Chapitre 8 : La femme soumise

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La fin de l’année 2013 arriva et Ralph me donna ses conclusions sur la personnalité de Daphné. Il m’énonça point par point ce qu’il avait pu apprendre de Sofia. D’après les dires de Daphné, Sofia avait subi des attouchements quand elle était enfant, et n’avait pas le droit à la parole au milieu de sa famille. Daphné n’en dit pas plus. Elle s’amusait à parler des autres “amies” de Sofia.
– Une vraie commère, cette bonne femme ! Me disait-il en riant.
– En gros, elle a parlé des autres sans gêne. Elle a dit qu’Ariane est une bombe à retardement, que Nanna est une femme docile mais avait plus d’un tour dans son sac. Quand j’ai débuté sur l’aspect de sa vie, elle ne s’énervait pas. Daphné a juste reporté toutes les discussions sur Ariane, et Nanna. Tu les connais ?
– Ariane, je l’ai rencontré. Mais pour ce qui est de Nanna, je ne sais d’elle que ce qu’a pu écrire Sofia.
On dirait que Ralph avait prit du bon temps avec Sofia, sous ses apparences de gentleman, il savait être un vrai goujat. Je voyais dans son attitude qu’il était désolé de ne pas pouvoir plus m’aider. Désormais j’étais prête à aborder les personnalités de Sofia. J’avais le sentiment qu’à chaque nouvelle année, les unes après les autres se dévoilaient. C’était déroutant de ne pas encore avoir croiser Nanna. Sofia m’attendait dans le couloir comme si elle découvrait les lieux pour la première fois. Je sortis de mon bureau et je la conviai donc à entrer. La tête baissée, elle avait l’air apeurée ou timide. Elle s’assit et me demanda, d’une voix douce :
– Vous êtes le docteur Müller, c’est bien ça ?
– Oui…
– Je ne sais rien du tout. Sofia est aussi perdue que moi vous savez.
– C’est pas grave… si vous me parliez de vous ?
– Je ne suis qu’une simple femme. Je suis mère de trois enfants !
– Ah bon ? Et ils sont où ?
– À la maison.. la plus grande a onze ans, elle peut garder les plus petits.
J’avais face à moi une personnalité très calme. Une femme qui s’opposait à celles que j’avais rencontré jusque là. Un caractère à peine visible. Elle n’ouvrait sa bouche que si je l’interrogeais. Si non, elle avait le regard fuyant.
– Vous devez être Nanna ?
– Oui. Me dit-elle d’un rire effacé derrière sa main.
– C’est un prénom très rare…
– Oh non, c’est juste un surnom que Sofia m’a donné.
Je m’entretenais avec la seule entité qui me parlait sincèrement. Je devais profiter de cette année 2014, avec elle, pour en tirer avantage. Elle me précisa qu’elle s’entendait bien qu’avec Sofia. Pour elle, Ariane et Daphné n’étaient pas encore matures pour soutenir Sofia. Elle me raconta la fugue de Sofia à l’âge de seize ans. Nanna me divulgua un secret dont Sofia n’était pas au courant.
– Elle est partie parce que Daphné en avait décidée. Je crois qu’elle avait une affaire à régler.
– En France ?
– Je n’en ai aucune idée. Tout ce que je sais c’est que Sofia disparaît quand Daphné ou Ariane sont là…
– Comment ça ?
– C’est facile à comprendre. Là, Sofia dort. Daphné, Ariane et Alvilda sont à leurs occupations. C’est pour ça que je suis là.
Je n’étais pas sûre, mais Nanna était convaincu que Sofia était juste endormie dans son lit. Notre première session s’acheva sur ce renseignement, pour le moins déconcertant.
Les mois passèrent sans problème. C’était une période plus sereine émotionnellement, enfin c’était ce que je pensais…
Nanna était plutôt discrète au sein de la clinique. Le personnel me racontait qu’elle se promenait dans les corridors. Elle prenait très peu l’air et n’était pas très bavarde. Lorsque je la revoyais à mon cabinet, elle remit cette robe noire.
– Cet habit vous a manqué ?
,- Oh non ! Juste que je ne suis pas alaise avec les vêtements que je portais.
– Je comprends que la combinaison pour les patients ne soit pas très attrayante.
– Hi hi… oui c’est vrai mais je me sens mieux avec cette robe.
En respirant la robe, elle ajouta :
– Par contre, il faudrait la laver.
Cette tenue n’avait plus été porté depuis sa venue à l’institution. Même Ariane n’en voulait plus. Je ne me posais pas plus de questions par rapport à ça. Mais j’apprenais l’histoire de Nanna qui me récita les écrits de Sofia. Elle termina par me dire :
 – Il y a un autre…C’est lui qui protège Sofia.
– Vous voulez dire quoi par là ?
Elle se tut un moment et murmura :
– Chut ! Il va nous entendre…
Il était difficile de croire qu’il y avait une cinquième personnalité. Il était de type masculin d’après ce que Nanna me disait. Je pris un instant avant de lui demander :
– Nanna, on dirait que vous avez peur…
Elle stoppa net notre conversation et se leva. Elle s’en alla vers sa chambre. Je ne l’empêchai pas. Ralph entra à cet instant :
– Wow ! Elle est pas très causante.
– Non, mais elle vient de m’annoncer un truc qui pourrait tout changer…
– De quoi tu parles ?
Comme Nanna je ne répondis pas et rangeai machinalement mon bureau. Dans mes pensées, je ruminais de nouveau sur le dossier de Sofia.
Durant le reste des mois, j’étudiais plus en détails les documents que j’avais à ma disposition sur Sofia. Je relus le rapport du médecin légiste que je n’avais pas fini :
” L’homme âgé de 34 ans (…). Il a fait une hémorragie interne. Sa bouche a été recousu avec du fil.”
Je n’en croyais pas mes yeux. Sofia ou son esprit dominateur avait prit le temps de coudre les lèvres. Je pensais avoir tout vu dans ma vie mais cette anecdote changea ma perception sur le cas de Sofia. Je devais vérifier son journal pour savoir si elle avait transcrit ces faits. Sauf que je n’avais pas pu remettre la main dessus, et Nanna s’était muré dans un silence. Elle ne voulait pas me donner les réponses à mes questions et cela jusqu’à la venue d’Alvilda.
2014 se finit sur plus de suspense. Sofia ne s’était peut-être jamais montrée, et je bloquais sur cette personnalité inconnu. Je me retrouvais dans des déductions possibles ou juste flous. J’imaginais que Sofia avait probablement commis d’autres meurtres. Je gardai cette information pour moi, Ralph et John me prenaient déjà pour une hypersensible, je n’allais pas leur donner l’occasion de se moquer de moi. Ralph était peut-être mon seul confident mais il avait cette manie de me prendre pour une idiote. Il était plus habitué que moi avec ce genre de patient mais je ne voulais pas avancer des suppositions sans avoir de preuve. En tant qu’inspecteur de police, John pouvait m’aider mais avec sa nouvelle femme, j’étais sûr qu’il allait m’envoyer pêtre sur les roses. D’ailleurs, sans le carnet il m’était impossible de me prononcer. 

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