Christophe avait tenu sa promesse : la conduire sans encombre jusqu’à destination. Ils étaient devant les restaurants. Marie était encore sous le choc de tout ce qu’elle avait pu envisager durant le trajet. Christophe s’en inquiéta et lui demanda si elle avait eu peur en moto. Toujours très fière elle lui confirma que non. Elle aurait peut-être dû dire « oui » car il risquait de se poser des questions sur son attitude. Marie ne mentait pas ce n’était pas tant la peur d’être en moto qui l’avait effrayée mais son inconscience. Pour changer de conversation Marie proposa de s’installer à la terrasse d’un des deux restaurants sur la plage. Christophe lui laissa le choix, et c’est ainsi qu’ils se retrouvèrent assis à la terrasse du « Croc en bouche ».
– un café ou un apéritif ?
– un apéritif, vous connaissez ce troquet ?
– C’est une de mes cantines préférées.
– C’est amusant moi aussi j’y viens régulièrement, surtout hors saison car durant les vacances, il est parfois impossible de trouver à se garer pour déjeuner. Peut-être nous sommes-nous déjà croisés sans le savoir ?
– Sans doute …
Un serveur se dirigea vers eux pour prendre leur commande et leur fit remarquer qu’à cette table ils étaient censés déjeuner. Ni l’un ni l’autre ne voulurent discuter et commandèrent leur apéritif et Marie précisa qu’elle déjeunerait.
– Je ne sais pas pour vous mais en ce qui me concerne, je conduis, de ce fait je prendrai juste un peu de vin en guise d’apéritif, qu’en pensez-vous ?
– Ce sera parfait, rouge ou blanc ?
– Blanc, je préfère autant surtout si je poursuis avec une salade de la mer, dit-elle avec un petit sourire.
– Ce sera du Chablis ou un Buzet ? Dit-il en s’adressant à la fois à Marie et au serveur.
Celui-ci précisa qu’il n’avait pas de Buzet.
– Ce sera donc un Chablis bien frais, avait annoncé instantanément Christophe Lacroix.
Alors que le serveur s’éloignait, Marie et Christophe éclatèrent de rire et se firent la remarque qu’il n’était pas très aimable avec sa clientèle. Durant les quelques minutes qui suivirent, ils s’aperçurent qu’ils auraient pu se croiser plus d’une fois car ils avaient de nombreuses habitudes en commun en plus de ce restaurant et d’un même coin de plage, ils travaillaient à cinquante mètres l’un de l’autre et avaient des activités professionnelles assez proches. Christophe possédait un journal plus particulièrement spécialisé dans l’immobilier, les placements, la bourse, … Marie visiblement sous son charme ne laissait pas totalement indifférent Christophe.
Le serveur apporta les deux verres de vin qu’il déposa sur la table avec la note. Christophe insista pour régler l’addition même si Marie s’y opposa. C’est pourquoi Marie lui proposa de se joindre à elle pour déjeuner s’il n’avait rien prévu d’autre. Sa décision ne se fit pas attendre.
– Puisque que madame sait ce qu’elle prendra pour déjeuner, vous nous mettrez deux assiettes de la mer merci, avait lancé Christophe Lacroix.
Durant le repas, ils ne cessèrent de parler et ni l’un ni l’autre ne virent le temps passer, et bientôt la terrasse se vida de ses occupants alors que les dernières tables étaient débarrassées. Le soleil était encore haut dans le ciel et chaud pour la saison. La plage devant le restaurant avait été envahie par des groupes de jeunes gens qui faisaient des parties de volley.
Un nouveau serveur s’approcha pour leur proposer un dessert. Tous deux déclinèrent le dessert mais optèrent pour un cappuccino, encore un point qu’ils avaient en commun … et les voilà à nouveau repartis dans un fou rire qu’ils n’arrivaient plus à maîtriser. Lorsque l’un se calmait, l’autre repartait de plus belle et inversement et ce n’était qu’à l’arrivée de leur café qu’ils tentèrent de retrouver leur sérieux sans grand succès. Le serveur repartit en se demandant si ce fou rire se faisait à ses dépens.
Après avoir dégusté leur café, ils se décidèrent enfin à quitter le restaurant. Il était presque seize heures et aucun d’eux n’avait vu le temps passé. Marie fit un signe pour qu’on lui amène la note. En arrivant, Christophe tenta à nouveau d’inviter Marie mais celle-ci refusa catégoriquement, insistant sur le fait que si elle pouvait lui payer le repas, c’était grâce à lui, pour la ruse du voleur qu’il avait su déjouer. Christophe se proposa donc de l’inviter une prochaine fois si elle acceptait ; sans attendre malgré tout qu’elle vienne cette fois se porter à son secours… Les voilà à nouveau repartis dans un énième fou rire en se dirigeant vers la moto. Marie enfila le survêtement et le casque puis enfourcha la moto qui se dirigea à toute vitesse vers La Grande-Motte. Le temps d’échanger leur portable, Christophe sauta son bolide et s’éloigna. Marie songeuse, resta un instant immobile à se demander si elle venait de rêver ou si tout ceci s’était réellement passé. Elle décida de passer voir son amie Maïlis pour lui parler de cette situation surréaliste mais somme toute très agréable.
En chemin, elle changea d’avis, elle avait envie de rentrer chez elle pour prendre un bain chaud et écouter de la musique et elle ne souhaitait pas déranger son amie. Il était rare que le week-end elles se voient, la plupart du temps Maïlis avait un emploi du temps au restaurant plutôt chargé et à cette heure-ci, elle avait dû fermer le restaurant pour rejoindre son mari et ses enfants avant d’y repartir en fin de journée.
En arrivant chez elle, dans son appartement vide, Marie fut envahie par une bouffée de nostalgie. Fini le temps où, tous les week-ends, la maison était toujours pleine des amis des uns et des autres. Son mari souhaitait même parfois un peu d’intimité. Ce temps-là lui manquait aujourd’hui.
Elle se déchaussa et se jeta sur son lit. Subitement un gros coup de fatigue la surprit et sans même qu’elle ait eu le temps de réagir, elle s’assoupit. C’est un coup de téléphone qui la fit sursauter. Sa fille Margaux voulait avoir des nouvelles de sa mère, elle s’inquiétait de ne pas avoir pu la joindre depuis ce matin. Marie lui expliqua qu’elle avait été à la plage et en quelques mots lui raconta ce qu’il lui était arrivé. Margaux était toute excitée et voulait absolument en savoir plus sur celui qui avait réussi à la débaucher !!!
– Alors, raconte-moi comment est celui qui t’a sauvée des griffes d’un méchant voleur.
– Plutôt pas mal, la quarantaine environ, il est directeur d’un journal.
– Vous allez vous revoir ? Quand ? Où ?
– Je ne sais pas, à l’occasion sans doute …
– Comment ça « à l’occasion », tu n’as pas son numéro de téléphone ? Et, lui as-tu donné le tien ?
– Mais c’est un véritable interrogatoire ma chérie. Comme je l’ai invité pour le remercier, il m’a dit que la prochaine fois, ce serait à son tour de m’inviter. Je n’en sais pas plus.
– Il est dans le coin ?
– Oui, ses bureaux sont à cinq minutes de mon agence.
– Cool ! Avait dit Margaux avec un petit air amusé.
Sur ces entrefaites, Margaux sembla rassurée et lui raconta également sa journée comme elle le faisait presque tous les soirs. Elle lui fit promettre de lui raconter la suite des événements avec ce fameux Christophe qu’elle surnommait déjà Zoro en souvenir de cette histoire étonnante …
La soirée passa d’autant plus vite, que Marie sans courage resta allongée sur le lit juste le temps qu’il fallut pour que le sommeil la surprenne à nouveau. Ce ne fut qu’au petit jour, qu’elle se déshabilla et se glissa entre les draps de son lit pour n’émerger que vers onze heures. A peine avait-elle fini sa douche que son portable sonna.
– Bonjour Marie, comment allez-vous ?
– Très bien merci mais à qui ai-je l’honneur de parler ? Avait demandé Marie qui ne reconnaissait pas cette voix.
– J’espérais que vous auriez encore en mémoire le son de la voix de votre sauveur. Zoro à l’appareil.
– Bonjour Zoro, combien de jeunes femmes en détresse avez-vous encore sauvées depuis notre dernière rencontre ?
– Des dizaines, je n’arrête pas, le monde est plein de méchants … Mais je ne vous appelais pas pour cette raison, je voulais savoir si vous aviez prévu quelque chose pour déjeuner ou si je pouvais vous inviter ?
– Je n’ai rien prévu.
– Alors préparez-vous, je passe vous chercher vers midi, cela vous convient-il ?
– Ok, où avez-vous prévu de m’emmener ? Afin que je mette une tenue appropriée au lieu.
– Je vous emmène en bord de mer, vous pouvez si vous le souhaitez prendre votre maillot, j’ai mis le mien dans mon sac, nous pourrions prendre un bain avant de déjeuner. J’ai réservé pour treize heures.
– Vous étiez aussi sûr que j’allais être libre ?
– Non, je suis d’un tempérament prudent et je ne voulais pas risquer de ne plus avoir de place au restaurant…
– Vous passez me prendre en moto ?
– Si vous n’avez pas gardé un trop mauvais souvenir de notre escapade de l’autre jour, je pense que ce sera plus pratique pour nous garer.
Marie avait juste eu le temps d’enfiler un jeans que la sonnette de l’interphone retentit.
– Vous montez deux minutes, je termine mon sac, c’est au second, porte gauche.
Marie entrouvrit la porte et termina de se préparer. Et entendant Christophe arriver, elle cria du fond de son appartement :
– Entrez et faites comme chez vous, je suis à vous dans une minute.
Marie apparut enfin, Christophe sourit.
– Vous avez prévu une tenue adaptée, je vois.
– Je suis prête, nous pouvons y aller.