Pendant la nuit, Jade se réveilla soudain d’un rêve étrange. Elle se trouvait à l’arrière d’une voiture, ressemblant étrangement à celle de Zack. Deux personnes discutaient à l’avant. Elle ne distinguait pas le sujet de conversation. Puis il y eut un bruit de frein… Et ses yeux s’ouvrirent. Elle s’empara de son téléphone qui lui afficha quatre heures du matin. Elle le reposa et se mit sur le dos. Elle sentit alors une tension dans l’air, comme une sensation d’être observée. Sans bouger, elle jeta un rapide coup d’oeil autour d’elle. Elle crut apercevoir deux points légèrement brillants dans l’ombre de l’entrée de la chambre. Restant un instant tétanisée, elle fixa le plafond. Elle sentait son cœur battre dans sa poitrine, elle l’entendait même battre tellement la pièce était silencieuse. Elle se concentra alors sur sa respiration et ferma les yeux. Reprenant son calme, elle rouvrit les yeux et, toujours sans bouger, observa de nouveau les alentours. Les points qu’elle avait semblé apercevoir précédemment avait disparu. Elle se redressa lentement et regarda partout. La jeune femme souffla lorsqu’elle s’aperçut qu’elle était seule dans sa chambre. Elle se rallongea et eut du mal à retrouver le sommeil mais finit tout de même par s’endormir.
Le réveil fut, sans surprise, difficile. Une fois à l’Université, Jade se dirigea au même amphithéâtre que la veille où elle avait son premier cours. Elle s’installa à côté d’Hannah. Ni Andrew, ni Zack n’étaient présents. Jade était un peu déçue de ne pas les voir.
La matinée se passa bien. Les professeurs rencontrés par la jeune femme étaient tous intéressants et le programme également. Elle déjeuna avec Hannah au self. Jade y vit Andrew seul à une table et Zack entouré d’une bande de mecs à une autre table plus éloignée. Alors que les filles mangeaient, Jordan s’assit à côté d’Hannah.
— Salut les filles.
Il sourit. Jade détourna le regard et se concentra de nouveau sur son plateau. Elle n’avait pas parlé à Hannah de ce qui s’était passé la veille. Elle sentait les yeux de Jordan posés sur elle et se souvint de la sensation encore récente de la tension de cette nuit.
— Tu peux pas nous lâcher Jordy ?
Hannah ne se laissait pas démonter. La jeune blonde regarda son amie.
— Ta copine doit te chercher, va voir ailleurs « Jordy », lança Jade qui voulait lui tenir tête.
Après tout, elle avait dit à Zack qu’elle savait se défendre et cette fois, elle voulait être plus forte que tout ça. Elle sourit, la jeune rousse, quant à elle, avait les yeux ronds. Jordan partit, visiblement en colère.
— Et bien, tu es moins patiente que ce que je croyais !
rit Hannah.
Jade décida de lui expliquer ce qui s’était passé la veille.
— Montgomery ?!
Elle était très surprise.
— Oui, c’est chez eux que je travaille.
Jade sentit Hannah se décomposer.
— Ils sont vraiment très beaux, mais ils sont bizarres, je ne les sens pas. Tu devrais faire attention.
— Je suis d’accord, ils sont particuliers. Mais ils sont sympas, enfin, surtout Viktor et Andrew.
— Autant Andrew je peux y croire, autant le grand j’y crois moyennement…
Jade ne comprenait pas totalement ce jugement catégorique. Viktor était bienveillant avec elle, elle ne pouvait croire que c’était une mauvaise personne.
— C’est quand même étrange que Zack t’ait « secourue »… C’est pas son genre de s’occuper de ce qui ne le regarde pas.
Jade sourit. Elle voulait bien croire son amie. Elle n’expliquait pas son attitude, il restait une énigme pour elle. Alors qu’elle pensait à lui, elle le regarda. Il riait avec ses amis. Ils se retourna discrètement et leurs regards se croisèrent. Jade eut l’impression de se prendre un coup électrique dans le creux du ventre. Elle souffla et bu son verre d’eau d’une traite. Hannah n’avait pas l’air d’avoir vu sa réaction étrange, ce qui arrangeait la jeune femme.
La jolie blonde rentra au manoir à la fin de sa journée. Elle fila dans sa chambre se rafraîchir avant de se diriger dans le salon. Viktor l’attendait avec Louis, elle devait s’en occuper pour la soirée. L’homme lui redonna les heures du coucher, etc puis sortit de la pièce après un dernier regard à l’enfant. Jade se retrouva donc seule avec le jeune garçon. Elle se mit à sa hauteur et lui proposa de faire un jeu. Il accepta et elle lui demanda à quoi il souhaitait jouer.
— À cache-cache !
s’exclama-t-il, heureux.
— D’accord, mais alors on reste seulement au rez-de-chaussé, et pas en extérieur du manoir, on est ok ?
Il afficha une mine triste.
— T’es pas drôle !
Jade sourit, le regard de l’enfant sembla soudain malicieux, avec une pointe de sournoiserie.
— Ok, tu comptes jusqu’à cinquante, il faut que je trouve une bonne cachette !
L’enfant partit. Son rire retentissant. Jade hésita, après avoir vu cette lueur sournoise, à l’interpeller pour être sûre qu’il ait bien compris, mais il avait déjà passé la porte. Elle commença alors à compter à haute voix. Une fois arrivée à cinquante, elle le prévint à par un « j’arrive » qui résonna dans le hall du manoir. Jade chercha ainsi le garçon dans le hall, derrière les piliers et les plantes. Puis dans la salle à manger, sous la table, derrière les rideaux, dans les meubles. Elle alla ensuite dans la cuisine où elle ouvrit les placards. Elle vérifia également le four, la poubelle, le lave-vaisselle et même le micro-onde ! Toujours personne. Dans la bibliothèque, elle regarda dans chaque rangée, sous les tables et derrière les rideaux. L’enfant restait introuvable. Elle regarda dans le débarras et dans le bureau situé au rez-de-chaussé. En vain. Elle vérifia quand même le salon pour être sûre qu’il n’ait pas bougé le temps qu’elle vérifiait les autres pièces. Jade commençait à s’inquiéter de ne pas retrouver Louis. Elle se souvenait de son air sournois, elle jeta un rapide coup d’oeil à l’extérieur via les grandes fenêtres de la salle à manger, du salon et du bureau. Elle décida finalement de monter les marches afin de vérifier l’étage. Il n’aurait pas été étonnant que le garçon ne l’écoute pas, il n’avait pas l’air d’accord avec les règles mises en place avant la partie. Elle commença par vérifier la chambre du disparu. Personne sous le lit, ni dans le placard, ni dans la salle de bain. Elle vérifia sa propre chambre puis se rendit dans le hall de l’étage. Elle se baissa pour regarder sous les sièges qui s’y trouvaient.
— Que fais-tu, princesse ?
entendit-elle alors, sur un ton moqueur.
Elle se leva, perturbée par cette intervention.
— Tss…
Elle serra les dents, sans vraiment savoir quoi répondre.
Salut, on joue à cache-cache avec ton petit frère et, alors que je dois veiller sur lui, je l’ai complètement perdu ! Ça doit faire environ une demi heure que je le cherche partout ! Si ce n’est plus… pensa-t-elle très fort avant de dire :
— Je joue à cache-cache avec ton frère…
— Et tu as l’air de bien t’amuser !
rétorqua-t-il, toujours avec cet air moqueur.
— Ce n’est pas très drôle, je suis inquiète…
admit-elle alors.
—Suis-moi, annonça-t-il en reprenant son sérieux.
Il l’accompagna devant la porte de la chambre de Louis.
— J’ai déjà regardé dans sa chambre…
— Peut-être, mais tu as juste besoin d’entraînement !
Jade n’appréciait pas ce sous-entendu. Zack se dirigea vers le placard à linge. Il poussa les affaires qui étaient sur cintres vers la gauche du placard et ouvra une trappe se trouvant à droite.
— Zack !!
Louis sauta au cou de son frère.
— T’es nul, tu ne l’as pas laissé chercher assez longtemps !
s’énerva alors le petit en voyant Jade, ébahit, derrière son frère.
— Quoi ?! On avait dit que le terrain de jeu se limitait au rez-de-chaussé Louis, tu n’as pas suivi les consignes !
Jade se contenait, elle ne voulait pas le gronder, mais restait dure et sérieuse.
— Oui mais tu n’es pas drôle !
L’enfant montra une mine boudeuse. Zack le reposa au sol et lui passa une main dans les cheveux.
— Sois sympa Louis.
Le beau ténébreux se dirigea alors vers la porte.
— Non, reste !
demanda le garçon.
— Désolé bonhomme, je ne peux pas, j’ai à faire. Tu es entre de bonnes mains. Apprends à comprendre les filles, ça te sera utile plus tard !
Il fit un clin d’oeil en direction de Jade puis ferma la porte. Après un instant de silence, le petit la questionna :
— Pourquoi t’es toute rouge ?
Gênée, Jade essaya de changer de sujet. Ce ne fut pas une mince affaire.
— Il te plaît mon frère ?
Elle rit, essayant de cacher le malaise que lui conférait cette discussion.
— Tu sais, il m’intrigue plus qu’il ne me plaît !
Ce fut au tour de Louis de rire.
— Oui, mais c’est mon frère !
ajouta-t-il d’un air possessif.
Cette intervention surprit Jade. Le petit repartit comme si de rien n’était.
L’heure du repas arrivait, alors que Jade préparait les couverts pour l’enfant pendant que le repas cuisait, ce dernier se mit à bouder.
— J’ai pas faim !!
— Mais tu dois manger pour devenir grand et fort comme tes frères !
Jade jouait la carte de la fratrie. Louis était apparemment très attaché à ses frères… Enfin, les frangins entre eux semblaient très attachés, bien que ce soit plus marqué avec le petit. L’enfant soupira, ses yeux regardaient dans le vide et paraissait triste.
— Mais c’est pas bon !
Jade lui servit une petite assiette et s’installa bien plus loin avec le livre qu’elle venait d’acheter. Viktor l’avait prévenu que Louis était assez particulier concernant le repas : ne pas le regarder manger, le laisser tranquille et ne pas le forcer. Jade n’était pas totalement d’accord avec cette éducation, mais elle n’avait pas son mot à dire. Elle se concentrait sur son livre, observant le sommaire. Histoires, croyances, pouvoirs, nature, partage, distinction entre le bien et le mal, personnages « célèbres »… Ce livre contenait énormément d’informations sur des croyances de tout genre.
— Tu lis quoi ?
demanda soudain une voix derrière la jeune femme.
C’était Louis, elle ne l’avait juste pas entendu se déplacer, sûrement dû à sa concentration sur la découverte du livre.
— Hey ! Retourne à ta place et mange un peu garçon !
L’enfant se renfrogna. C’est alors que Viktor entra. Le garçon prit un air sérieux, le même que Jade avait aperçu le jour de leur rencontre.
— Comment t’en sors-tu ?
Viktor interrogeait la jeune femme qui se sentait un peu dépassée. Pour une première journée, elle s’attendait à quelque chose de plus calme…
— Louis fait son difficile, il ne veut rien manger.
Viktor sourit.
— C’est vrai qu’il a pris un gros goûter en revenant de l’école, je ne pense pas qu’il va manger ce soir. Il mangera mieux demain !
Étonnée qu’il laisse le petit sauter le repas, Jade ne souhaitait pas non plus remettre son autorité en cause. Elle laissa donc Louis sortir de table et l’accompagna jusqu’à sa chambre.
— J’ai mis ton pyjama dans la salle de bain. Je te laisse prendre ta douche et te changer.
L’enfant s’exécuta. Jade en profita pour ranger sa chambre. Des jouets traînaient un peu partout. Elle chercha ensuite une histoire à lui raconter pour le soir. Elle découvrit une étagère bien remplie près du lit. Cependant, les histoires étaient plus ou moins glauques pour un enfant de son âge. Carmilla de Joseph Sheridan Le Fanu, ou encore Mercure d’Amélie Nothomb étaient des livres que la jeune femme connaissait bien. Néanmoins, ce n’était pas le genre d’histoire qu’elle cherchait pour endormir le garçon. Elle porta donc son choix sur un livre de contes qu’elle ne connaissait pas.
Louis revint de la douche et bouda le brossage de dents. Jade insista. Il s’exécuta à nouveau, fâché. Jade lui présenta ensuite l’histoire qu’elle avait choisit de lui lire. À sa grande surprise, il ne contesta pas ce choix. L’histoire racontait l’aventure d’un jeune homme, éperdument amoureux d’une jeune femme très appréciée de tous. On la disait plutôt gentille et d’une beauté naturelle. Lors d’une cérémonie, l’homme eut l’occasion de discuter avec elle et tomba encore plus sous son charme. Ils décidèrent de partir ensemble de la soirée… Et là l’histoire prit un tournant que Jade ne soupçonnait pas. La femme assomma le jeune homme et le mangea. Une fois l’histoire terminée, Jade déglutit difficilement.
— Les histoires que tu as dans ta chambres sont étranges, elles sont très sombres…
— Je n’aime pas les histoires qui finissent bien. Ça n’arrive jamais dans la vraie vie, ajouta très sérieusement le garçon.
Il avait cet air las, comme s’il portait une longue vie pleine de tristesse sur ses petites épaules. Jade lui souhaita une bonne nuit et sortit de la chambre. Elle n’avait pas faim. S’occuper de Louis n’était pas de tout repos, surtout pendant la période de « test » dans laquelle elle semblait se trouver actuellement. Jade réfléchissait sur sa relation avec l’enfant : sans figure maternelle depuis un moment apparemment, entouré uniquement de ses frères… Il lui faudrait sûrement du temps pour accepter la présence de Jade au sein de sa famille.
Alors que Jade se pouponnait et préparait ses affaires pour le lendemain, on frappa à la porte.
— Entrez !
Viktor apparut dans l’entrebâillement de la porte.
— Bonsoir Jade, excuse-moi de te déranger. Je voulais juste savoir si ça allait. Je ne t’ai pas vu descendre pour manger…
— Oui je vais bien. Je suis juste fatiguée de ma journée et je n’ai pas très faim. C’est gentil de t’en inquiéter.
Il prit un air inquiet.
— Je t’assure Viktor, je vais bien.
Jade lui sourit. Le visage du bel homme se décrispa.
— Tant que je suis là, j’en profite également pour te prévenir que nous ne serons pas là ce week-end. Nous partons le vendredi soir et nous ne reviendrons que le dimanche.
Jade le nota sur son calendrier. Viktor lui souhaita une bonne nuit puis sortit.