VINGT-NEUF — ALEXANDRE (suite)
La maison, qui m’avait déjà parue immense au rez-de-chaussée était vraiment gigantesque. Il y avait deux étages et un sous-sol. Les chambres étaient démesurées, il y avait une salle de jeu, une salle de billard, une très grande chambre d’amis, qui sera la mienne pour quelque temps, et cinq toilettes !
Nous retournâmes dans le hall pour récupérer mes affaires et les monter dans la chambre qu’on m’avait attribuée.
Là-bas, nous nous assîmes sur le grand lit et je soupirai. Nathan rit et adressa à sa sœur un commentaire qui la fit sourire. Je haussai les sourcils, curieux.
– Il disait que si en moins d’une heure tu étais exténué tu ne tiendrais pas longtemps.
– Oui, c’est sûr. Et il faut absolument que vous m’appreniez le langage des signes.
Nathan hocha la tête.
– Oui, bien sûr, répondit Maëlle en souriant.
Ce qu’ils commencèrent immédiatement. Ce langage étant assez simple, j’appris des dizaines de mots en peu de temps.
Au bout d’une heure, Nathan décida que cela suffisait pour ce jour et proposa son aide pour vider mon sac et ranger mes affaires. Ce que j’acceptai avec plaisir. Au vu du peu de choses que j’avais et, étant trois, ce fut très rapide. Nous prîmes donc le temps de ranger les CD par ordre alphabétique. Nathan s’émerveilla de la quantité de CD que je possédais. Pour lui faire plaisir, je mettais un des multiples disques dans le lecteur qui se trouvait miraculeusement dans la chambre, la voix grave de Bruce Springsteen s’éleva dans la chambre et nous nous assîmes pour l’écouter.
Alors que la quatrième chanson commençait, quelqu’un toqua à la porte et entra. Mme Stern sourit en nous découvrant avachi sur le lit, absorbé par la musique.
– Très bon choix, dit-elle simplement.
Je me redressai rapidement.
– Comment ?
– Très bon choix de musique, je veux dire.
Je souris, étonné de sa remarque. Ce n’était pas du tout ce à quoi je m’attendais de cette mère rigide et sévère. Je jetai donc un regard incertain vers Maëlle, mais elle me sourit comme si c’était parfaitement normal.
– Merci, dis-je donc.
La femme me répondit par un sourire.
– C’est l’heure du déjeuner, si vous le voulez bien.
Ses mots me rappelèrent que je n’avais rien manger depuis hier soir. Je mis donc la musique en pause. Et nous descendîmes en discutant agréablement, enfin… ils discutèrent agréablement pendant que j’écoutais.
Pendant le repas, Mme Stern me détailla toutes les règles de vie de la famille. Certaines me paraissaient évidentes, comme manger proprement, se laver les mains avant manger (bien que je ne le faisais pas avant), tandis que d’autres me semblaient absurdes, comme que les places à tables étaient très importantes et qu’il ne fallait pas les changer, ou que les conversations étaient très strictes et certains sujets étaient tabous (et évidemment, je devais les deviner moi-même). Mais bon, j’allais évidemment les respecter au mieux.
Après, nous remontèrent, mais dans la chambre de Maëlle. C’était, bien sûr, une grande pièce, les murs blancs éclairaient l’endroit et le rendaient agréable.
Nous nous assîmes sur le sol et le silence s’installa.
– Euh… est-ce que vous allez m’éclairez sur les sujets tabous, ou je dois me débrouiller ? demandai-je, incertain.
Le frère et la sœur se regardèrent, Nathan secoua la tête, Maëlle haussa les épaules. Finalement, elle se tourna vers moi :
– C’est… un peu compliquée. Disons que… on n’en parle vraiment pas.
Je haussai les sourcils, intrigué. Je ne pensais pas que c’était si tabous !
Maëlle ouvra la bouche, Nathan secoua la tête et elle la referma.
– Donc vous n’allez vraiment pas m’en parler ? Vous voulez que je fasse bonne impression, mais vous ne me dites même pas quels sujets il faut que j’évite ! m’exclamai-je.
Mon amie soupira.
– Tu as raison, c’est stupide. Mais, en fait, même nous, on ne sait pas exactement. On le sait, c’est tout donc… je ne sais pas trop quoi te dire.
– Mais oui, c’est logique. Il y a des sujets tabous, et vous ne voulez pas me les dire puisque vous ne les connaissez pas !
J’étais énervé. Je n’avais aucune chance de rester en vie dans cette famille si Maëlle et Nathan ne m’aidaient pas.
Ce dernier secoua la tête, désolé. Maëlle fit la moue. Ils se parlèrent en langue de signe pendant plusieurs minutes. Finalement, elle me dit :
– Bon, on va t’aider au mieux. En général, la conversation devient tendue quand on parle du passé.
– Du passé ?
– Oui. Par exemple, je me rappelle qu’un soir Nathan avait soudain demandé comment ils vivaient avant leur mariage. Et même Papa s’est figé, Maman a finalement changer peu subtilement de sujet.
Je commençai à comprendre. Peut-être mieux qu’eux-mêmes, les Stern ne voulaient pas parler d’avant pour que le meurtre que le père a commis ne soient pas dévoilé. Sûrement que Paul était fier de son acte, mais Mme Stern ne voulait pas que ses enfants le sachent. Ce qui voulait aussi dire que Mme Stern était au courant pour le meurtre qu’avait commis son mari.