L’Amour Heureux (et si c’était vrai !!!!)

14 mins

Merci à tous ceux qui tous les jours m’inspirent.

Cette fois, c’est en lisant tous vos textes magnifiques certes, mais si tristes que j’ai voulu vous offrir ces très beaux poèmes d’auteurs connus et inconnus qui ont écrit leur bonheur d’être aimés et d’aimer. Sans doute la plupart d’entre nous n’éprouvons pas le besoin d’écrire lorsque que notre bonheur est parfait, alors pour tous ceux qui, un jour ont été tristes à pleurer, malheureux comme les pierres ou désespérés au point de vouloir disparaître dans un trou de souris, je vous confirme que bon nombre de personnes voire une grande majorité est du bon côté de la balance et que bientôt vous y serez aussi.

Ni vous sans moi de Marie de France

(1160-1210) Moyen âge



D’eux deux il en fut ainsi

Comme il en est du chèvrefeuille

Qui au coudrier se prend :

Quand il s’est enlacé et pris

Et tout autour du fût s’est mis,

Ensemble ils peuvent bien durer ;

Qui les veut ensuite désunir

Fait tôt le coudrier mourir

Et le chèvrefeuille avec lui.

– Belle amie, ainsi est de nous :

Ni vous sans moi, ni moi sans vous.

Je suis aimé de la plus belle de Clément Marot

XVIème siècle



Je suis aimé de la plus belle

Qui soit vivant dessous les cieux :

Encontre tous faux envieux

Je la soutiendrai être telle.

Si Cupido doux et rebelle

Avait débandé ses deux yeux,

Pour voir son maintien gracieux,

Je crois qu’amoureux serait d’elle.

Vénus, la Déesse immortelle,

Tu as fait mon cœur bien heureux,

De l’avoir fait être amoureux

D’une si noble Damoiselle.

Éloge de l’amour de Jean de La Fontaine

(1621-1695) XVIIème siècle

Recueil : Les Amours de Psyché (1669).



Tout l’Univers obéit à l’Amour ;

Belle Psyché, soumettez-lui votre âme.

Les autres dieux à ce dieu font la cour,

Et leur pouvoir est moins doux que sa flamme.

Des jeunes cœurs c’est le suprême bien

Aimez, aimez ; tout le reste n’est rien.

Sans cet Amour, tant d’objets ravissants,

Lambris dorés, bois, jardins, et fontaines,

N’ont point d’appâts qui ne soient languissants,

Et leurs plaisirs sont moins doux que ses peines.

Des jeunes cœurs c’est le suprême bien

Aimez, aimez ; tout le reste n’est rien.

Se voir le plus possible d’Alfred de Musset

XIXeme siècle

Se voir le plus possible et s’aimer seulement,

Sans ruse et sans détours, sans honte ni mensonge,

Sans qu’un désir nous trompe, ou qu’un remords nous ronge,

Vivre à deux et donner son cœur à tout moment ;

Respecter sa pensée aussi loin qu’on y plonge,

Faire de son amour un jour au lieu d’un songe,

Et dans cette clarté respirer librement –

Ainsi respirait Laure et chantait son amant.

Vous dont chaque pas touche à la grâce suprême,

C’est vous, la tête en fleurs, qu’on croirait sans souci,

C’est vous qui me disiez qu’il faut aimer ainsi.

Et c’est moi, vieil enfant du doute et du blasphème,

Qui vous écoute, et pense, et vous réponds ceci :

Oui, l’on vit autrement, mais c’est ainsi qu’on aime.

Réflexion amoureuse de Évariste de Parny

(1753-1814)

Recueil : Poésies érotiques (1778).



Je vais la voir, la presser dans mes bras.

Mon cœur ému palpite avec vitesse ;

Des voluptés je sens déjà l’ivresse ;

Et le désir précipite mes pas.

Sachons pourtant, près de celle que j’aime,

Donner un frein aux transports du désir ;

Sa folle ardeur abrège le plaisir,

Et trop d’amour peut nuire à l’amour même.

T’aimer est le bonheur suprême de Évariste de Parny

(1753-1814)

Recueil : Poésies érotiques (1778).



Oui, j’en atteste la nuit sombre

Confidente de nos plaisirs,

Et qui verra toujours son ombre

Disparaître avant mes désirs ;

J’atteste l’étoile amoureuse

Qui pour voler au rendez-vous

Me prête sa clarté douteuse ;

Je prends à témoin ce verrou

Qui souvent réveilla ta mère,

Et cette parure étrangère

Qui trompe les regards jaloux ;

Enfin, j’en jure par toi-même,

Je veux dire par tous mes Dieux,

T’aimer est le bonheur suprême,

Il n’en est point d’autre à mes yeux.

Viens donc, ô ma belle maîtresse,

Perdre tes soupçons dans mes bras.

Viens t’assurer de ma tendresse,

Et du pouvoir de tes appas.

Cherchons des voluptés nouvelles ;

Inventons de plus doux désirs ;

L’amour cachera sous ses ailes

Notre fureur et nos plaisirs.

Aimons, ma chère Éléonore :

Aimons au moment du réveil ;

Aimons au lever de l’aurore ;

Aimons au coucher du soleil ;

Durant la nuit aimons encore.

L’amour de Victoire Babois

(1760-1839)

Recueil : Élégies et poésies diverses (1828).

Tout n’est qu’amour dans la nature

Pour un cœur enflammé d’amour :

Le printemps nous rend la verdure

Pour offrir un trône à l’amour ;

L’astre brillant de la lumière

Devient le flambeau de l’amour ;

La nuit sur la nature entière

Etend le bandeau de l’amour.

Clarté naissante de l’aurore,

C’est l’espoir d’un naissant amour ;

Chaque printemps reçoit de Flore

Les seuls dons qu’ose offrir l’amour.

Des bosquets le silence et l’ombre

Protègent doux pensers d’amour ;

Le soir, dans la forêt plus sombre,

Echo redit chanson d’amour.

Ruisseau murmure dans la plaine

Les tendres plaintes de l’amour ;

De Zéphirs l’amoureuse haleine

Prolonge un soupir de l’amour.

Sur le feuillage qu’il anime

L’oiseau naît pour chanter l’amour ;

Et le cœur même qu’il opprime

Se plaît à célébrer l’amour.

Craignons la foudre et sa furie

Moins qu’un orage de l’amour ;

Craignons moins de perdre la vie

Que de survivre à notre amour.

Songeons qu’avide jouissance

Traîne après soi regrets d’amour,

Et qu’en altérant l’innocence,

Nous altérons aussi l’amour.

Premier amour de Charles-Augustin Sainte-Beuve

(1804-1869)

Recueil : Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme (1829).

Printemps, que me veux-tu ? pourquoi ce doux sourire,

Ces fleurs dans tes cheveux et ces boutons naissants ?

Pourquoi dans les bosquets cette voix qui soupire,

Et du soleil d’avril ces rayons caressants ?

Printemps si beau, ta vue attriste ma jeunesse ;

De biens évanouis tu parles à mon cœur ;

Et d’un bonheur prochain ta riante promesse

M’apporte un long regret de mon premier bonheur.

Un seul être pour moi remplissait la nature ;

En ses yeux je puisais la vie et l’avenir ;

Au souffle harmonieux de sa voix calme et pure,

Vers un plus frais matin je croyais rajeunir.

Ô combien je l’aimais ! et c’était en silence !

De son front virginal arrosé de pudeur,

De sa bouche où nageait tant d’heureuse indolence,

Mon souffle aurait terni l’éclatante candeur.

Par instants j’espérais. Bonne autant qu’ingénue,

Elle me consolait du sort trop inhumain ;

Je l’avais vue un jour rougir à ma venue,

Et sa main par hasard avait touché ma main.

Romance de Gérard de Nerval

(1808-1855)

Recueil : Poèmes divers.

Ah ! sous une feinte allégresse

Ne nous cache pas ta douleur !

Tu plais autant par ta tristesse

Que par ton sourire enchanteur

À travers la vapeur légère

L’Aurore ainsi charme les yeux ;

Et, belle en sa pâle lumière,

La nuit, Phœbé charme les cieux.

Qui te voit, muette et pensive,

Seule rêver le long du jour,

Te prend pour la vierge naïve

Qui soupire un premier amour ;

Oubliant l’auguste couronne

Qui ceint tes superbes cheveux,

À ses transports il s’abandonne,

Et sent d’amour les premiers feux !

À Madame Henri Heine Gérard de Nerval

(1808-1855)

Recueil : Poèmes divers.

Vous avez des yeux noirs, et vous êtes si belle,

Que le poète en vous voit luire l’étincelle

Dont s’anime la force et que nous envions :

Le génie à son tour embrase toute chose ;

Il vous rend sa lumière, et vous êtes la rose

Qui s’embellit sous ses rayons.

Je l’aime d’amour profond de Théophile Gautier

(1811-1872)

Recueil : Élégies (1830).

Élégie VI.

Nuit et jour, malgré moi, lorsque je suis loin d’elle,

A ma pensée ardente un souvenir fidèle

La ramène ; — il me semble ouïr sa douce voix

Comme le chant lointain d’un oiseau ; je la vois

Avec son collier d’or, avec sa robe blanche,

Et sa ceinture bleue, et la fraîche pervenche

De son chapeau de paille, et le sourire lin

Qui découvre ses dents de perle, — telle enfin

Que je la vis un soir dans ce bois de vieux ormes

Qui couvrent le chemin de leurs ombres difformes ;

Et je l’aime d’amour profond : car ce n’est pas

Une femme au teint pâle, et mesurant ses pas

Au regard nuagé de langueur, une Anglaise

Morne comme le ciel de Londres, qui se plaise

La tête sur sa main à rêver longuement,

A lire Grandisson et Werther, non vraiment ;

Mais une belle enfant inconstante et frivole,

Qui ne rêve jamais ; une brune créole

Aux grands sourcils arqués; aux longs yeux de velours

Dont les regards furtifs vous poursuivent toujours ;

A la taille élancée, à la gorge divine,

Que sous les plis du lin la volupté devine.

À deux beaux yeux de Théophile Gautier

(1811-1872)

Recueil : La comédie de la mort (1838).

Vous avez un regard singulier et charmant ;

Comme la lune au fond du lac qui la reflète,

Votre prunelle, où brille une humide paillette,

Au coin de vos doux yeux roule languissamment ;

Ils semblent avoir pris ses feux au diamant ;

Ils sont de plus belle eau qu’une perle parfaite,

Et vos grands cils émus, de leur aile inquiète,

Ne voilent qu’à demi leur vif rayonnement.

Mille petits amours, à leur miroir de flamme,

Se viennent regarder et s’y trouvent plus beaux,

Et les désirs y vont rallumer leurs flambeaux.

Ils sont si transparents, qu’ils laissent voir votre âme,

Comme une fleur céleste au calice idéal

Que l’on apercevrait à travers un cristal.

Beaucoup d’amour de Pierre-Jean de Béranger

(1780-1857)

Recueil : Toutes les chansons de Béranger (1843).

Malgré la voix de la sagesse,

Je voudrais amasser de l’or :

Soudain aux pieds de ma maîtresse

J’irais déposer mon trésor.

Adèle, à ton moindre caprice

Je satisferais chaque jour.

Non, non, je n’ai point d’avarice,

Mais j’ai beaucoup, beaucoup d’amour.

Pour immortaliser Adèle,

Si des chants m’étaient inspirés,

Mes vers, où je ne peindrais qu’elle,

A jamais seraient admirés.

Puissent ainsi dans la mémoire

Nos deux noms se graver un jour !

Je n’ai point l’amour de la gloire,

Mais j’ai beaucoup, beaucoup d’amour.

Que la Providence m’élève

Jusqu’au trône éclatant des rois,

Adèle embellira ce rêve :

Je lui céderai tout mes droits.

Pour être plus sûr de lui plaire,

Je voudrais me voir une cour.

D’ambition je n’en ai guère,

Mais j’ai beaucoup, beaucoup d’amour.

Mais quel vain désir m’importune ?

Adèle comble tous mes vœux.

L’éclat, le renom, la fortune,

Moins que l’amour rendent heureux.

A mon bonheur je puis donc croire,

Et du sort braver le retour !

Je n’ai ni bien, ni rang, ni gloire,

Mais j’ai beaucoup, beaucoup d’amour.

Lise (Mai 1843) de Victor Hugo

(1802-1885) XIXème siècle

Recueil : Les contemplations (1856).

J’avais douze ans ; elle en avait bien seize.

Elle était grande, et, moi, j’étais petit.

Pour lui parler le soir plus à mon aise,

Moi, j’attendais que sa mère sortît ;

Puis je venais m’asseoir près de sa chaise

Pour lui parler le soir plus à mon aise.

Que de printemps passés avec leurs fleurs !

Que de feux morts, et que de tombes closes !

Se souvient-on qu’il fut jadis des cœurs ?

Se souvient-on qu’il fut jadis des roses ?

Elle m’aimait. Je l’aimais. Nous étions

Deux purs enfants, deux parfums, deux rayons.

Dieu l’avait faite ange, fée et princesse.

Comme elle était bien plus grande que moi,

Je lui faisais des questions sans cesse

Pour le plaisir de lui dire : Pourquoi ?

Et par moments elle évitait, craintive,

Mon œil rêveur qui la rendait pensive.

Puis j’étalais mon savoir enfantin,

Mes jeux, la balle et la toupie agile ;

J’étais tout fier d’apprendre le latin ;

Je lui montrais mon Phèdre et mon Virgile ;

Je bravais tout ; rien ne me faisait mal ;

Je lui disais : Mon père est général.

Quoiqu’on soit femme, il faut parfois qu’on lise

Dans le latin, qu’on épelle en rêvant ;

Pour lui traduire un verset, à l’église,

Je me penchais sur son livre souvent.

Un ange ouvrait sur nous son aile blanche,

Quand nous étions à vêpres le dimanche.

Elle disait de moi : C’est un enfant !

Je l’appelais mademoiselle Lise.

Pour lui traduire un psaume, bien souvent,

Je me penchais sur son livre à l’église ;

Si bien qu’un jour, vous le vîtes, mon Dieu !

Sa joue en fleur toucha ma lèvre en feu.

Jeunes amours, si vite épanouies,

Vous êtes l’aube et le matin du cœur.

Charmez l’enfant, extases inouïes !

Et quand le soir vient avec la douleur,

Charmez encor nos âmes éblouies,

Jeunes amours, si vite épanouies !

Le meilleur moment des amours de René-François Sully Prudhomme

(1839-1907)

Recueil : Stances et poèmes (1865).



Le meilleur moment des amours

N’est pas quand on a dit : « Je t’aime. »

Il est dans le silence même

À demi rompu tous les jours ;

Il est dans les intelligences

Promptes et furtives des cœurs ;

Il est dans les feintes rigueurs

Et les secrètes indulgences ;

Il est dans le frisson du bras

Où se pose la main qui tremble,

Dans la page qu’on tourne ensemble

Et que pourtant on ne lit pas.

Heure unique où la bouche close

Par sa pudeur seule en dit tant ;

Où le cœur s’ouvre en éclatant

Tout bas, comme un bouton de rose ;

Où le parfum seul des cheveux

Parait une faveur conquise !

Heure de la tendresse exquise

Où les respects sont des aveux.

Tous deux de François-Marie Robert-Dutertre

(1815-1898)

Recueil : Les loisirs lyriques (1866).

Tous deux, pour nos amours invoquons le mystère,

Cachons à tous les yeux nos entretiens si doux ;

Car l’amour, vois-tu bien, c’est la fleur solitaire,

C’est l’oiseau qui s’enfuit au regard des jaloux.

Tous deux, quand le printemps ornera les prairies,

Pour mieux nous sentir seuls loin des bruits d’ici-bas,

Nous irons épancher nos douces rêveries

Sous les bosquets en fleurs où l’on parle tout bas.

Tous deux, nous goûterons des amours infinies,

Ma main pressant ta main, mes yeux cherchant tes yeux,

Nos cœurs se parleront sur nos lèvres unies

Et nous irons un jour ensemble vers les cieux.

Première soirée d’Arthur Rimbaud

(1854-1891)

Recueil : Poésies (1870-1871).

– Elle était fort déshabillée

Et de grands arbres indiscrets

Aux vitres jetaient leur feuillée

Malinement, tout près, tout près.

Assise sur ma grande chaise,

Mi-nue, elle joignait les mains.

Sur le plancher frissonnaient d’aise

Ses petits pieds si fins, si fins.

– Je regardai, couleur de cire,

Un petit rayon buissonnier

Papillonner dans son sourire

Et sur son sein, – mouche au rosier.

– Je baisai ses fines chevilles.

Elle eut un doux rire brutal

Qui s’égrenait en claires trilles,

Un joli rire de cristal.

Les petits pieds sous la chemise

Se sauvèrent : “Veux-tu finir !”

– La première audace permise,

Le rire feignait de punir !

– Pauvrets palpitants sous ma lèvre,

Je baisai doucement ses yeux :

– Elle jeta sa tête mièvre

En arrière : “Oh ! c’est encor mieux !…

Monsieur, j’ai deux mots à te dire…”

– Je lui jetai le reste au sein

Dans un baiser, qui la fit rire

D’un bon rire qui voulait bien…

– Elle était fort déshabillée

Et de grands arbres indiscrets

Aux vitres jetaient leur feuillée

Malinement, tout près, tout près.

À Aimée d’Alton d’Alfred de Musset

(1810-1857)

Recueil : Poésies posthumes (1888).

Déesse aux yeux d’azur, aux épaules d’albâtre,

Belle muse païenne au sourire adoré,

Viens, laisse-moi presser de ma lèvre idolâtre

Ton front qui resplendit sous un pampre doré.

Vois-tu ce vert sentier qui mène à la colline ?

Là, je t’embrasserai sous le clair firmament,

Et de la tiède nuit la lueur argentine

Sur tes contours divins flottera mollement.

Tu vis en toutes les femmes DE Paul Verlaine

(1844-1896)

Recueil : Chair (1896).

Car tu vis en toutes les femmes

Et toutes les femmes c’est toi.

Et tout l’amour qui soit, c’est moi

Brûlant pour toi de mille flammes.

Ton sourire tendre ou moqueur,

Tes yeux, mon Styx ou mon Lignon,

Ton sein opulent ou mignon

Sont les seuls vainqueurs de mon cœur.

Et je mords à ta chevelure

Longue ou frisée, en haut, en bas,

Noire ou rouge et sur l’encolure

Et là ou là — et quels repas !

Et je bois à tes lèvres fines

Ou grosses, — à la Lèvre, toute !

Et quelles ivresses en route,

Diaboliques et divines !

Car toute la femme est en toi

Et ce moi que tu multiplies

T’aime en toute Elle et tu rallies

En toi seule tout l’amour : Moi !

À celle que j’aime de Nérée Beauchemin

(1850-1931)

Recueil : Les floraisons matutinales (1897).

Dans ta mémoire immortelle,

Comme dans le reposoir

D’une divine chapelle,

Pour celui qui t’est fidèle,

Garde l’amour et l’espoir.

Garde l’amour qui m’enivre,

L’amour qui nous fait rêver ;

Garde l’espoir qui fait vivre ;

Garde la foi qui délivre,

La foi qui nous doit sauver.

L’espoir, c’est de la lumière,

L’amour, c’est une liqueur,

Et la foi, c’est la prière.

Mets ces trésors, ma très chère,

Au plus profond de ton cœur.

Avec mes sens d’Émile Verhaeren

(1855-1916) XXème siècle

Recueil : Les heures d’après-midi (1905).

Avec mes sens, avec mon cœur et mon cerveau,

Avec mon être entier tendu comme un flambeau

Vers ta bonté et vers ta charité

Sans cesse inassouvies,

Je t’aime et te louange et je te remercie

D’être venue, un jour, si simplement,

Par les chemins du dévouement,

Prendre, en tes mains bienfaisantes, ma vie.

Depuis ce jour,

Je sais, oh ! quel amour

Candide et clair ainsi que la rosée

Tombe de toi sur mon âme tranquillisée.

Je me sens tien, par tous les liens brûlants

Qui rattachent à leur brasier les flammes ;

Toute ma chair, toute mon âme

Monte vers toi, d’un inlassable élan ;

Je ne cesse de longuement me souvenir

De ta ferveur profonde et de ton charme,

Si bien que, tout à coup, je sens mes yeux s’emplir,

Délicieusement, d’inoubliables larmes.

Et je m’en viens vers toi, heureux et recueilli,

Avec le désir fier d’être à jamais celui

Qui t’est et te sera la plus sûre des joies.

Toute notre tendresse autour de nous flamboie ;

Tout écho de mon être à ton appel répond ;

L’heure est unique et d’extase solennisée

Et mes doigts sont tremblants, rien qu’à frôler ton front,

Comme s’ils y touchaient l’aile de tes pensées.

Avec le même amour d’Émile Verhaeren

(1855-1916)

Recueil : Les heures du soir (1911).



Avec le même amour que tu me fus jadis

Un jardin de splendeur dont les mouvants taillis

Ombraient les longs gazons et les roses dociles,

Tu m’es en ces temps noirs un calme et sûr asile.

Tout s’y concentre, et ta ferveur et ta clarté

Et tes gestes groupant les fleurs de ta bonté,

Mais tout y est serré dans une paix profonde

Contre les vents aigus trouant l’hiver du monde.

Mon bonheur s’y réchauffe en tes bras repliés

Tes jolis mots naïfs et familiers,

Chantent toujours, aussi charmants à mon oreille

Qu’aux temps des lilas blancs et des rouges groseilles.

Ta bonne humeur allègre et claire, oh ! je la sens

Triompher jour à jour de la douleur des ans,

Et tu souris toi-même aux fils d’argent qui glissent

Leur onduleux réseau parmi tes cheveux lisses.

Quant ta tête s’incline à mon baiser profond,

Que m’importe que des rides marquent ton front

Et que tes mains se sillonnent de veines dures

Alors que je les tiens entre mes deux mains sûres !

Tu ne te plains jamais et tu crois fermement

Que rien de vrai ne meurt quand on s’aime dûment,

Et que le feu vivant dont se nourrit notre âme

Consume jusqu’au deuil pour en grandir sa flamme.

L’Amoureuse
  Paul Eluard

(1895-1952)   

Recueil: Capitale de la douleur (1926)

Elle est debout sur mes paupières

Et ses cheveux sont dans les miens,

Elle a la forme de mes mains,

Elle a la couleur de mes yeux,

Elle s’engloutit dans mon ombre

Comme une pierre sur le ciel.

Elle a toujours les yeux ouverts

Et ne me laisse pas dormir.

Ses rêves en pleine lumière

Font s’évaporer les soleils,

Me font rire, pleurer et rire,

Parler sans avoir rien à dire.

Nous dormirons ensemble de Louis Aragon

(1897-1982)

Recueil : Le Fou d’Elsa (1963).

Que ce soit dimanche ou lundi

Soir ou matin minuit midi

Dans l’enfer ou le paradis

Les amours aux amours ressemblent

C’était hier que je t’ai dit

Nous dormirons ensemble

C’était hier et c’est demain

Je n’ai plus que toi de chemin

J’ai mis mon cœur entre tes mains

Avec le tien comme il va l’amble

Tout ce qu’il a de temps humain

Nous dormirons ensemble

Mon amour ce qui fut sera

Le ciel est sur nous comme un drap

J’ai refermé sur toi mes bras

Et tant je t’aime que j’en tremble

Aussi longtemps que tu voudras

Nous dormirons ensemble.

Il n’y a pas d’âge pour notre Amour de

Margaret Bourot

(Printemps des poètes) XXIème siècle

J’aime les rides sinueuses de ton tendre visage,

Elles me racontent l’aventure de notre vie.

J’aime caresser ta peau usée et sauvage,

Elle me fait voyager dans des émois infinis.

J’aime le bleuté de tes yeux devenus sages,

Ils m’assurent que ma beauté n’a pas d’âge.

J’aime tes lèvres que les ans ont irisées,

Elles m’embrassent toujours avec chaleur.

J’aime ton rire mature et tremblé,

Il apaise et estompe mes peurs.

J’aime la pudeur de nos corps enlacés,

Ils prennent, à présent, le temps de se désirer.

J’aime tes mains douces et rugueuses,

Elles câlinent sans grief mes contours alourdis.

J’aime nos passions maladroites et amoureuses,

Elles comprennent que nous avons vieilli.

J’aime cet homme et cette femme que l’on dit vieux,

Ne riment plus avec jeunesse mais avec heureux.

Je t’aime mon Ami, mon Amant, mon Amour,

Je t’aime, parce qu’il n’y a pas d’âge pour l’Amour.

Saveurs d’interdit de MaHé

1986

Ses mains ont enfin su découvrir son corps

Elles ont su effleurer et faire vibrer sa peau.

Sa bouche a savouré chaque partie de son être

Elle a su faire tourner sa tête enivrée.

Ses doigts l’ont arrosé avec une telle douceur

Ils ont su découvrir son âme et puis son cœur

Son corps tout entier l’a comblée de bonheur

Son corps déchiré par l’amours et les pleurs.

Il a su ouvrir les yeux pour mieux la savourer

Ses mains ont aussi découvert son cœur

Elles ont su effleurer et faire vibrer son corps

Sa bouche a savouré chaque partie de son être.

Mais a-t-elle su faire tourner sa tête si bien vissée ?

Ses doigts l’ont caressée avec une telle ardeur

Mais ont-ils pu trouver son âme ou bien son cœur ?

Son corps tout entier s’est offert sans réserve

A ce corps déchiré par l’amour et les rêves.

Il a ouvert les yeux

Et gémit dans son cou,

Elle a senti son corps tout entier s’envoler

Puis son corps a brisé les liens qui l’entravaient

A un passé, enfermé désormais dans ses songes.

Elle est aujourd’hui libre de penser

  De parler ou de rire,

Sa voix reste muette mais son corps

Tout entier clame cette liberté.

Ils savourent la joie de s’être retrouvés

D’avoir su surmonter des peurs ancestrales.

Elle boit ce délicieux nectar qu’est la vie

Elle respire ce délicat parfum qui fait

Que la vie a ce goût onctueux de

L’enfant et du lait, de la femme et du blé,

De l’homme et du café…

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5 années il y a

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