Un jour d’été en liberté

15 mins

   C’est aujourd’hui le jour le plus chaud de l’année. La température n’est pas loin d’atteindre les 46 °C. Pas la moindre brise d’air n’est susceptible de rafraîchir la cellule d’Arthur. Il se demande si un jour, ils vont se décider à installer une putain de climatisation. Si ça continue ainsi le reste du mois, il va finir par crever d’asphyxie. Il passe la matinée couché dans son pieu, baignant dans sa propre transpiration. Il contemple son plafond en essayant de vider son esprit pour que l’attente du déjeuner soit moins pénible. Après être servi, il se nourrit laborieusement de cette bouffe sans saveur. Maintenant, il ne lui reste plus qu’à attendre 13h30 pour pouvoir se dégourdir les jambes dans la cour. Attendre, encore attendre… Dans quelques jours cela fera 2 ans qu’Arthur attend.
 
La lourde chaleur décourage les habituels sportifs à soulever de la masse, ou à enchaîner les paniers. Pour s’occuper la plupart on préférait jouer aux cartes. Qu’importe le temps, Arthur observe les autres détenus assis dans son coin habituel, de l’autre bout de l’enclot. Il aperçoit au loin “Le Bègue” se diriger vers lui, la tête enfoncée dans ses larges épaules. Il lui propose une partie de dés mais comme à l’accoutumé Arthur refuse. Faisant passer son jeu d’une main à l’autre, “Le Bègue” raconte ses derniers exploits avec difficultés, prenant un temps d’arrêt après chaque mot prononcé. Arthur n’a rien d’autre de mieux à faire que de se concentrer pour le déchiffrer. Heureusement que “Le bègue” illustre ses histoires avec de grands gestes de ses mains car sinon Arthur ne piperait pas un mot. Un Skinhead bien bâtie fraîchement arrivé, l’avait accosté à l’ouverture de sa cellule. Croyant avoir affaire à un acolyte devant son crane rasé à blanc, le facho était bien loin de se douter que Le “Bègue” ne supportait aucune attitude discriminatoire qu’elle quel soit. Sans un mot, il lui explosa le nez en mille morceau d’un coup de boule puissant. Il passa les quatre derniers jours au trou.
  Il n’est pas quelqu’un de très bavard, si ce n’est avec les gens avec qui il se sent à l’aise. Depuis sa tendre enfance, le fait de ne pas réussir à s’exprimer correctement lui avait valu de subir un tas de moqueries. Son handicap l’avait plongé dans une terrible solitude. Un fardeau si dur à porter que la haine engendrait devint trop dure à contenir. L’inévitable s’était produit au plus mauvais des moments, lors d’un contrôle de police. Qu’un homme censé représenter la loi et le respect se foute ouvertement de sa gueule devant ses collègues hilares, fut la persécution de trop. “Le Bègue” brisa une bouteille en verre sur la tronche du flic lui offrant comme cadeau une imposante balafre à vie. Depuis quelques années déjà, il aurait du être libéré, mais ses excès d’animosités, ses bagarres à répétitions, font que sa peine n’a pas cessée d’être rallongée encore et encore.. Depuis qu’il avait goûté à la violence et pris pleine conscience de son existence, elle est devenue sa seule manière d’expression. Malgré tout “Le Bègue” est doux comme un agneau en compagnie d’Arthur et de Neal. Ils sont les seuls à pouvoir l’appeler ainsi sans se prendre un poing dans la tronche. “Le Bègue” est apaisé en leurs compagnies car ils sont les seuls à avoir pris le temps de l’écouter sans le juger.   
   D’une démarche décontractée, Neal, vêtu de son habituel débardeur blanc taché de transpiration, les rejoint peu de temps après. Avec son uniforme orangé replié sur les hanches, il dégage un charisme naturel. De ses yeux plissés rayonnent une lueur éclatante, dotée d’une soif de vivre rarement vu émané chez un homme. Neal fait parti de ceux qui n’ont pas peur de la mort. Il ne craint qu’une unique chose. Celle de ne pas avoir assez vécu. Il sort une clope de son paquet qu’il vient d’acheter au “Fragile”, un prisonnier portoricain qui atteint sans difficulté les 140 kg et qui doit son surnom du fait qu’il passe plus de temps à l’infirmerie que dans sa propre cellule. Neal allume sa cigarette puis s’installe à côté de ses compatriotes avant de plaisanter et raconter un tas de loufoqueries dont lui seul a le secret. Durant toute sa vie, il a enchaîné les vas et vient en prison pour un grand nombre de conneries dont certaines il avoue lui même avoir oublié. Malgré qu’il se sent comme un poisson dans l’eau dans n’importe quelle situation où il se trouve, les vagues de chaleurs lui sont durement supportables, lui provoquant de sacrés mots de têtes. Pour la première fois de son existence, il se sent comme un oiseau pris en cage.
  Les trois compagnons avaient pris pour habitude d’être les derniers à retourner derrière les barreaux. Ils voulaient profités de la moindre seconde à l’air libre. Ne supportant plus l’atmosphère irrespirable de sa cellule, Neal demande poliment 15 minutes supplémentaires de balade. Le gardien le rembarre avec autorité en déclarant que ce n’est pas son problème . “Cette canicule va finir par nous tuer, vous cherchez une rébellion ou quoi !” proteste Neal dans sa barbe, en retirant avec son poignet les gouttes de sueurs dégoulinants de son front. Le maton frappe son gourdin contre le grillage pour mettre fin à ces constations. Le trio traînent des pieds pour rattraper le reste du troupeau.
   Dans le large couloir menant jusque dans le hall, “Fragile” peine à avancer. Pris de tournis, il s’écrase de tout son poids sur son arcade. Le sang dégouline sur le carrelage taché de crasse. Les deux derniers surveillants pénitenciers, deux nouveaux touts droits sorties de formation sont pris d’affolements. Ils n’avait encore jamais eu affaire à ce genre de situation. Malgré un enchaînement de claques “Fragile” n’a pas l’air d’avoir l’intention de se réveiller. Supposant un coup de chaud, l’un des matons prend l’initiative d’aller chercher une bouteille d’eau et du renfort, pendant que l’autre vérifie le poux du balourd. Pendant ce temps, il semble avoir complètement oublié la présence de nos trois compères, qui assistent au spectacle sans un mot. Saisit d’une inspiration qui relève du divin, Neal se télescope en un quart de seconde et se jette à corps perdu dans un des conteneurs présents contre la façade. Devant cette situation rocambolesque, Arhur et “Le Bègue” partagent un regard d’incompréhension. Mais la présence de ces trois caisses en plastiques alignées l’une à côte de l’autre ne peut être qu’un signe. Poussé par ses pulsions malgré le manque de bon sens, Arthur se glisse à son tour dans l’une d’entre elle. Il comprend par le bruit du couvercle se refermant que “Le bègue” a suivit le mouvement. Malgré la rapidité de l’action, Neal a eu la justesse d’esprit de choisir la seule poubelle jaune présente.
Suffoquant entre les ordures répugnantes, le coeur d’Arthur se met en branle en même temps que le conteneur. Qu’était il entrain de foutre ?! Quelle idée saugrenue à bien pu lui passer par le crâne ?! S’il continuait à bien se conduire il ne lui restait plus qu’un an avant de purger sa peine. Cette stupide tentative d’évasion va lui valoir une bonne dizaine d’année de plus. Ses espoirs d’un jour retrouver June s’évaporent, tout comme ceux de découvrir un jour le visage de son nouveau né. Pourquoi fallait il toujours qu’il cède à ses pulsions irrationnelles qui le plonge chaque fois dans une merde de plus en plus épaisse. Pourquoi fallait il qu’il braque cette putain de station service ? Pour fuir la misère. La misère, il y est à présent plongé jusqu’au coup. 
    Il n’a aucune idée depuis combien de temps il est recroquevillé sur lui même, mais les crampes au mollets deviennent atroces. Tétanisé, il n’a pas le courage de bouger. Il a trop perdre. Tout à coup, le visage de Neal apparaît au dessus du couvercle, dissimulant derrière lui les puissants rayons du soleil. Par miracle, ils ont mis pied de l’autre côté des barreaux, et ils n’ont pas l’intention de faire demi-tour. Ils s’engouffrent dans la forêt avoisinante en se marrants à gorges déployées autant de nervosités que d’euphories. Ils savent qu’ils n’ont pas beaucoup de temps devant eux, avant que les geôliers se rendent compte de leurs disparitions. Têtes baissées, ils suivent le clapotis du ruissellement de l’eau. Ils traversent les buissons, brisant les branches les gênants sur leurs passages. Rien ne peut les empêcher d’avancer. Mais soudainement le bruit assourdissant de l’alarme atteigne leurs ouïes. L’adrénaline se saisit de leurs colonnes vertébrales. Par chance, ils tombent nez à nez sur une barque. Grâce à son passé de marin, Neal détache avec facilité le noeud en forme de cabestan puis prend les devants pour mener l’embarcation le long de la rivière.
   Il n’y a plus que comme sonorité, le son paisible du cours d’eau régulier. Mais ce moment de calme n’ amoindrie en aucun cas la tension. Dans le silence et la boule au ventre, ils descendent le long du fleuve, les menant tout droit dans une zone marécageuse. Le courant a cessé et une couche de végétation recouvre l’eau stagnante. Les insectes se collent sur leurs peaux humides, et les piqûres sont dures à supporters pour “Le Bègue” qui souffre d’allergie. Malgré l’absence d’agitation, ils sont aux aguets. A cause des chants bruyants des criquets, ils ne sont pas à l’abri qu’une voiture de police déboule derrière eux sans qu’ils s’en aperçoivent. 
    Neal avait tout prévu en cas d’évasion. Il mène la marche dans la forêt bourbeuse avant de s’arrêter contre un arbre marqué d’un “A” anarchique faite au couteau. Il se place dos au tronc puis avance de trois pas en direction de l’ouest. A tour de rôle, ils creusent à la main dans la terre détrempée. Neal ressort de la boue une poche plastique imperméable contenant pas loin de 2000€ en liquide. L’argent avait été dérobé à une bourgeoise pour qui Neal s’occupait des chevaux. Mal traité, l’araignée lui était monté à la tête, et une nuit il s’était infiltré dans sa chambre et s’était emparé des billets dissimulés sous son matelas avant de s’enfuir à l’aube.
  Les pieds imprégnés d’eau, ils sont épuisés par la longue marche qu’ils viennent de parcourir. Avant d’arrivé au village de Saint-Emilie, Neal glisse quelques mots à l’oreille d’Arthur. “Il y a une catégorie de gens qui sont condamné à tout détruire et à mourir jeune. “Le Bégue” en fait partie”. Arthur en est conscient. Il faut être prudent. Leur acolyte est réellement imprévisible. S’il piquait une crise de colère, tout était foutu pour eux.
  Surplombant cette magnifique cité médiévale, Arthur dont le coeur était devenu aussi dur que de la pierre pendant son séjour en prison, se surprend à ressentir une émotion étrange. Malgré les difficultés rencontrées au cours de sa vie, Arthur prend conscience que certains courts instant de son existence ont été touché par des moments insoupçonnés de pure sérénités. A quelques kilomètres d’ici, il avait été contraint de rejoindre une maison de redressement pour ses 14 ans. Dans son malheur avait surgit son bonheur. C’était dans ces lieux, qu’il fît la connaissance de June, sa bien-aimée, celle qui deviendra sa femme. Orpheline, elle n’arrêtait pas de s’échapper de sa maison d’accueil. Pour se nourrir elle volait dans les épiceries. Elle dormait sous les ponts. Elle n’avait pas froid aux yeux et ne tolérait aucune autorité. Aucun moyen de pression ne pouvait marcher sur elle car elle n’avait d’attache pour rien ni personne. Le juge n’avait trouvé d’autres solutions que de l’interner. Arthur l’avait remarqué pour la première fois, assise à une table au self-service. Elle était entrain de dissimuler du pain sous la table. Elle avait les cheveux courts et la dégaine d’un garçon manqué. Au premier aspect, elle était vulgaire et mâcher ses chewing-gum comme un charretier. Mais quand on prenait le temps de creuser son fond intérieur, on s’apercevait que cette posture dissimulée un être sensible doté d’une douceur inouï. Une pique transperça le coeur d’Arthur, le jour où elle s’adressa à lui pour la première fois de sa voix mélodieuse. Il n’avait jamais ressenti un sentiment équivalant. Il l’a désirait et avait enfin mis le doigt sur le but de son existence. Elle.
  Sa tenue de bagnard n’est pas des plus discrète. Prudemment, Arthur s’introduit dans une cabine téléphonique en espérant ne pas attiré l’oeil. Après trois essais, il tombe une nouvelle fois sur la messagerie. De sa voix tremblotante d’émotion, il laisse un message rapide à June en insistant bien sur le lieu où il se trouvera ce soir. La plage proche d’une paillote où ils ont échangé leur dernier baisé. Ce n’est pas le plus malin à faire mais le désir de la revoir est beaucoup plus fort que la raison. Il enflamme l’intérieur de son corps. Il ne pourra plus tenir longtemps sans la chaleur rassurante et apaisante de June à ses côtés.
Pendant ce temps “Le bègue” retire ses chaussures et se couche dans un près. Les bras croisés derrière la nuque, il avait oublié à quel point l’herbe pouvait être verte. A quel point elle pouvait être douce. La haine qui le suit constamment s’évapore pendant ces quelques secondes. L’insouciance attrape son âme qui se met à flotter dans les airs avec les nuages. Jusqu’à présent, il ignorait à quoi pouvait ressembler la légèreté de la liberté. 
 Neal dérobe une pomme sur un arbre et prend le temps de la déguster. Le goût juteux du fruit le revigore. Vivre dangereuse est la seule chose qui lui permet de conserver sa liberté. Voler hors de sa cage sans connaître à quoi va ressembler demain, l’excite au plus profond de lui même. Il trépigne d’impatience de connaître la suite.
   Arthur prend les reines. Ils descendent un talus pentu, puis longent la rivière les menant sur une petite crique au bord de la rivière. Devant eux, un parking et à quelques mètres la Paillote « Bambou ». Ils demeurent cachés dans un tas de broussaille dans l’espoir que June à bien reçu le message et viendra à leur aide. Fougueux, Neal en a plus que marre de gober les mouches. Il rêve depuis tant de temps de se rafraîchir avec une bière bien fraîche… Qu’il y en ait des litres à pas 10 mètres est un vrai supplice. Mais à peine ils auront mis un pied dans le bistrot, qu’ils sont certains de se faire coincer. Neal prend 3 secondes de réflexion, puis retire ses vêtements, gardant uniquement son caleçon. “Là au moins, rien ne peut prouver que je suis un fugitif” lance t’il à Arthur en pleine panique. « Le Bègue » esclaffe de rire sans le moindre bégaiement puis enlève ses fringues à son tour. Longtemps il ne s’était pas sentit autant décontracté malgré la situation. Un sourire en coin se dessine sur le visage désabusé d’Arthur. Même s’il n’est pas d’accord, il fait de même que ses amis, avant de les rattraper dans son sous vêtement vert.
   Le rade est bien différent que dans les souvenirs d’Arthur. La structure est bancale et le tas de palette empilée l’une sur l’autre est noircie par le temps. Les lieux sont négligés est a perdus en fréquentations. Rejoignant le bar dans leurs tenues singulières, ils attirent l’oeil des trois seuls mecs présents accoudés au comptoir. Ils les matent avec dédains et moqueries. Le barman accueille les trois fuyards.
“Que vous est-t’il arrivé ?
-On était tranquillement entrain de se baignait sur une plage à quelques mètres d’ici, quand un groupe de minot nous ont dérobé nos fringues.. répond Neal avec naturel. 
 -Amusant ! Rétorque le barman.
Avec gentillesse, il rejoint l’arrière boutique pour leur dégotter de vieux habits. L’arrogance qui émanent des 3 ivrognes est à peine supportable. Devant ces provocations, Le visage du “bègue” commence à rougir. Par miracle tout s’est bien déroulé jusqu’à présent. Ce n’est pas le moment de tout gâcher. Arthur tente de l’apaiser avant que la bombe humaine n’explose. Sans complexe, Neal prend les devants. Le sourire aux lèvres, ils s’avancent vers eux avec nonchalance, avant de leur demander une cigarette. Les 3 hommes toujours hilares continuent les blagues de mauvais goût.
“Tiens, une clope pour te tenir chaud. Mais t’en auras pas pour tes amis de la jaquette”
Neal attrape un briquet sur le comptoir et allume sa cigarette avec désinvolture. Il plonge son regard vif dans ceux des 3 en même temps. 
“Des gens comme vous on besoin de gens comme moi pour exister. Cependant les gens comme moi n’en ont nullement besoin”
Sur ces mots, Neal leur tourne le dos. Les trois hommes ne savent comment réagir, partageant un regard perplexe et démuni. Ils ne dirent plus un mot.
  Le barman revient avec de vieux habits aux couleurs dépareillées. Neal et Arthur ne peuvent s’empêcher de se marrer devant la dégaine ridicule du Bègue qui fait tout l’effort possible pour bien articuler ses insultes. Ils ne perdent pas plus de temps et commandent une carafe de bière. Longtemps leurs lèvres n’avaient pas touchées ce nectar. L’alcool fait rapidement effet. Dès les premières gorgées, ils se sentent pleinement détendus. Ils savourent le moment et oublient au passage qu’ils se trouvent en pleine cavale. Revigorés et insouciants, ils  parlent fort et se marrent grassement. C’est la première fois qu’ils se retrouvent ensembles, ailleurs que derrières les murs de la prison. La forte amitié qu’ils éprouvaient déjà l’un pour les autres ne peut être que renforcée.
  Au fils des bières, le Bègue devient de plus en plus incompréhensible et Arthur se laisse conduire par ses vagues pensées. Sur le Jukebox, Neal lance la musique de Moustaki- Ma liberté. La clope au bec, la pinte dans sa main droite, il gesticule au milieu du bistrot oubliant tout autour de lui, en espérant que son chemin le mène tout droit aux fortunes que réserve la vie. Les divagations d’Arthur sont stoppées par l’arrivée d’une voiture sur le parking. De ses pupilles dilatées il y aperçoit June affolée. Avec deux bières en mains, il s’empresse de la rejoindre. Il les pose sur le sol avant de se jeter dans ses bras. Arthur aurait aimé que l’étreinte dure plus longtemps, mais elle le repousse rapidement. Un sentiment tenace de rancoeur enfouie depuis tant de temps au fond de son coeur à pris le dessus sur le plaisir de le retrouver. Malgré toutes ses bonnes intentions initiales, il a abandonné les siens en se laissant embringué dans ce braquage foireux. Elle lui en veut d’avoir été absent lors de la naissance de leur enfant. De l’avoir été pour elle. Elle qui croyait après leur rencontre, avoir dis adieu à la solitude et à l’abandon. Elle s’était retrouvé une nouvelle fois seule et délaissée de tous, avec en prime un tas de responsabilités sur les bras. Malgré toute son amertume, elle avait réussit à faire un gros travail sur elle même. Mais elle ne peut qu’exploser de se retrouver en face de lui, dans la situation d’un des hommes les plus recherchés de tout le pays. Et dire que le plus long de sa peine avait été achevée…
   Est-ce grâce à la bière bien fraîche ou bien grâce au manque de son amour trop dur à supporter? Mais peu importe pour Arthur. Il est rassuré de voir June s’apaisait au fil des minutes. Assis côte à côte au bord de l’eau, ils échangent longuement sur leurs vies respectives et sur l’impact de leur absence mutuelle. June profite d’un moment de silence pour montrer une photo de leur fille, entraînant le glissement d’une larme brûlante sur la joue de son mari. Devant le cliché du fruit de leur amour, ils s’embrassent avec passion avant de laissés glisser leurs vêtements le long de leurs corps sur les galets. Ils pénètrent ensuite dans l’eau cristalline. La froideur qu’avait laissé son absence s’évapore. Les chairs s’entremêlent dans un torrent d’amour bouillonnant. Son manque n’est plus qu’une blessure lointaine.
  Marchant en direction de la paillote, June fait part de son envie de fuir. Mais à quoi bon ? Pour allez où ? Sa fille venait juste de voir le jour qu’il l’a mettrait déjà en danger ? Il n’en est pas question pour Arthur. Même s’il n’en croit pas un mot, il lui assure qu’ils sont en sécurités en ces lieux. Il lui présente ses deux compagnons de cavales : Neal et Le Bègue tout deux bien éméchés, toujours appuyés contre le comptoir. Ils accueillent June avec enthousiasme. Ils l’enlacent comme s’ils l’a connaissaient depuis des lustres. Ils remplissent les verres puis trinquent ensemble, autour d’une planche de tapas. La complicité et la convivialité prennent le dessus sur les craintes de June. Elle finit par se laisser aller par ce moment suspendu dans le temps où toute inquiétude se trouve à présent bien loin derrière elle.
   Voilà plusieurs minutes que « Le Bègue » a rejoint les sanitaires. « Il ne serait pas entrain de dégueuler?! » Demande Neal avec amusement. Tout de même préoccupé, il décide de le rejoindre. En ouvrant la porte des toilettes pour homme, il se retrouve face à lui. Il est entrain de se laver les mains au lavabo. Détendu et concentrer à la tâche, il ne prend pas la peine de lever les yeux sur Neal. Ses phalanges sont rouges et des tâches de sang sont présentes sur son tee-shirt. Neal s’avance et découvre dans un des chiottes, l’un des trois poivrot du bar, totalement inconscient, la tête dans sa pisse.
“Mais qu’est ce qu’il t’as pris, bon sang ?! ” Hurle Neal sur Le Bègue.
Malgré quelle ne soit sans la moindre once de violence, sa réponse est d’un calme inquiétant.
“Ne me cris pas dessus.”
Lorsque ils retournent dans la salle, il ne faut pas plus à Arthur que le regard livide de Neal pour comprendre la situation. Sans parlementer, ils règlent la note avant de se précipiter de quitter les lieux. Alors qu’ils étaient à deux doigts d’atteindre la voiture de June, les deux autres ivrognes accompagnés du barman sortent de la paillote. L’un deux prend le temps de prendre en photo la plaque d’immatriculation, pendant que le gérant alerte les flics. « Le Bègue » relève les manches prêt à leur mettre une volée, mais Neal le tire par le col pour l’en empêcher. Dans ce moment de panique, ils ne trouvent rien de mieux à faire que de prendre la fuite.
   Après quelques kilomètres de course, ils s’arrêtent sur une plage sauvage bien loin de toute civilisation avant de se laisser tombés dans le sable. Epuisés et frigorifiés, Neal et Arthur prennent l’initiative de préparer un feu de camp, dans la forêt à proximité de la rivière. Une fois que les flammes grandissent dans la nuit noire, ils retournent sur les petit grains recouvrant le sol. Les mains derrières la tête Le Bègue s’est déjà endormi. Dans le silence, ils observent le ruissellement du cours d’eau. June pose sa tête sur l’épaule d’Arthur. Elle se demande ce que réserve leurs avenirs. Personne n’a de réponse. Ni même Arthur, même s’il mentirait s’il n’en avait pas une petite idée.
  A son réveil, ses yeux sont collés entre eux. June se trouve juste à quelques pas, couchée près du feu éteint. Le bègue est toujours au même endroit, allongé sur le dos, ronflant bruyamment. Pas une trace de Neal. Seulement un petit mot qu’Arthur trouve dans sa poche : “Que le vent guide vos pas dans les meilleurs jours qu’ils soient.” C’est la dernière fois qu’il entendra parler de lui. C’était l’heure pour Neal de prendre les voiles, et de partir pour de nouveaux cieux. Arthur rangea soigneusement le bout de papier dans la poche arrière de son pantalon et le garda prêt de lui pour le reste de sa vie.
  Rampant dans le sable, il se blottit contre le dos de June profitant de la chaleur qu’émane son corps. Il est si bien qu’il en perd toutes notions. Par dessus son épaule, il contemple son visage et observe avec amusement et tendresse le filet de bave qui dégouline de sa bouche. Arthur l’aime plus que sa propre vie. Les sirènes de police réveillent June en sursaut. Le bègue bondit du sable et ne tarde pas à prendre ses jambes à son cou. Arthur pose délicatement sa main rassurante sur l’épaule de June pour la faire recoucher calmement. Son destin est tracé depuis bien longtemps et il se mort les doigts de n’avoir rien fait auparavant pour l’éviter.. Par la gauche, une équipe de policier se faufile entre les rochers, surprenant le Bègue. Pointant leurs armes sur lui, ils lui ordonnent de stopper sa course. Ne voyant aucune autre issue, il se jette dans la flotte. Les agents font feux. Malgré le bruit des balles fusants, Arthur et June restent allongés l’un sur l’autre ne se lâchant pas du regard. Les balles transpercent Le Bègue de toute part. Il réussit tout de même à rester debout et à poursuivre sa course. L’eau devient de plus en plus rouge autour de lui mais sa rage et sa haine intérieure le maintiennent en vie. Quelques heures plus tard, son corps sera retrouvé en bas de la rivière accroché à une branche. On raconte que ce ne sont pas les balles qui ont eu sa peau, mais le fait qu’il ne savait nager.
   Résilié, les larmes aux yeux, June n’a plus la force de l’attendre. Arthur souhaite qu’elle refasse sa vie. Elle est légitime d’avoir accès au bonheur. Il ne se soucie pas du fait qu’elle sera la meilleure mère du monde. Il n’a jamais réussit à avoir le sens des responsabilités et ne sera qu’un poids pour eux. Cela ne fait aucune doute qu’elles seront mieux sans lui. Tout les jours, il l’accompagnera dans ses souvenirs et dans son coeur. Les histoires à son sujet que racontera June à leur fille, seront les seules images qu’elle gardera de lui et c’est bien mieux comme ça. Il pose délicatement son front sur le sien. Ils ne font plus qu’un. Dans son fond intérieur, Arthur prend conscience d’avoir tout bousillé. Il croyait trouvé le bonheur en obtenant coûte que coûte de quoi répondre à leurs besoins et de posséder de quoi bien vivre. Mais le plus grand désir de June était de l’avoir à ses côtés et ça, il ne pouvait plus lui offrir. La richesse et la luxure n’étaient qu’une chimère. Une illusion. Depuis tout ce temps son bonheur se trouvait juste devant lui. Le manque d’amour de June et de sa fille sera à jamais sa plus grande pauvreté. 
C’était le dernier jour d’été d’Arthur en liberté.

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