1ère partie
Le collège
En entrant au collège, Marc aurait pu rester dans l’île et aller au Collège Les Salières à Saint-Martin-de-Ré seulement il avait préféré être inscrit au centre scolaire Fénelon-Notre-Dame à La Rochelle. C’était un établissement privé catholique, non pas que Sophie souhaitait particulièrement que son fils suive un enseignement religieux mais elle supposait que le peu d’élèves qu’il accueillait à l’internat, à peine quatre-vingts jeunes gens, devaient être davantage surveillés et choyés que dans un autre établissement, en tout état de cause c’était l’unique internat sur La Rochelle. Et ni Sophie, ni son fils ne voulait vraiment s’éloigner. Marc, le frère chéri, n’était pas un enfant dur, il avait juste besoin d’être encadré. C’était un enfant particulièrement éveillé, il avait pris l’habitude de sauter des classes durant toute sa scolarité de primaire, il avait eu parfois tendance à s’ennuyer et à perturber la classe. Et quand bien même, il n’écoutait pas trop en cours, il restait définitivement en tête de classe, cependant son « indiscipline » gênait les autres élèves et les professeurs. Souvent sa maman était convoquée au secrétariat, jamais pour des choses très graves. Il n’était ni impertinent, ni grossier, ni méchant juste trop actif. Il ne restait pas en place une minute sitôt son travail fini et bien entendu, il finissait toujours en avance sur ses camarades. Sa maman avait consulté des médecins et autres psychologues ou psychiatres, la réponse était constamment la même, on lui disait qu’il avait un besoin énorme de se dépenser. Il n’avait pas été détecté comme hyperactif car son manque d’attention n’était accompagné ni d’une activité motrice désordonnée, ni d’une impulsivité excessive ou de réactions agressives, même si certains spécialistes n’avaient hésité malgré cela à lui prescrire du Ritalin, un stimulant du système nerveux central, qui calmait les enfants hyperactifs sans qu’on sache trop pourquoi. Ce produit n’était pas sans danger, c’était un médicament inscrit sur la liste des stupéfiants, et ça Sophie s’y était définitivement et radicalement opposée puisqu’aucun des spécialistes qu’elle avait consultés n’arrivaient à se mettre d’accord sur la meilleure attitude à tenir vis-à-vis de cet enfant hormis l’excès de sport. Chacun préconisant des remèdes des plus fantasques à ceux les plus radicaux à l’image de puissants médicaments dont l’usage n’était pas exclusivement réservé à ce type de traitement mais à d’autres parfois totalement aux antipodes. Les posologies variaient immanquablement et pour l’ensemble de ces motifs mais plus particulièrement parce que Marc, son fils, semblait parfaitement heureux, elle se refusait à lui imposer des drogues dont il pouvait se passer à condition de se dépenser. Certes son activité physique devait être importante et sans commune mesure avec ses petits camarades toutefois c’était le bon remède. Tous ceux qui le côtoyaient pour la première fois s’en inquiétaient parfois mais au fil du temps, ils devaient se rendre à l’évidence, Marc avait prouvé à chacun au fil du temps qu’il possédait une résistance physique à toutes épreuves. Pour ces raisons, Sophie avait suivi le conseil des spécialistes de médecines douces bien qu’elle ne lui semblait pas si douces à y réfléchir tant son emploi du temps était chargé en sport en tout genre. Son remède était de faire beaucoup, beaucoup de sports pour se dépenser et évacuer son surplus d’énergie. Evidemment lorsque sa maman avait appris, par lui d’ailleurs, qu’il voulait intégrer une classe à projet sport avec du basket, du foot et de la natation, elle avait accepté sa demande sans discuter. Evidemment, elle était déchirée entre un sentiment de tristesse de le voir s’éloigner bien qu’il n’aille pas vraiment loin et qu’il puisse rentrer en fin de semaine, et un sentiment de joie de le voir si heureux et détendu. Par ailleurs, Sophie savait que le temps qu’elle consacrait à son fils si faible était-il, elle ne le dédiait pas à sa fille désormais elle pourrait s’occuper d’elle à temps complet. Elles aimaient tant être ensemble. Et Stéphanie avait davantage besoin de sa maman que son frère.
Marc entra au collège à huit ans et demi, sa sœur venait d’avoir neuf ans et demi. Depuis cette période, Marc semblait tellement calme. Il revenait un week-end sur deux ou trois mais il appelait quasiment tous les soirs sa maman pour lui donner des nouvelles et parler à sa sœur. Surtout lors de son entrée en sixième, où ils furent séparés pour la première fois ensuite les coups de fil s’étaient un peu espacés toutefois ils étaient relativement réguliers et s’il n’avait pas le temps d’appeler, il envoyait un sms. Il manquait énormément à Sophie or elle était si heureuse de le voir s’épanouir qu’elle ne disait rien et attendait qu’il revienne. A chaque fois qu’il avait un match, mère et fille venaient l’encourager et il était si fier quand son équipe gagnait et qu’il avait exécuté de belles passes. Contrairement à certains de ses copains qui jouaient un peu les durs devant les filles, Marc venait systématiquement faire un gros câlin à sa mère et à sa sœur qu’il aimait infiniment et qu’il présentait à ses amis. Bien qu’elle fût deux classes en-dessous de lui, il la présentait comme sa grande sœur, ce qu’elle était effectivement, comme si le fait d’être un an leur aînée, elle était également infiniment plus mature qu’eux tous. En réalité Stéphanie n’avait jamais voulu sauter de classe même si certains de ses professeurs l’avaient proposé à sa maman. Elle était systématiquement première en classe néanmoins jamais elle ne s’était ennuyée et avait perturbé qui que ce soit. Elle avait ses amies, assez peu d’ailleurs toutefois cette situation lui suffisait et elle avait par-dessus tout son frère, son grand frère aurait-on pu dire tant il était élancé et fort pour son âge et elle si menue. Lorsque Marc était parti à La Rochelle, pour son entrée au collège, Stéphanie avait vécu une terrible année. Pour la première fois de sa vie, elle ne voyait pas son frère tous les jours. Il faut dire que Stéphanie et Marc avaient exactement un an d’écart, au jour près. Ils étaient nés tous les deux le 13 mars. Sophie, quant à elle, venait d’avoir vingt-sept ans à la naissance de Stéphanie, il était 15 heures, c’était le 13 mars 1992. Elle était enceinte d’à peine sept mois et demi quand les premières contractions étaient survenues et rien n’avait pu ralentir la venue de l’enfant. La sage-femme avait dit à Sophie : « Elle ne s’en laissera pas compter aussi facilement, elle veut se faire connaitre la petite !!! ». C’était à cet instant que Sophie avait appris qu’elle attendait une petite fille ; durant toute sa grossesse, elle n’avait pas voulu savoir le sexe de l’enfant qu’elle attendait et Edouard faisait exactement ce que sa femme souhaitait. Malgré sa précocité, et son petit poids, deux kilos quatre cents, elle était vive et il lui avait fallu peu de temps pour récupérer un poids très convenable. Sophie était mariée depuis deux ans à Edouard Lagrange, une importante famille de la région du Nord-Pas-de-Calais. Edouard avait trente-deux ans et secondait son père, Jules, au sein de l’entreprise familiale, une petite usine textile que son père avait reprise après la faillite de la filature de laine peignée créée en 1915 à Tourcoing par son propre père, Joseph, il avait alors vingt-cinq ans, puis au même âge, son fils, le père d’Edouard était entré dans l’affaire en 1946 jusqu’à sa fermeture en 1965. Edouard avait toujours baigné dans cet univers de la laine, et bien qu’il n’ait eu que cinq ans à la fermeture de la filature, il avait constamment en tête des bruits et des odeurs inoubliables. Dès qu’il fut en âge et juste après ses études, il avait épaulé son père, particulièrement au niveau de la gestion financière de l’entreprise. Edouard tenait son goût des chiffres de son grand-père or il avait également hérité de l’ingéniosité de son père. Jules était sans cesse en train de perfectionner tous les postes de travail, tant en améliorant les machines permettant aux ouvrières d’être infiniment performantes dans un travail davantage sécurisé.