Une nuit avec Lune.
Août 2015
Il fait nuit sur Ajaccio, une nuit chaude déjà bien entamée, le vent du sud transforme mes narines en naseaux, animal, je marche en longeant le front de mer sur le boulevard Pascal Rossini, désert à cette heure.
La mer scintille sous l’éclat de la Lune presque pleine, un paquebot illuminé en grand pavois s’éloigne doucement vers le sud. Une petite lumière vacillante au loin trahit un pêcheur à l’œuvre.
L’odeur de ma mer m’entraîne dans une rêverie marine, la voix des sirènes m’appelle, je vais retourner à l’eau dans cette nuit de lune, pour sentir encore sur moi cette eau suave qui me recouvre avec sensualité.
Je descends allègrement les escaliers, me voilà sur les cailloux, j’ôte sans à-coups ma chemise que je laisse glisser sur le sol, puis mon pantalon et mon slip, et je descends à l’eau lentement comme à mon habitude, je lui laisse le temps de me reconnaître comme je me fais flairer par un chien avant de le caresser.
Dès que l’eau atteint ma taille, je coule en dessous, avec juste une impulsion, un élan, elle me possède sans hésitation et sans peur, nos molécules sont semblables, je suis eau et je retournerai à l’eau.
Membres et corps se fondent avec l’onde sombre et seul le bruit de ma brasse calme me confirme leur réalité.
Je m’éloigne gentiment vers le large, faisant diminuer l’aura lumineuse et les sons de la ville, la rendant virtuelle.
C’est le grand noir ou plutôt le grand bleu cobalt, la légère houle me recouvre régulièrement et amicalement la nuque et la tête, je suis nu, offert à la vie. J’ouvre la bouche je laisse entrer le liquide salé, je le tète, je ris de plaisir et le ressac me répond.
J’ai remis mes vêtements sur mon corps mouillé, pour garder encore son odeur, sa touche sur ma peau.
Il fait nuit sur Ajaccio, une nuit chaude et pourtant je frissonne, un scooter passe ronflant, la lumière urbaine orangée me teint la peau en marbre, la serrure de ma porte cochère me cède non sans agressivité, l’odeur ménagère du palier transforme mes naseaux en narines, soudain épuisé je me fais violence pour avaler les dernières marches et rentrer chez moi.