Retour aux sources – Le cri du silence 8

14 mins

2 ème partie

Les séparations 

Stéphanie était heureuse pour son frère, or ce fut pour elle la plus difficile année de sa scolarité depuis la maternelle. A cette époque, Marc devenu interne, il lui arrivait de ne pas rentrer le week-end, mère et fille restaient seules, le fiston couchait régulièrement chez un de ses copains car il avait souvent un match ou un entrainement. Cependant l’un et l’autre restaient très proches, et ils ne manquaient pas une occasion de se voir.

Stéphanie entrait en CM1 et se retrouvait seule pour la première fois. La directrice avait pris la peine de la mettre dans la classe à double niveaux CM1/CM2 où son frère avant elle se trouvait l’année précédente. Stéphanie était une brillante élève bien qu’elle n’ait jamais sauté de classe. Les maîtresses respectives qu’elle avait pu avoir, n’avaient jamais eu aucun doute sur ses possibilités malgré son mutisme. Certains week-ends quand les enfants se retrouvaient à la maison, ils passaient des heures dans leur chambre, sans doute faisaient-ils leurs devoirs mais surtout ils semblaient rattraper ce temps qui leur avaient manqué et où ils avaient été séparés. Dès qu’ils étaient ensemble tout allait pour le mieux et dès que Stéphanie se retrouvait seule à l’école, elle se renfermait sur elle-même. Sa maîtresse début janvier avait convoqué Sophie qui s’inquiétait du motif pour lequel elle souhaitait la voir. Les notes de sa fille étaient inchangées néanmoins son attitude devait la soucier. Elle se présenta un mardi soir après la classe, Madame Raoult reçut Sophie et discuta longuement de l’effacement, de la discrétion, de la distance que Stéphanie s’imposait depuis la rentrée. C’était une enfant sage, sans problème avec personne, attentive, si seule, qu’elle en avait parlé avec la directrice. Madame Roualt devait partir avec les CM2 en classe de neige aux Rousses pendant quinze jours, du samedi vingt-trois février au dimanche dix mars et comme dans sa classe il n’y avait que sept élèves en CM1, ils seraient répartis entre le CM1 de Madame Jolie et le CE2/CM1 de Mademoiselle Charles. Sophie supposa que la maîtresse de sa fille se préoccupait des éventuelles réactions de Stéphanie. Et Sophie resta un instant sans voix, comme sa fille, lorsque Madame Raoult lui annonça qu’après s’être entretenue avec la directrice, elle voulait proposer à Stéphanie de se joindre au groupe de CM2 puisqu’elle n’avait pas vraiment de difficultés à suivre depuis le début de l’année le programme en maths et en français de ce niveau. Sophie avait tenté d’imaginer divers scénarios sans toutefois prévoir cette solution, qui devait-elle l’avouer, la rendait indécise. Stéphanie n’était jamais partie toute seule ailleurs que chez ses grands-parents. Avant de prendre une quelconque décision, Madame Raoult pensait que si l’idée de voir partir sa fille ne l’effrayait pas, il serait souhaitable de connaitre l’avis de sa fille. Peut-être qu’une séparation avec son frère ou sa famille pourrait lui faire peur et ainsi l’affaire en resterait là. Sophie avait besoin d’y réfléchir quelques jours et elle promit de repasser la voir en début de la semaine suivante pour lui faire part de sa décision. Sophie en discuta avec ses beaux-parents au téléphone puis de vive voix. Et elle décida cette fois de parler à son fils de la proposition de Madame Raoult. Il connaissait si bien sa sœur qu’il serait de bon conseil. Sophie, Jules et Jeanne durent reconnaître que la seule personne capable de parler à Stéphanie ne pouvait être que son frère. Sophie avait attendu le vendredi soir, qu’il rentre à la maison, pour en parler à Marc qui n’eut aucun doute sur la réponse de sa sœur, et n’envisageait pas d’attendre plus longtemps pour lui annoncer la bonne nouvelle. Marc savait comment s’y prendre pour la motiver à partir. Toute la famille était réunie ce soir-là et les trois adultes de cette famille, restés dans le salon attendant la réaction de Stéphanie à l’annonce de son frère, se sentaient bien moins adultes face à ce petit bonhomme qu’était Marc. Jules pensait que son fils aurait été fier d’être parmi eux ce soir. Jeanne ne tenait pas en place tandis que Sophie se rongeait les sangs. Marc resta un long moment dans la chambre de sa sœur, rien ne filtrait tant et si bien qu’à plusieurs reprises Sophie faillit monter à l’étage, Jules la calma en lui demanda d’être patiente. Quelques instants plus tard, ils entendirent des petits sauts dans la chambre et Marc comme à son habitude fit le sioux, dansant et poussant de grands cris. Depuis le retour de sa mère, après le décès de son père, c’était devenu un rite lorsqu’il était très heureux. Et à cet instant, visiblement, il devait être comblé. Tous les deux descendirent quatre à quatre l’escalier qui menait au salon où était réunie la famille. Stéphanie sauta au cou de sa mère puis de sa grand-mère et de son grand-père. Elle semblait elle aussi ravie, or réalisait-elle qu’elle devrait partir pour la première fois toute seule sans Marc ou aucun autre membre de cette famille. Marc expliqua que Stéphanie voulait annoncer la nouvelle à sa maîtresse dès le lendemain de peur qu’elle ne change d’avis. Comment Marc arrivait-il à si bien comprendre sa sœur ; parfois Sophie se sentait coupable de ne pas déchiffrer aussi aisément les pensées de sa propre fille. Sa fille remontait dans sa chambre lorsque Jeanne prit à part Marc pour lui demander ce qui avait pu la décider si rapidement. Lui avait-il expliqué qu’elle serait durant quinze jours toute seule avec sa maîtresse et ses camarades de classe ? Il leur répondit – puisque Jules et sa maman étaient aux côtés de sa grand-mère – « Je lui ai dit que si elle pouvait passer cette année à son retour en CM2, l’année prochaine nous serions à nouveau réunis au collège, elle en 6ème et moi en 5ème » et tout avait été dit !!!!

Les choses se précipitèrent ensuite. Il fallut faire des étiquettes au nom de Stéphanie pour marquer tous ses vêtements. Sophie dut acheter le trousseau préconisé par la maîtresse pour le ski, la neige et le soleil, également pour la nuit et la toilette. Toute la liste y passa, gants, serviettes de bains, serviettes de table, slips, pyjamas, survêtement, pantalons, chaussettes, cagoule, écharpe, gants, après-ski, combinaison de ski, enfin il fallut aussi coller les étiquettes sur le stick à lèvres, la brosse à dent, le dentifrice, le casque et mille choses encore … Le soir en rentrant Stéphanie aidait sa mère dans toutes ces taches et cela l’amusait vraiment beaucoup. Elle avait changé, elle riait à nouveau. Sophie lui prépara aussi des enveloppes timbrées et un petit carnet à feuilles roses où elle pourrait y noter toutes ses pensées, ses activités, ce qu’elle faisait pour ne rien oublier lorsqu’elle rentrerait. A son retour, ce seraient des souvenirs. Le jour J arriva et ceux qui furent les plus stressés n’étaient pas en définitivement ceux que l’on aurait pu croire, c’étaient les adultes. Pourtant Stéphanie savait que sa famille allait lui manquer énormément et Marc en particulier, nonobstant ces motifs, elle était plutôt excitée que stressée. Sophie espérait que cette séparation pourrait donner envie à sa fille de parler à nouveau. Tous les enfants étaient installés dans le bus heureux de partir, ils s’amusaient déjà sans vraiment se soucier des parents qui leur faisaient de grands signes au départ du convoi. Il avait été convenu que les parents ne pourraient appeler le centre néanmoins un site internet les tiendrait au courant de l’emploi du temps détaillé de l’ensemble des activités qui se dérouleraient sur place. Toutefois une exception avait été faite pour Stéphanie, sa maîtresse avez promis de l’appeler si sa fille en ressentait le besoin. L’une et l’autre espéraient que l’éloignement donnerait à Stéphanie la motivation pour reparler à nouveau.

Jusqu’à la première information sur le site internet, la famille Lagrange au grand complet restait soucieuse, le premier message s’inscrivit – « Nous sommes tous bien arrivés à destination, le chalet est superbe. Les enfants se sont déjà installés dans leur chambre. Demain nous avons prévu une belle promenade dans les bois. Notre logeur nous prédit un beau soleil. A demain soir pour des nouvelles fraîches. Madame Raoult ». Ce fut la nuit et la journée de dimanche la plus longue que le clan Lagrange eut à passer. C’était la première fois que Stéphanie s’absentait de la maison et tous avaient l’impression de vide, de silence, particulièrement Marc qui avait l’habitude d’échanger avec sa sœur tant de choses. Malgré son mutisme, ils avaient ensemble une telle complicité que Stéphanie savait se faire comprendre par son frère. Et ils semblaient avoir de réelles conversations lorsqu’ils se retrouvaient, quand bien même seul Marc faisait les questions et les réponses dans leurs échanges. Durant les quinze jours que dura la classe de neige, Marc donna moins de nouvelles que d’habitude, Sophie l’avait tout de même eu au téléphone et il paraissait détendu et confiant pour la suite. Stéphanie envoya à toute la famille des lettres régulières pour leur raconter comment se passait son séjour. Elle paraissait bien s’adapter à cette nouvelle situation mais dans toutes ses lettres elle expliquait que son frère lui manquait beaucoup. Pour Sophie ces deux semaines parurent une éternité, elle s’était retrouvée d’un seul coup toute seule. Jeanne et Jules l’avaient pourtant invitée à plusieurs reprises sans vraiment de succès prétextant qu’elle profitait d’être seule pour faire du rangement et du tri dans la maison. Ses beaux-parents la surveillèrent de loin craignant que cette solitude ne remue des souvenirs difficiles. Néanmoins Stéphanie avait dit vrai, elle faisait du tri tant dans sa maison que dans ses idées. Elle avait décidé de reprendre des activités. Quand elle vivait avec son père à Lille où il travaillait, juste avant de rencontrer Edouard, elle avait suivi des cours de Sciences Sociales à la faculté de Lille. Elle avait eu une maîtrise de Sciences Sociales car depuis toute jeune, elle voulait soit travailler avec des enfants dans le milieu de l’enseignement ou le milieu associatif. Après son premier stage de six mois réalisé dans l’usine du père d’Edouard, les jeunes gens avaient commencé à se fréquenter. Sophie rentrait à Lille presque tous les week-ends et dès sa maîtrise obtenue cette année-là, Edouard souhaita que Sophie soit engagée à l’usine pour s’occuper d’un service qui serait créé pour elle où elle pourrait s’occuper de la communication ainsi que des relations avec les ouvrières, représentant quatre-vingt-dix pour cent des employés, et des ouvriers. Elle était si heureuse de voir Edouard tous les jours qu’après accord de son père, elle décida de s’installer à Tourcoing avec celui qu’elle aimait. Elle fut accueillie par le père et la mère d’Edouard avec une joie immense, leur fils n’avait jamais été aussi heureux en vingt-huit années et le voir ainsi les comblaient d’autant que Sophie était une gentille fille, intelligente et travailleuse. Ce fut à cette période qu’elle arrêta ses études pour se consacrer à son travail à l’usine aux côtés de son mari, quatre ans après ce fut à sa famille qu’elle dédia une grande partie de son temps avec l’arrivée de Stéphanie le 13 mars 1992 puis de Marc le même jour de l’année suivante. Et la boucle était bouclait … Leur vie était parfaite et jamais aucune ombre au tableau n’était apparue durant les sept merveilleuses années qui avaient précédées le 29 janvier 1995 où la vie avait basculé du jour au lendemain avec ce terrible accident.

Sophie devait désormais s’ouvrir au reste du monde, peut-être pourrait-elle se remettre à travailler.

Au cours des quinze jours où Stéphanie était partie en classe de neige, Sophie eut largement le temps de remettre de l’ordre dans sa maison, et dans ses idées. Elle devait constater que sept années étaient passées depuis la disparition d’Edouard et rien dans son rythme de vie ne lui avait fait prendre conscience du temps si vite écoulait. Elle s’était totalement consacrée à ses enfants durant toutes ses années, rien d’autre n’avait compté. Elle venait de réaliser qu’elle avait jusqu’à ce jour passait autant de temps avec Edouard depuis leur rencontre que sans lui depuis son décès. Mon dieu elle n’avait que trente-cinq ans et elle vivait déjà comme une jeune femme définitivement endeuillée. Pas une fois depuis le premier anniversaire de ses enfants après la disparition de leur père, elle n’avait pensé à elle.

Sophie entra dans le garage pour chercher des cartons afin de commencer son tri lorsqu’elle vit le 4X4 d’Edouard. A cet instant mille souvenirs lui revirent en tête. Elle n’avait pas remis les pieds dans la voiture depuis son retour avec Lucien en revenant du lac du Héron à Villeneuve d’Ascq et malgré les sollicitations répétées de ses beaux-parents, elle n’avait ni voulu la vendre, ni voulu l’utiliser non plus. Cependant Jules avait réussi à faire prendre conscience à Sophie que la voiture devait être utilisée au moins une fois par semaine pour éviter qu’elle ne se dégrade. Jules avait donc été autorisé à sortir le 4X4 une fois par semaine et il en avait aussi profité pour régulièrement faire des révisions prenant sur lui ces dernières démarches. Ses beaux-parents aimaient tout comme elle cette voiture puisqu’elle avait appartenu à leur fils cependant ils pensaient que la garder ne faisait qu’entretenir une plaie déjà difficile à cicatriser. Ils ne voulaient pourtant en rien s’opposer à Sophie alors ils avaient fait ce qu’elle avait voulu, voire un peu plus ; tant qu’à garder cette voiture, Jules préférait qu’elle reste en bon état de marche au cas où Sophie se déciderait à l’utiliser un jour. Et ce jour arriva ou allait arriver … Les clés du 4X4 étaient toujours accrochées sur le mur à l’entrée du garage. Et sans vraiment y réfléchir, Sophie s’en saisit et appuya sur l’ouverture automatique des portières. Elle n’avait pas oublié ce petit bruit familier qui activait le déverrouillage des portes à distance et débloquait ainsi un codage antivol électronique qu’Edouard lui avait décrit dans les moindres détails. Lui expliquant que ce déclic avait pour but d’éviter le vol de ce genre de voiture, particulièrement prisée par les voleurs, en bloquant ce mécanisme couplé à un système d’antidémarrage. Lorsqu’Edouard parlait de cette voiture on aurait dit un enfant à qui on avait offert le plus beau des jouets dont il rêvait depuis si longtemps. Et même si, elle avait à l’époque trouvait que ce véhicule était très excessif financièrement, et surtout très peu écologique, elle le voyait si heureux à l’idée d’en posséder un qu’elle l’avait laissé faire. Ils en avaient les moyens. Tous les deux avaient prévu d’aller au Mondial de l’automobile de Paris, qui se déroulait tous les deux ans, les années paires, en octobre, au Parc des expositions de la porte de Versailles. Ils avaient laissé les enfants à Jules et Jeanne pour un long week-end qu’ils devaient passer en amoureux dans cette magnifique ville qu’ils adoraient tous les deux. C’était en 1994 l’année de sortie du Land Rover, le modèle deuxième génération, dénommé P38a, de la marque Range Rover. Edouard voulait la voir « en vrai » disait-il, exposée dans ce salon mythique. Il connaissait parfaitement ce véhicule après avoir parcouru ses notices techniques et avoir lu tous les articles parus à son sujet. Durant le voyage en train de Tourcoing à Paris, il lui avait décrit en détail les avantages de posséder une pareille merveille. Sophie l’entendait encore lui répéter que ce Land Rover était non pas un véhicule mais quatre véhicules en un, il avait lu dans un magazine spécialisé une interview de Phil Popham, Directeur du Management de Land Rover : « … Une berline de luxe pour l’utilisation quotidienne, un véhicule de loisirs à long rayon d’action sur les autoroutes et les terres vierges du monde entier, une voiture hautes performances pour les voyages longue distance et un outil de travail tout-terrain… ». Il lui avait expliqué toutes les options que ce 4X4 avait comme s’il avait eu devant les yeux le descriptif que Sophie prit la peine de prendre dans la boite à gants et qu’elle se mit à parcourir à la page « Options », elle entendit clairement Edouard le dire comme lors de ce voyage à Paris : « Extérieur et Châssis – barres de toit, jantes alu 18″, rétroviseurs dégivrants, toit ouvrant électrique, Intérieur – intérieur tout cuir, climatisation automatique, sièges chauffants,…. ». Sophie s’arrêta de parcourir cette liste interminable, or la voix d’Edouard avait cessé au moment où elle avait elle-même cessé de lire, alors ne serait-ce que pour entendre à nouveau le son de la voix de celui qu’elle avait tant aimé et qui lui manqué tellement, elle reprit sa lecture : … « Boîte automatique, 4 vitres électriques, vitres électriques, banquette 1/3 – 2/3, Sécurité – ABS, anti patinage, airbags frontaux et latéraux, Antivol – anti démarrage, Autre – volant réglable, pare-brise chauffant, rétroviseurs électriques ». La liste était finie et la voix d’Edouard disparut à nouveau. Edouard avait une mémoire photographique étonnante, il se rappelait des détails les plus infimes du moment où il avait eu l’occasion de les lire au moins une fois. Sophie le regardait assis au volant du 4X4 exposé au milieu du salon automobile et elle l’écoutait religieusement faire la promotion de cette voiture devant les yeux ébahis d’un commercial du stand Land Rover ; Edouard voulait avoir l’approbation de son épouse pour l’acquérir. Il faisait grand cas des opinions de sa femme qu’il savait raisonnable or il avait tant envie de ce cadeau qu’il voulait vraiment qu’elle soit d’accord à cent pour cent avec lui. Ce week-end fut un véritable voyage de noces pour Sophie, rien n’était assez beau pour elle. Edouard avait réservé une chambre au George V, un très grand hôtel situé dans le quartier des Champs-Élysées dans 8e arrondissement de Paris. Il avait été construit dans les années 1928 et avait gardé son style Art déco d’origine. Les chambres, les halls, le restaurant comme le bar, les couloirs et autres dépendances étaient absolument grandioses. Sophie se sentait comme une princesse dans les contes que lui lisait son père lorsqu’elle n’était qu’une petite fille. Elle se souvint même d’avoir durant ce week-end feint un endormissement si profond que seul le baiser d’un prince comme Edouard ne put l’en sortir …. Cette mise en scène avait beaucoup fait rire Edouard et il n’avait pas manqué de le raconter à ses parents en rentrant. Tous ces souvenirs sept années après lui faisait un bien fou. Elle avait tant fait pour éviter de se souvenir des bons moments passés avec Edouard de peur de replonger dans cet état qui avait failli la perdre après son décès, qu’elle se rendait compte désormais qu’il n’avait pas cessé d’être à ces côtés toutes ses années malgré cela. Dans la voiture, Sophie alluma la radio et ce fut le lecteur de CD qui se mit en route, c’était un CD qu’elle lui avait offert de Jimmy Hendricks, Edouard disait qu’il adorait tous ses titres si bien que Sophie les lui avait presque tous offerts. Là c’était « Little miss lover » l’une des chansons qu’il aimait particulièrement, il la connaissait par cœur comme la plupart d’entre elles. Sophie avait eu l’impression d’entendre Edouard la fredonner à ses côtés et elle en eut la chair de poule et sans qu’elle puisse les retenir quelques larmes coulèrent le long de ses joues néanmoins cette fois, elle savait que ces larmes lui donneraient du courage pour avancer pour lui parce qu’il n’aurait jamais accepté qu’elle baisse les bras. Et pour la première fois depuis sept ans, elle démarra le 4X4 et se décida à aller faire un tour jusque chez ses beaux-parents. Ils lui avaient consacré à elle et leurs petits-enfants tout leur temps depuis le décès d’Edouard et elle savait que cette démarche même si ce n’était rien aux yeux d’un étranger, représenterait énormément aux leurs. Elle alla fermer la maison, ouvrit la porte du garage pour sortir la voiture. La sensation qu’elle ressentait était vraiment étrange, elle avait l’impression de ne faire qu’un avec Edouard. Et lorsqu’elle se gara dans l’allée de ses beaux-parents, Jules l’aperçut tandis qu’il rentrait les poubelles. Son visage avait une double expression à la fois soucieuse et heureuse. Il avait appelé sa femme d’une voix un peu inquiète néanmoins, instantanément après que Sophie les ait rejoints, il s’était détendu et lui avait dit : « Bonjour ma jolie, je suis heureux d’avoir fait rouler régulièrement le 4X4 d’Edouard car aujourd’hui grâce à l’ensemble des entretiens réalisés toutes ces années, tu as pu venir jusqu’à la maison ». Sophie leur annonça qu’elle avait eu une longue lettre de sa fille qu’elle voulait leur faire lire. Stéphanie y décrivait en détail ce qu’elle avait fait ces derniers jours et se réjouissait de pouvoir leur annonçait que la maîtresse était extrêmement fière d’elle et de son travail. Elle avait réussi là où d’autres plus âgés qu’elle avait échoué.

La seconde semaine passa plutôt vite et le retour du bus des élèves de Madame Raoult se produisit plus rapidement qu’elle ne l’avait imaginé. Tous les parents étaient présents et certains frères et sœurs, oncles et tantes, grands-pères et grands-mères aussi. La famille Lagrange était au grand complet en cette fin d’après-midi du dimanche 10 mars 2002. Les enfants descendirent dans un calme relatif dans la mesure où tous étaient impatients de revoir leur famille. Stéphanie arriva finalement et se jeta dans les bras de son frère, ensuite elle alla embrasser longuement sa maman et se dirigea vers ses grands-parents. La famille regagna le 4X4 à la grande surprise de Stéphanie. Un bon repas avait été concocté par Jeanne et Sophie et tandis que toute la famille se pressait autour de la fille prodige de retour pour vouloir connaitre ses impressions de voyage, Stéphanie montait dans sa chambre avec son frère. Sophie était à la fois heureuse de voir combien elle était épanouie et toute bronzée et un peu frustrée de ne pas pouvoir profiter d’un gros câlin qui lui avait manqué depuis deux semaines. Pour éviter de penser, elle alla dans la cuisine avec Jeanne terminer les préparatifs du repas. Vers huit heures les enfants étaient toujours dans leur chambre, cela faisait presque une heure quand Jules de sa grosse voix dit : « A table les enfants, de bonnes choses vous attendent ». Ils descendirent et Stéphanie à nouveau se rua sur sa maman prenant conscience qu’elle l’avait délaissée depuis son retour et lui tendit un petit paquet rapidement emballé qui contenait le cahier aux pages roses que Sophie lui avait offert avant de partir. En ouvrant la première page, elle lut « Journal de bord d’une première classe de neige par Stéphanie Lagrange » et en feuilletant le cahier, Sophie put s’apercevoir que celui-ci était quasiment rempli. Elle voulut se mettre à lire quand Jeanne entra les bras chargeaient annonçant que le repas n’attendrait pas et qu’il fallait se mettre à table immédiatement. Ce fut une magnifique soirée où comme à son habitude, Marc monopolisa la parole au nom de sa sœur, leur expliquant ce qu’elle avait fait au cours de ces quinze jours. Sophie se demandait parfois si sa fille en cachette ne parlait pas à son frère or elle devait reconnaître que jamais elle n’avait surpris quoi que ce soit pour étayer cette hypothèse. La soirée se déroula parfaitement, et tous allèrent se coucher le cœur soulagé de ce retour. Stéphanie n’avait pas classe le lundi suivant et en profita pour dormir tout son saoul alors que Sophie conduisit son fils au collège vers sept heures. Le mercredi suivant le 13 mars 2002, toute famille se réunit à nouveau pour dîner, Marc également, il avait demandé une permission de sortie auprès du responsable de l’internat, pour fêter leur anniversaire, ils avaient respectivement 9 et 10 ans et la vie était belle.

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