L’espace d’un instant où tout bascule – 2ème partie 3

7 mins

La semaine se déroula tranquillement puis vers dix-sept le vendredi Maïlis, impatience, devança l’appel de son amie pour savoir si elle était toujours d’accord pour venir à son barbecue et elle s’enquit de sa décision, venait-elle seule ou serait-elle accompagnée ? Marie, un peu confuse d’être si négligente, lui proposa de la rappeler en fin de soirée pour le lui confirmer. Quelques minutes après avoir raccroché, Marie reçut un autre coup de fil. Christophe Lacroix venait aux nouvelles et s’excusait d’avoir tant tardé à la rappeler mais il avait eu une semaine particulièrement chargée. Comme il lui proposait de se voir, Marie en profita pour l’inviter à se joindre à elle samedi soir, lui expliquant que sa meilleure amie organisait un grand barbecue. Elle lui expliqua que son amie voulait absolument qu’elle ne soit pas seule, c’est la raison pour laquelle elle s’était proposée d’inviter pour elle un célibataire de sa connaissance. Ajoutant qu’elle adorait son amie de toujours, toutefois son insistance à vouloir la caser avec toutes ses relations la mettait mal à l’aise parfois, même si elle savait que son intention était profondément généreuse. À tout prendre, elle préférait choisir son cavalier et il pouvait être l’homme de la situation pour l’accompagner s’il acceptait son invitation. Elle lui promit qu’il y aurait beaucoup de monde et que dans l’ensemble tous étaient plutôt sympathiques. Par ailleurs, son amie Maïlis qui avait tendance à faire les choses en grand, aurait prévu des mets délicieux dont il se régalerait. Et tout fut dit !!! Christophe accepta avec plaisir et ils se donnèrent rendez-vous à son appartement le samedi vers dix-huit heures trente. Marie comme promis rappela Maïlis pour la prévenir qu’elle viendrait accompagnée. Son étonnement fut évident, les quelques secondes qui suivirent en témoignèrent. Il était si rare que Maïlis reste sans voix !! Néanmoins, elle reprit la parole pour tenter d’en savoir plus sur cet invité surprise, Marie resta muette et lui proposa de le découvrir quand elle arriverait.

Elle passa la journée de samedi à faire du tri puis en fin d’après-midi elle prit une douche et s’attela à choisir une tenue pour la soirée. Toute sa garde-robe y passa, robes, jupes avec petit haut, jeans avec teeshirt, tenues habillées ou décontractées. Bientôt tous ses vêtements se retrouvèrent éparpillés sur le lit, la commode et même parterre. Rien ne lui convenait.

Elle était assise sur le bord de son lit à moitié-nue lorsque l’interphone se fit retentir. Marie prise de panique restait tétanisée en imaginant que Christophe était en bas et qu’elle devait être particulièrement en retard. Après plusieurs coups de sonnette, ce fut le portable de Marie qui se mit à sonner lui aussi. C’était sa fille qui l’appelait, elle poussa un gros soupir de soulagement :

– Allo, maman, pourquoi ne réponds-tu pas à l’interphone ? J’ai vu qu’il y avait de la lumière et je commençais à m’inquiéter. Tu m’ouvres ou tu me laisses sur le pas de la porte. Mais peut-être que je te dérange, tu n’es pas seule ??? Avait lancé Margaux d’une seule traite.

– Bonjour ma chérie, je t’ouvre.

C’est à cet instant que Marie prit le temps de jeter un œil sur l’horloge, il n’était que dix-sept heures trente. Elle avait eu une grosse frayeur durant quelques minutes. Elle se dirigeait vers son entrée pour ouvrir à sa fille qui tambourinait déjà à la porte. Emilie venait de terminer son travail à l’hôpital et elle en profitait pour venir embrasser sa mère. En règle générale, elle prévenait toujours sa mère avant de venir la voir, elle savait que Marie restait souvent tard à l’agence et elle fut étonnée de la trouver chez elle à cette heure-ci. Alors que Marie se dirigeait vers sa chambre, sa fille la suivant de près, elles se regardèrent toutes les deux en passant la porte et éclatèrent de rire.

– Tu fais un grand nettoyage d’automne Manoune ? Si tu ne veux plus tes fringues, ne les jette pas, certaines choses pourraient m’intéresser et m’aller, avait annoncé Emilie à sa mère.

– Je suis contente que tu sois passée, tu vas pouvoir me conseiller sur ce que je peux mettre ce soir pour dîner. Je suis invitée par Maïlis et un ami passe me prendre vers dix-huit heures trente, avait répondu Marie à sa fille d’un air presque paniqué.

– Ah bon, mais qui est-ce ? Je le connais ? Et où allez-vous ? Les questions fusaient comme l’éclair.

– Maïlis organise un gros barbecue, nous serons sans doute assez nombreux, tu sais elle connait tant de monde. Je voudrais mettre quelque chose de classique, passe-partout. Alors m’aides-tu à choisir ma tenue, je crois que j’ai sorti tout ce que j’avais dans ma penderie ou dans mes tiroirs.

– Mets ce pantalon noir, il est plutôt chic et tu peux le coordonner avec ce joli haut en soie bleue, tu rehausses le tout avec ta ceinture en cuir noir, ton collier et tes boucles d’oreille lapis lazuli que nous t’avons offerts, ils sont tout à fait assortis à tes nouveaux escarpins. Sais-tu que c’est une pierre sacrée qui porte bonheur, elle permet de créer un équilibre entre le corps et l’esprit, on dit même qu’elle rend sage et qu’elle développe l’intuition et favorise la sincérité dans les relations. Ces bijoux seront parfaits pour toi ce soir. Et tu pourrais mettre sur tes épaules ton châle noir que papa t’avait offert pour ton anniversaire.

Emilie tout naturellement avait trouvé en quelques minutes la tenue idéale. Elle avait souri à sa mère or elle avait eu envie de se mordre les lèvres à cet instant présent, évoquer la mémoire de son père alors que sa maman s’apprêtait à sortir avec un autre homme, lui avait paru une remarque stupide. elle avait peur d’avoir fait une erreur en parlant de son père mais Marie était si préoccupée par ce qu’elle devait mettre qu’elle ne prêta pas attention à sa remarque. Marie pris toutes les affaires choisies par sa fille et passa dans la salle de bains pour terminer de se préparer. Elle se sécha les cheveux et se maquilla puis s’habilla. Lorsqu’elle se présenta devant sa fille, celle-ci lui dit qu’elle était vraiment la plus belle des mamans et qu’elle était très fière d’être la fille d’une si jeune maman !! Ses deux filles aimaient plaisanter sur l’âge de leur mère. Marie se sentit comme une collégienne à un premier rendez-vous. Mère et fille avaient à peine eu le temps de se dire quelques mots que la sonnette de l’interphone retentit. Marie répondit à Christophe qu’elle descendait tout de suite. Le temps d’embrasser sa fille, qui aurait bien voulu descendre aussi avec elle si elle n’avait pas essuyé un refus catégorique, Marie fila comme l’éclair. Emilie se dirigea vers la fenêtre pour tenter d’apercevoir ce fameux Christophe. De dos elle aperçut sa mère au bras d’un homme, très élégant semblait-il, et galant de surcroît. Il venait d’ouvrir la portière passager pour permettre à sa mère de s’installer. Délicatement, il referma la porte et fit le tour de la voiture, c’est à cet instant qu’Emilie put enfin distinguer son visage. Sa mère avait raison, c’était un bel homme d’une quarantaine d’années. Elle eut un petit sourire car elle se réjouissait de voir que sa maman semblait enfin heureuse de sortir. Avant de s’éloigner, Marie fit mine d’envoyer à sa fille un bisou puis ils disparurent.

La soirée fut conviviale et les invités s’amusèrent énormément. Maïlis avait préparé de nombreux jeux auxquels tout le monde participa avec plaisir. L’ensemble des convives plaisantaient et riaient beaucoup d’autant que l’alcool coulait à flot et que les verres sitôt vidés étaient remplis à nouveau par une charmante serveuse. Comme à son habitude Maïlis avait tout prévu. Le service était parfait, elle avait rapatrié tout le personnel de son restaurant et elle avait loué les services d’un DJ qui avait tout à fait compris quel devait être le style musical de la soirée. Tous les tubes des années 70 et 80 furent bientôt épuisés, ce fut au tour des années 50 et 60. Maïlis avait installé une piste de danse autour de la piscine qui ne désemplissait pas. Le buffet était sans cesse réapprovisionné lui aussi de nouveaux mets toujours très succulents et suffisamment variés pour satisfaire tout le monde. La soirée battit son plein jusqu’à quatre du matin, puis petit à petit les invités s’éclipsèrent. Vers six heures, il ne restait que les intimes dont Marie accompagnée de Christophe. Il avait été apprécié par tous et en particulier par Maïlis. Il n’avait pas hésité à inviter toutes les femmes à danser. C’était un excellent rockeur, il avait participé à tous les jeux avec humour, faisant rire tout le monde. Il n’avait pas hésité à donner un coup de main. Ils semblaient très complices avec Marie tant et si bien que Maïlis comme d’autres s’étonnèrent qu’ils ne se connaissent que depuis si peu de temps. Juste avant sept heures du matin, Maïlis proposa à tous ceux qui étaient encore là de prendre un petit déjeuner avant de regagner leur foyer pour un repos largement mérité …. Elle avait fait venir du pain tout chaud, des croissants et des brioches. Le café fut servi alors que le soleil pointait le bout de son nez. Puis tous rejoignirent leur voiture pour rentrer chez eux.

Christophe raccompagna Marie et la remercia pour cette merveille soirée. Il lui promit que la prochaine fois, ce serait à son tour d’organiser une fête chez lui, en lui demandant de bien vouloir inviter de sa part Maïlis et son mari. La fête devait avoir lieu en fin de semaine suivante. Il lui promit de lui envoyer une invitation d’ici un ou deux jours où tout serait expliqué. Christophe vint ouvrir la portière de Marie et l’embrassa sur la joue très affectueusement. Ils se quittèrent en se promettant de très vite se rappeler. Que devait-elle faire, l’inviter à monter, rien ne lui paraissait approprié. Christophe était tout à la fois proche et distant. Avec Max, elle n’avait pas saisi cette chance, et désormais il était parti, et sans doute ne se reverraient-ils jamais. Marie ne comprenait plus rien à sa vie. Elle se remettait en cause. Elle était plutôt jolie mais les hommes semblaient la fuir ou était-ce elle qui les décourageait sans se rendre compte de ce qu’elle faisait dans ce sens. Elle regrettait le temps où seul son mari comptait. La vie avec lui était si simple, il l’aimait plus que tout et sans qu’elle n’ait rien à dire, il savait ce dont elle avait besoin, ce qui lui faisait plaisir…

Elle laissa donc partir Christophe sans rien dire. En rentrant chez elle, Marie se fit une tasse de thé qu’elle but assise dans son canapé où elle s’assoupit pour faire tout un tas de rêves bizarres où tous les événements de ces dernières semaines se bousculaient, se mélangeaient puis explosaient…

A demi-réveillée, elle se mit à songer à Max, elle regrettait de ne pas pouvoir en discuter avec lui pour obtenir son aide. Elle avait imaginé, fut un temps, que tout ce qui lui arrivait était en partie grâce à lui mais rien n’allait plus vraiment aujourd’hui, tout s’était détraqué. Pourquoi ? Dans son rêve, elle avait revécu cette fameuse journée où Max et Sophie l’avaient interpellée tandis qu’elle se trouvait dans son appartement. Toutes ces situations n’avaient pas de sens, elles étaient incohérentes. Comment s’étaient-ils retrouvés chez elle, Marie n’avait aucun souvenir de leur avoir ouvert la porte d’entrée. Ce jour-là, elle avait cru perdre la tête mais peut-être avait-elle tout simplement rêvé et rien de ce qui s’était produit n’avait réellement eu lieu. Max, que savait-elle de lui en dehors de son prénom. Elle n’avait ni son nom, ni une adresse, pas même un numéro de téléphone où le joindre. Et ses invitations qu’il lui avait faites dans des lieux insolites dont elle n’avait jamais entendu parler et qu’elle n’arrivait même pas à retrouver. Devenait-elle folle ? Perdait-elle la tête ? La sonnerie de son portable la réveilla totalement. C’était Jules qui venait aux nouvelles et en profitait pour lui demander si elle pouvait lui faire l’ourlet de l’un de ses pantalons. Marie lui proposa de passait en fin de journée s’il le souhaitait.

Il était quinze heures. Elle se dirigea vers la cuisine pour se préparer un petit casse-croûte quand son téléphone sonna à nouveau. C’était son frère cette fois, il venait prendre des nouvelles de sa sœurette comme il en avait l’habitude.

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