Ô Madeleine vois-tu le Veil autour de toi? (PJ)

7 mins

Illustration – Study for Man with Pipe and Eye Bandage, after Vincent van Gogh, 2014 de Denis Forkas Kostromitin.


Ce personnage joueur (PJ) est librement inspiré de la saga éponyme “Les Chevaliers Dragons” qui est une bande-dessinnée d’héroic fantasy dont les auteurs changent à chaque ouvrage. Ce personnage a été créé pour une campagne de jeu de rôle amateur, dans cet univers dark-fantasy sombre et souvent glauque. Personnes sensibles s’abstenir.




Ô Madeleine, vois-tu le Veil autour de toi?


Sous le monceau de cadavres, la petite fille se demandait comment elle avait survécu. La peur, la soif, la puanteur. Ca grouillait. Des petits insectes grouillaient partout et elle se demandait si ils n’allaient pas la dévorer vivante si elle continuait de respirer.

Son coeur fébrile n’avait pas arrêté de s’emballer depuis le massacre des créatures étranges.

Sa mère aux longs doigts recommençait encore une fois à la chercher parmi les décombres, et sa chansonnette discordante empêchait l’enfant de venir s’approcher. Mue d’un instinct animal face au prédateur.

Tout d’abord, l’enfant sans nom avait commencé à voir des paillettes, petites tâches légères et ambrées sur les personnes fatiguées du village. Sur les doigts, sur la tête, sur les jambes, sur la langue, sur les yeux.

Quelque chose ancré profondément dans le sol, les bruits de tambours.

Quelque chose… Qui vivait.

Quelque chose… Qui voulait remonter à la surface pour les dévorer tous.

L’enfant sanglotait dans le noir, lorsque la nuit pouvait empêcher qu’on entende sa terreur.


Lorsque l’enfant demandait à sa mère si pauvre de surcroît que ce soit en termes d’éducation ou d’habits, si Maman voyait les couleurs bizarres des gens. Mais Maman la rassurait toujours.

<< – Ce ne sont que des histoires ma chérie. T’dois avoir une mouche dans les yeux! Des couleurs bizarres d’gens… Tu dis toujours n’importe quoi! Va mendier ou j’t’en colle une! >> 

L’enfant était née avec des yeux mordorés, sorte de jaune ocre faisant peur aux passants. Des années plus tard, Madeleine savait que ses yeux reflétaient d’une manière ou d’une autre la couleur du Veil. Et sans nul doute était-ce la raison du pourquoi elle évitait les miroirs.

Et à cette époque, le village ne connaissait pas le Veil. Tout du moins, officiellement. Car lente est la démesure du dragon, et parfois rapide les métamorphoses liées à son oeuvre.

Pourquoi ce jour là plutôt qu’un autre. Tant de questions qui au final, n’apportent qu’un seul mot face à la destruction d’organismes de la taille d’une fourmis à l’échelle d’un pays. Une bourgade, un village, une ville. Des gens dont personne ne se soucient si ils venaient à disparaître, chair délicieuse pour la malédiction de la bête aux écailles.

Amaigrie, affadie, le corps marqué par sa jeune vie. L’enfant n’était pas belle à voir. On se demanderait en la voyant comment elle aurait pû survivre.


Un gargouillis s’échappa de la gorge de la créature du veil voulant rattrapper l’enfant. Le corps tomba, branlant la terre et la teintant du sang pourri. Du sang rouge. Du sang noir. Du sang doré.

Petit à petit, le monceau de cadavre fut mis à brûler. Mais parmi eux, l’enfant bien vivante semblait pourtant revenante.

 Ses cheveux devenus blancs par les trois jours passés à entendre sa mère gratter pour venir la rejoindre. Pour venir la chercher. Dans le noir. Dans l’odeur. Précocement, la chevelure vieillit. Et l’esprit aussi.

C’est dans les tentes des réfugiés et autres blessés que les soigneurs constatèrent l’étrangeté de son comportement, craintif et méfiant au possible. On crut bon de l’appeler Madeleine, un nom doux et guttural à prononcer, permettant de la mettre en confiance. Une enfant sauvage.

Et Madeleine savait à côté de qui elle devait dormir la nuit, loin des marques monstrueuses avant qu’elles n’apparaissent.


Sa deuxième étape fut de survivre aux maigres moyens des dispensaires. Le chemin fut rude, mais Madeleine avait reprit des couleurs. Du poids. Mais avec ses cheveux blancs, on la voyait de loin.

Tout comme les autres du convois, elle fut mise en observation. Comme les autres survivants du Veil. Car la marque du dragon n’était pas efficiente dans l’instant.
Elle se propageait. A jamais.

Tout d’abord, ce fut un rapport d’une Ombre chargée d’interroger chacun des “réfugiés” ou “prisonniers” si l’on peut mieux dire. Après plusieurs heures à interroger seule Madeleine, sans que l’enfant ne prononce un mot, la dénommée Maryse L’Acide chargée des interrogatoires expliqua le fonctionnement du Veil pour y approuver ses arguments.

<< – Le Dragon, lorsqu’il apparaît, transforme la nature et les hommes. Les seules épargnées ne sont autres que les vierges, mystérieusement intouchables. Et l’effet dévastateur du Veil, pouvoir dangereux de ces êtres malfaisants, peut détruire des nations entières.

Il métamorphose les corps, et plus sournoisement les esprits. Transformant en fous ou en bêtes tout ce qu’il touche. Pour qu’ils dévorent et violent!

Si tu n’es plus vierge, tu dois nous le dire et ta souffrance sera légère et brève.

Si tu sais qui a été touché par le Veil, tu dois nous le dire.

Si tu as vu le dragon, tu dois nous le dire.

Tu le dois, car nous sommes l’Ordre des Chevaliers Dragons. Nous n’obéissons pas aux Rois. Nous n’obéissons pas aux Dieux. Personne à part nous ne peut te sauver.

Alors si tu n’es plus vierge, tu dois nous le dire. Si tu as vu quelque chose tu dois nous le dire! >>

Peut être depuis de longs mois, Madeleine osa ses premiers mots, comme si elle naissait une nouvelle fois. Une explication qu’elle pouvait enfin demander à des étrangers. Ou plutôt, étrangères.

<< – C’est ce que je vois? osa l’enfant d’une voix enrouée; épuisée.

– Que tu vois quoi? Ou est-ce que tu as vu quoi?! poussa Maryse L’Acide le vice un peu plus loin. >>

Trop de choses étaient en jeu, même après le passage du dragon. Nettoyer le moindre centimètre carré du passage de la corruption.

<< – Ce que j’ai vu sur les doigts de Quentin avant que vous… vous…
bégaya l’enfant presque fantôme.

– Quentin? Ah, le petit garçon. Il avait été touché par le Veil et ses doigts avaient été déformés. Nous étions obligés. C’était mieux pour lui.

– Et Ludivine, la maman avec le bébé qui l’a dévoré? Le bébé tout doré. Qui est sorti par sa bouche.

– Le bébé était vert non? Vert comme le Veil et les créatures s’y rapportant, rétorqua Maryse sur ses gardes alors que les idées faisaient leur chemin.

– Il était doré. Dans la nuit je le voyais. Je voyais le bébé la dévorer. Je voyais les doigts de Quentin s’allonger avec des longs fils d’or. Je voyais les yeux et la tête du vieux Gérard dorés eux aussi, avant que sa tête crève comme un oeuf. Chacun d’eux je les aient vus avant de mourir. Alors je me suis détournée d’eux, car je savais ce qui allait se passer. C’est ma faute. Tout est de ma faute. Tout. Si j’aurais dit… >>

Maryse se gratta le nez, en signe d’appréciation de ce que lui disait Madeleine. C’était une petite fille assez intelligente pour comprendre sa position. Mais fut assez surprise quand l’enfant commença à hurler dans la salle d’interrogatoire. Hurler à la mort en se débattant sur le sol.

A ce que moment là, Maryse hésita à achever la pauvre petite créature sur le sol qui se débattait contre la vie elle-même. Etait-ce de la bonté de la laisser vivre avec ce fardeau sur les épaules? Comme l’amie de Maryse qui autrefois Guide, s’était tuée de la même manière.

Gothel. Chère Gothel qui avait préférée se crever les yeux et se défenestrer en contemplant le dragon en face. Que Maryse avait récupérée en arrière garde et l’avait achevée elle-même à l’abri des regards. Au revoir sa tendre Gothel, héroïne d’un conte ou il n’y avait qu’elles. Mais l’histoire heureusement ne se répétait pas.

Maryse rengaina sa dague et une nouvelle Guide était née pour les Chevaliers Dragons.
Madeleine, la Guide. 


Une apprentie certes irréprochable, obéissant toujours aux ordres. Pas d’écarts. Suivant à la lettre les consignes.

Mais une apprentie sans originalité, quelque part. D’un caractère fade, ne souriant jamais, Madeleine n’arrivait pas à vraiment s’intégrer parmi ses pairs.

Avec les années, elle s’ouvrit peu à peu comme une fleur. Sans pour autant qu’on sache vraiment qui elle était.

La Mystérieuse Madeleine. Et la seule personne auquelle elle se confiait, Maryse L’Acide.

Le corps et l’esprit ne grandissent pas tout à fait en même temps. Les enfants survivants aux catastrophes du Veil n’avait que de rares options.

Retourner à une vie tranquille et pacifique, à ne garder que les cauchemars au fond de la nuit.

Mourir sans trop de souffrances.

Ou s’engager pleinement dans l’Ordre des Chevaliers Dragons.

Ëtre Guide est une lourde responsabilité. Sans cesse l’on rabâchait à Madeleine qu’elle serait indispensable sur les territoires du Dragon. On lui dit plus d’une fois que ses pouvoirs seraient indispensables.

L’orgueil gonfla l’affect de Madeleine, qui revigorée se donna plus à l’entraînement. En effet, sa vie ne tournait désormais qu’autour de ça. Le Dragon.

Plus qu’avec ses pairs les guerrières, elle préféra traîner avec les amis de Maryse qu’elle trouvait beaucoup plus intéressants. Et beaucoup plus à sa hauteur.

Rassurée, Madeleine savait que si il se passait quoi que ce soit, elle pourrait devenir une Ombre.

Mais on ne pouvait être Ombre et Guide. C’était soit l’un, soit l’autre. Et les Guides, extrêmement rares, se voyait voir un choix quelque peu forcé.

Maryse laissa Madeleine la suivre un peu partout, entre deux missions. Entre deux interrogatoires. Entre deux choses, que Madeleine ne devait pas savoir. Mais l’apprentie n’était pas dupe.

Elle ne disait pas grand chose et réfléchissait beaucoup. Trop, sans nul doute. Et à l’aube de sa première véritable mission, Madeleine savait qu’elle allait devoir couper le cordon d’une manière ou d’une autre.

Mais se serait oublié que ces années à se savoir Guide, Madeleine se pensait au-dessus de tout cela. Prête à affronter n’importe quoi. Et ce sang-froid légendaire avait fait sa réputation. Elle n’avait que de rares objectifs.

Celui de la vengeance contre le Dragon. 

Celui de la guerre contre le Dragon.

Celui du nettoyage des engeances du Dragon.

Celui de dépasser les affres politiques de ceux qui l’en empêcherait. Car l’ordre ne faisait jamais de politique. Le Dragon ne faisait pas de politique…

Les entraînements de Maryse pour supporter la pression, la violence et bien d’autres choses portaient leurs fruits. Madeline à l’aube de ses 18 ans, se sentait enfin prête à prouver sa valeur. Sur le terrain.

Elle avait plus peur des autres filles, des hommes, et des choses nouvelles que les créatures du Veil. Peur d’elle même quelque part. Souvent, elle n’osait pas dire ou faire. Paralysée. Mais au combat, ses doigts n’étaient jamais gourds. Elle était le fer et le bois des lames.

Ce n’était pas faute que Maryse essayait de lui apprendre le charme ou d’être plus souriante. Mais Madeleine restait d’un charme assez exotique avec ses cheveux blancs et ses purs yeux d’ambre. Fine et bécassine, ses doigts striés de blessures. Comme si prête à s’envoler au moindre coup de vent.

Ces années lui avaient paru filer à toutes allures. Et c’est sans se retourner qu’une nouvelle épreuve allait se profiler. L’épreuve auquelle bien des apprenties périssaient.

Sa première mission.

Et surtout que Maryse lui avait proposé une “soirée spéciale” au retour de celle-ci. Une soirée ou elle lui apprendrait certaines techniques que seules les ombres savaient.

En y repensant du ton qu’avait pris Maryse, Madeleine ne pouvait s’empêcher de rougir. C’était quelque chose de très interdit non?

<< – Tu peux faire tout ce dont tu as envie, si tu ne te fais pas “prendre” Madeleine… ! résonnait encore dans sa tête le rire de l’Ombre acide. >>

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