Serviettes et torchons
Margaux me sortit de mes rêveries, elle m’appelait pour me joindre à tous ses amis. Nous avions passé l’après-midi ensemble, ils étaient un peu imbus de leur personne et parlaient toujours de leur voiture, leur montre ou tout ce qui prouvait qu’ils faisaient partie d’un bon milieu, malgré cela ils étaient par certains côtés plutôt sympas. Du moment où Margaux avait précisé que j’étais son amie, ils avaient fait semblant de m’accepter dans leur groupe, je n’étais pas dupe, je savais que malgré beaucoup d’efforts et un relooking complet, je ne pouvais espérer rivaliser avec eux, avais-je réellement envie de cela ?
C’était une des raisons qui ce jour-là me fit prendre conscience que je devais absolument devenir quelqu’un pour être reconnue et avoir droit à une place dans la société. Ce fut durant cette journée que je décidais de tenter de rentrer en faculté de médecine, j’allais en baver mais simplement pour prouver à tout le monde et par-dessus tout à moi-même que j’étais une personne bien, je devais y arriver. Les parents de Margaux auraient aimé qu’elle fasse médecine or, rien ne l’intéressait en dehors de la photo, elle était si brillante qu’elle n’aurait eu aucun mal à suivre en faculté de médecine. A notre retour de vacances, je m’étais promise de le dire à Margaux, j’étais certaine qu’elle serait contente, elle croyait tant en moi parfois infiniment plus que moi-même. Pour le moment, je devais faire bonne figure et faire semblant de m’amuser. En réalité, il me tardait de partir pour Barcelone pour me retrouver seule avec Margaux et ses parents.
Le soir, Margaux et ses amis avaient décidé d’aller au restaurant puis à une soirée organisée par la ville de Collioure. J’avais suivi néanmoins le cœur n’y était pas, pourtant dans la soirée, j’avais rencontré Xavier, un garçon du groupe qui comme moi avait été « adopté » par Charles-Henri, un ami de Margaux qui avait déménagé à Paris. Xavier ne venait pas d’une cité, toutefois ses parents étaient les gardiens de l’immeuble dans lequel ils vivaient. Ils s’étaient retrouvés au lycée dans la même classe, Xavier étant l’un des meilleurs élèves, et comme il était sympa, il lui avait proposé son aide en maths et physique.
Nous étions tous les deux un peu des étrangers parmi tous les autres, voilà pourquoi nous nous étions très vite sentis très proches l’un de l’autre. Il était réellement gentil et ce qui ne gâtait rien, il était plutôt beau garçon. Il m’avait expliqué qu’il avait essayé de sortir avec l’une des filles de la bande mais que gentiment elle lui avait fait comprendre que rien ne pourrait se passer entre eux ! Il avait compris que dans ce milieu, on ne mélangeait pas les serviettes et les torchons ; et nous étions, lui et moi des torchons …
Durant toute la soirée, nous avions beaucoup parlé de lui, de sa famille, de moi et de ma mère, des milieux où nous étions venus au monde et de celui dans lequel nous tentions de nous fondre. Il habitait dans le XVIème arrondissement, un quartier très chic où ceux qui y vivaient ne fréquentaient définitivement pas les gardiens et le « petit personnel ». Puis les parents de Charles-Henri étaient venus s’installer dans l’immeuble, et comme Xavier avait énormément aidé Charles-Henri l’année où il s’était retrouvé dans sa classe en seconde, il s’était pris d’amitié pour lui.
Avec Xavier, nous avions échangé nos coordonnées et nous nous étions promis que si l’un ou l’autre venait soit à Paris ou à Lyon, nous essayerions de nous revoir. Grâce à cela la soirée avait été plus agréable que prévue, elle était même passée trop vite, nous étions rentrées vers deux heures du matin. Les parents de Margaux dormaient depuis longtemps quand nous avions regagnées notre chambre. Le lendemain matin, après une grasse matinée, le père de Margaux nous avait demandé de nous tenir prêtes pour onze heures.
Nous n’avions mis que deux heures pour regagner Barcelone où nous avions déjeuné après quoi nous avions eu le choix entre aller visiter la ville avec ses parents ou faire ce que nous voulions pour nous retrouver à l’hôtel en fin de journée. Margaux avait préféré que nous allions nous promener en ville pour faire les boutiques. Il y avait énormément de monde partout dans les rues, il faisait très chaud et moi qui n’avais pas l’habitude, j’avais dû plusieurs fois m’arrêter boire quelque chose de frais. Margaux s’était acheté quelques bricoles, une petite veste, une paire d’espadrilles et un maillot de bains et elle avait beaucoup insisté pour m’acheter une petite robe dos nu. Je n’avais pas pu lui refuser, cela lui faisait si plaisir de me l’offrir. J’avais l’impression d’être un peu comme sa petite sœur, lorsque nous nous promenions bras dessus bras dessous. J’espérais que plus tard quand je serais devenue quelqu’un, je pourrais gâter Margaux et lui faire plaisir à mon tour.