me fixa, dubitative.
– Bon, si tu le dis. Maman t’attend dans la salle-à-manger.
Mon regard apeuré lui répondit.
– Ne t’inquiète pas. Elle n’est pas trop en colère. Elle a bien dormi.
Je hochai la tête, peu rassuré.
Elle épousseta mon manteau, me conseilla de laisser mes affaires dehors, et j’entrai à sa suite.
Toute la famille Stern était réunis dans la salle-à-manger. Le père, en robe de chambre violette, mangeait une tartine à la confiture. La mère, en robe noire, ouvrait un yaourt. Et, Nathan, les cheveux trempés, regardaient manger ses parents en participant à la conversation, car il avait déjà mangé.
Ils suspendirent tous leur occupation lorsqu’ils me virent. Maëlle s’avança pour rejoindre les autres et je me retrouvai seul face à la famille Stern. Un silence pesant s’installa.
– Bonjour, dit finalement Mme Stern.
– Bonjour, répondis-je.
– J’espère que tu vas bien, continua-t-elle. Je constate que tu arrives bien tôt.
– Oui, veuillez m’en excuser. Si le propriétaire de l’appartement avait été une personne plus aimable, les événements ne se seraient sûrement pas passés ainsi.
– Oui, ce n’est pas grave ! s’exclama M. Stern. Nous sommes heureux que tu sois enfin là.
– Merci, dis-je.
Nathan fit une série de signes qui me confortèrent dans ma résolution d’apprendre ce langage.
– Il demande si tu as mangé, me traduit Maëlle.
– Euh… Oui, oui. J’ai déjà mangé. Merci.
Ce n’était pas vrai, puisque j’avais dégurgité mon sandwich plus tôt dans la matinée. Mais l’angoisse me nouait l’estomac.
– Assieds-toi, je t’en prie, dit Mme Stern.
J’obéis et, comme un signal, ils se remirent à manger. Maëlle aussi avait déjà mangé et s’assit en face de Nathan et moi.
La conversation reprit mais, heureusement, je n’eus pas à y participer. J’appris que Nathan était allé courir ce matin pour s’entraîner pour la course qui devait se dérouler le dimanche suivant. Mme Stern avait assisté à une réunion très intéressante sur l’évolution de la mode. M. Stern avait gagné une somme importante en jouant au poker et raconta chacun de ses coups avec force de détails inutiles.
Lorsque Mme Stern eut fini de manger, elle me regarda avec un sourire.
– Bien. Alexandre, tu veux peut-être t’installer ?
– Euh… oui, mais… sans que cela vous dérange.
– Bien évidement. Pendant que je me prépare, Maëlle et Nathan peuvent te faire visiter la maison.
Les deux interpellés se levèrent immédiatement en acquiesçant de la tête, leur ressemblance me frappa, ils avaient les mêmes traits de visages, les mêmes expressions faciales et les mêmes gestes !
Je me levai à mon tour, remerciai mon hôtesse et suivit le frère et la sœur dans les escaliers de marbre blanc.