Merci à tous ceux qui tous les jours m’inspirent.
Cette fois, c’est en lisant tous vos textes magnifiques certes, mais si tristes que j’ai voulu vous offrir ces très beaux poèmes d’auteurs connus et inconnus qui ont écrit leur bonheur d’être aimés et d’aimer. Sans doute la plupart d’entre nous n’éprouvons pas le besoin d’écrire lorsque que notre bonheur est parfait, alors pour tous ceux qui, un jour ont été tristes à pleurer, malheureux comme les pierres ou désespérés au point de vouloir disparaître dans un trou de souris, je vous confirme que bon nombre de personnes voire une grande majorité est du bon côté de la balance et que bientôt vous y serez aussi.
Ni vous sans moi de Marie de France
(1160-1210) Moyen âge
D’eux deux il en fut ainsi
Comme il en est du chèvrefeuille
Qui au coudrier se prend :
Quand il s’est enlacé et pris
Et tout autour du fût s’est mis,
Ensemble ils peuvent bien durer ;
Qui les veut ensuite désunir
Fait tôt le coudrier mourir
Et le chèvrefeuille avec lui.
– Belle amie, ainsi est de nous :
Ni vous sans moi, ni moi sans vous.
Je suis aimé de la plus belle de Clément Marot
XVIème siècle
Je suis aimé de la plus belle
Qui soit vivant dessous les cieux :
Encontre tous faux envieux
Je la soutiendrai être telle.
Si Cupido doux et rebelle
Avait débandé ses deux yeux,
Pour voir son maintien gracieux,
Je crois qu’amoureux serait d’elle.
Vénus, la Déesse immortelle,
Tu as fait mon cœur bien heureux,
De l’avoir fait être amoureux
D’une si noble Damoiselle.
Éloge de l’amour de Jean de La Fontaine
(1621-1695) XVIIème siècle
Recueil : Les Amours de Psyché (1669).
Tout l’Univers obéit à l’Amour ;
Belle Psyché, soumettez-lui votre âme.
Les autres dieux à ce dieu font la cour,
Et leur pouvoir est moins doux que sa flamme.
Des jeunes cœurs c’est le suprême bien
Aimez, aimez ; tout le reste n’est rien.
Sans cet Amour, tant d’objets ravissants,
Lambris dorés, bois, jardins, et fontaines,
N’ont point d’appâts qui ne soient languissants,
Et leurs plaisirs sont moins doux que ses peines.
Des jeunes cœurs c’est le suprême bien
Aimez, aimez ; tout le reste n’est rien.
Se voir le plus possible d’Alfred de Musset
XIXeme siècle
Se voir le plus possible et s’aimer seulement,
Sans ruse et sans détours, sans honte ni mensonge,
Sans qu’un désir nous trompe, ou qu’un remords nous ronge,
Vivre à deux et donner son cœur à tout moment ;
Respecter sa pensée aussi loin qu’on y plonge,
Faire de son amour un jour au lieu d’un songe,
Et dans cette clarté respirer librement –
Ainsi respirait Laure et chantait son amant.
Vous dont chaque pas touche à la grâce suprême,
C’est vous, la tête en fleurs, qu’on croirait sans souci,
C’est vous qui me disiez qu’il faut aimer ainsi.
Et c’est moi, vieil enfant du doute et du blasphème,
Qui vous écoute, et pense, et vous réponds ceci :
Oui, l’on vit autrement, mais c’est ainsi qu’on aime.
Réflexion amoureuse de Évariste de Parny
(1753-1814)
Recueil : Poésies érotiques (1778).
Je vais la voir, la presser dans mes bras.
Mon cœur ému palpite avec vitesse ;
Des voluptés je sens déjà l’ivresse ;
Et le désir précipite mes pas.
Sachons pourtant, près de celle que j’aime,
Donner un frein aux transports du désir ;
Sa folle ardeur abrège le plaisir,
Et trop d’amour peut nuire à l’amour même.
T’aimer est le bonheur suprême de Évariste de Parny
(1753-1814)
Recueil : Poésies érotiques (1778).
Oui, j’en atteste la nuit sombre
Confidente de nos plaisirs,
Et qui verra toujours son ombre
Disparaître avant mes désirs ;
J’atteste l’étoile amoureuse
Qui pour voler au rendez-vous
Me prête sa clarté douteuse ;
Je prends à témoin ce verrou
Qui souvent réveilla ta mère,
Et cette parure étrangère
Qui trompe les regards jaloux ;
Enfin, j’en jure par toi-même,
Je veux dire par tous mes Dieux,
T’aimer est le bonheur suprême,
Il n’en est point d’autre à mes yeux.
Viens donc, ô ma belle maîtresse,
Perdre tes soupçons dans mes bras.
Viens t’assurer de ma tendresse,
Et du pouvoir de tes appas.
Cherchons des voluptés nouvelles ;
Inventons de plus doux désirs ;
L’amour cachera sous ses ailes
Notre fureur et nos plaisirs.
Aimons, ma chère Éléonore :
Aimons au moment du réveil ;
Aimons au lever de l’aurore ;
Aimons au coucher du soleil ;
Durant la nuit aimons encore.
L’amour de Victoire Babois
(1760-1839)
Recueil : Élégies et poésies diverses (1828).
Tout n’est qu’amour dans la nature
Pour un cœur enflammé d’amour :
Le printemps nous rend la verdure
Pour offrir un trône à l’amour ;
L’astre brillant de la lumière
Devient le flambeau de l’amour ;
La nuit sur la nature entière
Etend le bandeau de l’amour.
Clarté naissante de l’aurore,
C’est l’espoir d’un naissant amour ;
Chaque printemps reçoit de Flore
Les seuls dons qu’ose offrir l’amour.
Des bosquets le silence et l’ombre
Protègent doux pensers d’amour ;
Le soir, dans la forêt plus sombre,
Echo redit chanson d’amour.
Ruisseau murmure dans la plaine
Les tendres plaintes de l’amour ;
De Zéphirs l’amoureuse haleine
Prolonge un soupir de l’amour.
Sur le feuillage qu’il anime
L’oiseau naît pour chanter l’amour ;
Et le cœur même qu’il opprime
Se plaît à célébrer l’amour.
Craignons la foudre et sa furie
Moins qu’un orage de l’amour ;
Craignons moins de perdre la vie
Que de survivre à notre amour.
Songeons qu’avide jouissance
Traîne après soi regrets d’amour,
Et qu’en altérant l’innocence,
Nous altérons aussi l’amour.
Premier amour de Charles-Augustin Sainte-Beuve
(1804-1869)
Recueil : Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme (1829).
Printemps, que me veux-tu ? pourquoi ce doux sourire,
Ces fleurs dans tes cheveux et ces boutons naissants ?
Pourquoi dans les bosquets cette voix qui soupire,
Et du soleil d’avril ces rayons caressants ?
Printemps si beau, ta vue attriste ma jeunesse ;
De biens évanouis tu parles à mon cœur ;
Et d’un bonheur prochain ta riante promesse
M’apporte un long regret de mon premier bonheur.
Un seul être pour moi remplissait la nature ;
En ses yeux je puisais la vie et l’avenir ;
Au souffle harmonieux de sa voix calme et pure,
Vers un plus frais matin je croyais rajeunir.
Ô combien je l’aimais ! et c’était en silence !
De son front virginal arrosé de pudeur,
De sa bouche où nageait tant d’heureuse indolence,
Mon souffle aurait terni l’éclatante candeur.
Par instants j’espérais. Bonne autant qu’ingénue,
Elle me consolait du sort trop inhumain ;
Je l’avais vue un jour rougir à ma venue,
Et sa main par hasard avait touché ma main.
Romance de Gérard de Nerval
(1808-1855)
Recueil : Poèmes divers.
Ah ! sous une feinte allégresse
Ne nous cache pas ta douleur !
Tu plais autant par ta tristesse
Que par ton sourire enchanteur
À travers la vapeur légère
L’Aurore ainsi charme les yeux ;
Et, belle en sa pâle lumière,
La nuit, Phœbé charme les cieux.
Qui te voit, muette et pensive,
Seule rêver le long du jour,
Te prend pour la vierge naïve
Qui soupire un premier amour ;
Oubliant l’auguste couronne
Qui ceint tes superbes cheveux,
À ses transports il s’abandonne,
Et sent d’amour les premiers feux !
À Madame Henri Heine Gérard de Nerval
(1808-1855)
Recueil : Poèmes divers.
Vous avez des yeux noirs, et vous êtes si belle,
Que le poète en vous voit luire l’étincelle
Dont s’anime la force et que nous envions :
Le génie à son tour embrase toute chose ;
Il vous rend sa lumière, et vous êtes la rose
Qui s’embellit sous ses rayons.
Je l’aime d’amour profond de Théophile Gautier
(1811-1872)
Recueil : Élégies (1830).
Élégie VI.
Nuit et jour, malgré moi, lorsque je suis loin d’elle,
A ma pensée ardente un souvenir fidèle
La ramène ; — il me semble ouïr sa douce voix
Comme le chant lointain d’un oiseau ; je la vois
Avec son collier d’or, avec sa robe blanche,
Et sa ceinture bleue, et la fraîche pervenche
De son chapeau de paille, et le sourire lin
Qui découvre ses dents de perle, — telle enfin
Que je la vis un soir dans ce bois de vieux ormes
Qui couvrent le chemin de leurs ombres difformes ;
Et je l’aime d’amour profond : car ce n’est pas
Une femme au teint pâle, et mesurant ses pas
Au regard nuagé de langueur, une Anglaise
Morne comme le ciel de Londres, qui se plaise
La tête sur sa main à rêver longuement,
A lire Grandisson et Werther, non vraiment ;
Mais une belle enfant inconstante et frivole,
Qui ne rêve jamais ; une brune créole
Aux grands sourcils arqués; aux longs yeux de velours
Dont les regards furtifs vous poursuivent toujours ;
A la taille élancée, à la gorge divine,
Que sous les plis du lin la volupté devine.
À deux beaux yeux de Théophile Gautier
(1811-1872)
Recueil : La comédie de la mort (1838).
Vous avez un regard singulier et charmant ;
Comme la lune au fond du lac qui la reflète,
Votre prunelle, où brille une humide paillette,
Au coin de vos doux yeux roule languissamment ;
Ils semblent avoir pris ses feux au diamant ;
Ils sont de plus belle eau qu’une perle parfaite,
Et vos grands cils émus, de leur aile inquiète,
Ne voilent qu’à demi leur vif rayonnement.
Mille petits amours, à leur miroir de flamme,
Se viennent regarder et s’y trouvent plus beaux,
Et les désirs y vont rallumer leurs flambeaux.
Ils sont si transparents, qu’ils laissent voir votre âme,
Comme une fleur céleste au calice idéal
Que l’on apercevrait à travers un cristal.
Beaucoup d’amour de Pierre-Jean de Béranger
(1780-1857)
Recueil : Toutes les chansons de Béranger (1843).
Malgré la voix de la sagesse,
Je voudrais amasser de l’or :
Soudain aux pieds de ma maîtresse
J’irais déposer mon trésor.
Adèle, à ton moindre caprice
Je satisferais chaque jour.
Non, non, je n’ai point d’avarice,
Mais j’ai beaucoup, beaucoup d’amour.
Pour immortaliser Adèle,
Si des chants m’étaient inspirés,
Mes vers, où je ne peindrais qu’elle,
A jamais seraient admirés.
Puissent ainsi dans la mémoire
Nos deux noms se graver un jour !
Je n’ai point l’amour de la gloire,
Mais j’ai beaucoup, beaucoup d’amour.
Que la Providence m’élève
Jusqu’au trône éclatant des rois,
Adèle embellira ce rêve :
Je lui céderai tout mes droits.
Pour être plus sûr de lui plaire,
Je voudrais me voir une cour.
D’ambition je n’en ai guère,
Mais j’ai beaucoup, beaucoup d’amour.
Mais quel vain désir m’importune ?
Adèle comble tous mes vœux.
L’éclat, le renom, la fortune,
Moins que l’amour rendent heureux.
A mon bonheur je puis donc croire,
Et du sort braver le retour !
Je n’ai ni bien, ni rang, ni gloire,
Mais j’ai beaucoup, beaucoup d’amour.
Lise (Mai 1843) de Victor Hugo
(1802-1885) XIXème siècle
Recueil : Les contemplations (1856).
J’avais douze ans ; elle en avait bien seize.
Elle était grande, et, moi, j’étais petit.
Pour lui parler le soir plus à mon aise,
Moi, j’attendais que sa mère sortît ;
Puis je venais m’asseoir près de sa chaise
Pour lui parler le soir plus à mon aise.
Que de printemps passés avec leurs fleurs !
Que de feux morts, et que de tombes closes !
Se souvient-on qu’il fut jadis des cœurs ?
Se souvient-on qu’il fut jadis des roses ?
Elle m’aimait. Je l’aimais. Nous étions
Deux purs enfants, deux parfums, deux rayons.
Dieu l’avait faite ange, fée et princesse.
Comme elle était bien plus grande que moi,
Je lui faisais des questions sans cesse
Pour le plaisir de lui dire : Pourquoi ?
Et par moments elle évitait, craintive,
Mon œil rêveur qui la rendait pensive.
Puis j’étalais mon savoir enfantin,
Mes jeux, la balle et la toupie agile ;
J’étais tout fier d’apprendre le latin ;
Je lui montrais mon Phèdre et mon Virgile ;
Je bravais tout ; rien ne me faisait mal ;
Je lui disais : Mon père est général.
Quoiqu’on soit femme, il faut parfois qu’on lise
Dans le latin, qu’on épelle en rêvant ;
Pour lui traduire un verset, à l’église,
Je me penchais sur son livre souvent.
Un ange ouvrait sur nous son aile blanche,
Quand nous étions à vêpres le dimanche.
Elle disait de moi : C’est un enfant !
Je l’appelais mademoiselle Lise.
Pour lui traduire un psaume, bien souvent,
Je me penchais sur son livre à l’église ;
Si bien qu’un jour, vous le vîtes, mon Dieu !
Sa joue en fleur toucha ma lèvre en feu.
Jeunes amours, si vite épanouies,
Vous êtes l’aube et le matin du cœur.
Charmez l’enfant, extases inouïes !
Et quand le soir vient avec la douleur,
Charmez encor nos âmes éblouies,
Jeunes amours, si vite épanouies !
Le meilleur moment des amours de René-François Sully Prudhomme
(1839-1907)
Recueil : Stances et poèmes (1865).
Le meilleur moment des amours
N’est pas quand on a dit : « Je t’aime. »
Il est dans le silence même
À demi rompu tous les jours ;
Il est dans les intelligences
Promptes et furtives des cœurs ;
Il est dans les feintes rigueurs
Et les secrètes indulgences ;
Il est dans le frisson du bras
Où se pose la main qui tremble,
Dans la page qu’on tourne ensemble
Et que pourtant on ne lit pas.
Heure unique où la bouche close
Par sa pudeur seule en dit tant ;
Où le cœur s’ouvre en éclatant
Tout bas, comme un bouton de rose ;
Où le parfum seul des cheveux
Parait une faveur conquise !
Heure de la tendresse exquise
Où les respects sont des aveux.
Tous deux de François-Marie Robert-Dutertre
(1815-1898)
Recueil : Les loisirs lyriques (1866).
Tous deux, pour nos amours invoquons le mystère,
Cachons à tous les yeux nos entretiens si doux ;
Car l’amour, vois-tu bien, c’est la fleur solitaire,
C’est l’oiseau qui s’enfuit au regard des jaloux.
Tous deux, quand le printemps ornera les prairies,
Pour mieux nous sentir seuls loin des bruits d’ici-bas,
Nous irons épancher nos douces rêveries
Sous les bosquets en fleurs où l’on parle tout bas.
Tous deux, nous goûterons des amours infinies,
Ma main pressant ta main, mes yeux cherchant tes yeux,
Nos cœurs se parleront sur nos lèvres unies
Et nous irons un jour ensemble vers les cieux.
Première soirée d’Arthur Rimbaud
(1854-1891)
Recueil : Poésies (1870-1871).
– Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.
Assise sur ma grande chaise,
Mi-nue, elle joignait les mains.
Sur le plancher frissonnaient d’aise
Ses petits pieds si fins, si fins.
– Je regardai, couleur de cire,
Un petit rayon buissonnier
Papillonner dans son sourire
Et sur son sein, – mouche au rosier.
– Je baisai ses fines chevilles.
Elle eut un doux rire brutal
Qui s’égrenait en claires trilles,
Un joli rire de cristal.
Les petits pieds sous la chemise
Se sauvèrent : “Veux-tu finir !”
– La première audace permise,
Le rire feignait de punir !
– Pauvrets palpitants sous ma lèvre,
Je baisai doucement ses yeux :
– Elle jeta sa tête mièvre
En arrière : “Oh ! c’est encor mieux !…
Monsieur, j’ai deux mots à te dire…”
– Je lui jetai le reste au sein
Dans un baiser, qui la fit rire
D’un bon rire qui voulait bien…
– Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.
À Aimée d’Alton d’Alfred de Musset
(1810-1857)
Recueil : Poésies posthumes (1888).
Déesse aux yeux d’azur, aux épaules d’albâtre,
Belle muse païenne au sourire adoré,
Viens, laisse-moi presser de ma lèvre idolâtre
Ton front qui resplendit sous un pampre doré.
Vois-tu ce vert sentier qui mène à la colline ?
Là, je t’embrasserai sous le clair firmament,
Et de la tiède nuit la lueur argentine
Sur tes contours divins flottera mollement.
Tu vis en toutes les femmes DE Paul Verlaine
(1844-1896)
Recueil : Chair (1896).
Car tu vis en toutes les femmes
Et toutes les femmes c’est toi.
Et tout l’amour qui soit, c’est moi
Brûlant pour toi de mille flammes.
Ton sourire tendre ou moqueur,
Tes yeux, mon Styx ou mon Lignon,
Ton sein opulent ou mignon
Sont les seuls vainqueurs de mon cœur.
Et je mords à ta chevelure
Longue ou frisée, en haut, en bas,
Noire ou rouge et sur l’encolure
Et là ou là — et quels repas !
Et je bois à tes lèvres fines
Ou grosses, — à la Lèvre, toute !
Et quelles ivresses en route,
Diaboliques et divines !
Car toute la femme est en toi
Et ce moi que tu multiplies
T’aime en toute Elle et tu rallies
En toi seule tout l’amour : Moi !
À celle que j’aime de Nérée Beauchemin
(1850-1931)
Recueil : Les floraisons matutinales (1897).
Dans ta mémoire immortelle,
Comme dans le reposoir
D’une divine chapelle,
Pour celui qui t’est fidèle,
Garde l’amour et l’espoir.
Garde l’amour qui m’enivre,
L’amour qui nous fait rêver ;
Garde l’espoir qui fait vivre ;
Garde la foi qui délivre,
La foi qui nous doit sauver.
L’espoir, c’est de la lumière,
L’amour, c’est une liqueur,
Et la foi, c’est la prière.
Mets ces trésors, ma très chère,
Au plus profond de ton cœur.
Avec mes sens d’Émile Verhaeren
(1855-1916) XXème siècle
Recueil : Les heures d’après-midi (1905).
Avec mes sens, avec mon cœur et mon cerveau,
Avec mon être entier tendu comme un flambeau
Vers ta bonté et vers ta charité
Sans cesse inassouvies,
Je t’aime et te louange et je te remercie
D’être venue, un jour, si simplement,
Par les chemins du dévouement,
Prendre, en tes mains bienfaisantes, ma vie.
Depuis ce jour,
Je sais, oh ! quel amour
Candide et clair ainsi que la rosée
Tombe de toi sur mon âme tranquillisée.
Je me sens tien, par tous les liens brûlants
Qui rattachent à leur brasier les flammes ;
Toute ma chair, toute mon âme
Monte vers toi, d’un inlassable élan ;
Je ne cesse de longuement me souvenir
De ta ferveur profonde et de ton charme,
Si bien que, tout à coup, je sens mes yeux s’emplir,
Délicieusement, d’inoubliables larmes.
Et je m’en viens vers toi, heureux et recueilli,
Avec le désir fier d’être à jamais celui
Qui t’est et te sera la plus sûre des joies.
Toute notre tendresse autour de nous flamboie ;
Tout écho de mon être à ton appel répond ;
L’heure est unique et d’extase solennisée
Et mes doigts sont tremblants, rien qu’à frôler ton front,
Comme s’ils y touchaient l’aile de tes pensées.
Avec le même amour d’Émile Verhaeren
(1855-1916)
Recueil : Les heures du soir (1911).
Avec le même amour que tu me fus jadis
Un jardin de splendeur dont les mouvants taillis
Ombraient les longs gazons et les roses dociles,
Tu m’es en ces temps noirs un calme et sûr asile.
Tout s’y concentre, et ta ferveur et ta clarté
Et tes gestes groupant les fleurs de ta bonté,
Mais tout y est serré dans une paix profonde
Contre les vents aigus trouant l’hiver du monde.
Mon bonheur s’y réchauffe en tes bras repliés
Tes jolis mots naïfs et familiers,
Chantent toujours, aussi charmants à mon oreille
Qu’aux temps des lilas blancs et des rouges groseilles.
Ta bonne humeur allègre et claire, oh ! je la sens
Triompher jour à jour de la douleur des ans,
Et tu souris toi-même aux fils d’argent qui glissent
Leur onduleux réseau parmi tes cheveux lisses.
Quant ta tête s’incline à mon baiser profond,
Que m’importe que des rides marquent ton front
Et que tes mains se sillonnent de veines dures
Alors que je les tiens entre mes deux mains sûres !
Tu ne te plains jamais et tu crois fermement
Que rien de vrai ne meurt quand on s’aime dûment,
Et que le feu vivant dont se nourrit notre âme
Consume jusqu’au deuil pour en grandir sa flamme.
L’Amoureuse
Paul Eluard
(1895-1952)
Recueil: Capitale de la douleur (1926)
Elle est debout sur mes paupières
Et ses cheveux sont dans les miens,
Elle a la forme de mes mains,
Elle a la couleur de mes yeux,
Elle s’engloutit dans mon ombre
Comme une pierre sur le ciel.
Elle a toujours les yeux ouverts
Et ne me laisse pas dormir.
Ses rêves en pleine lumière
Font s’évaporer les soleils,
Me font rire, pleurer et rire,
Parler sans avoir rien à dire.
Nous dormirons ensemble de Louis Aragon
(1897-1982)
Recueil : Le Fou d’Elsa (1963).
Que ce soit dimanche ou lundi
Soir ou matin minuit midi
Dans l’enfer ou le paradis
Les amours aux amours ressemblent
C’était hier que je t’ai dit
Nous dormirons ensemble
C’était hier et c’est demain
Je n’ai plus que toi de chemin
J’ai mis mon cœur entre tes mains
Avec le tien comme il va l’amble
Tout ce qu’il a de temps humain
Nous dormirons ensemble
Mon amour ce qui fut sera
Le ciel est sur nous comme un drap
J’ai refermé sur toi mes bras
Et tant je t’aime que j’en tremble
Aussi longtemps que tu voudras
Nous dormirons ensemble.
Il n’y a pas d’âge pour notre Amour de
Margaret Bourot
(Printemps des poètes) XXIème siècle
J’aime les rides sinueuses de ton tendre visage,
Elles me racontent l’aventure de notre vie.
J’aime caresser ta peau usée et sauvage,
Elle me fait voyager dans des émois infinis.
J’aime le bleuté de tes yeux devenus sages,
Ils m’assurent que ma beauté n’a pas d’âge.
J’aime tes lèvres que les ans ont irisées,
Elles m’embrassent toujours avec chaleur.
J’aime ton rire mature et tremblé,
Il apaise et estompe mes peurs.
J’aime la pudeur de nos corps enlacés,
Ils prennent, à présent, le temps de se désirer.
J’aime tes mains douces et rugueuses,
Elles câlinent sans grief mes contours alourdis.
J’aime nos passions maladroites et amoureuses,
Elles comprennent que nous avons vieilli.
J’aime cet homme et cette femme que l’on dit vieux,
Ne riment plus avec jeunesse mais avec heureux.
Je t’aime mon Ami, mon Amant, mon Amour,
Je t’aime, parce qu’il n’y a pas d’âge pour l’Amour.
Saveurs d’interdit de MaHé
1986
Ses mains ont enfin su découvrir son corps
Elles ont su effleurer et faire vibrer sa peau.
Sa bouche a savouré chaque partie de son être
Elle a su faire tourner sa tête enivrée.
Ses doigts l’ont arrosé avec une telle douceur
Ils ont su découvrir son âme et puis son cœur
Son corps tout entier l’a comblée de bonheur
Son corps déchiré par l’amours et les pleurs.
Il a su ouvrir les yeux pour mieux la savourer
Ses mains ont aussi découvert son cœur
Elles ont su effleurer et faire vibrer son corps
Sa bouche a savouré chaque partie de son être.
Mais a-t-elle su faire tourner sa tête si bien vissée ?
Ses doigts l’ont caressée avec une telle ardeur
Mais ont-ils pu trouver son âme ou bien son cœur ?
Son corps tout entier s’est offert sans réserve
A ce corps déchiré par l’amour et les rêves.
Il a ouvert les yeux
Et gémit dans son cou,
Elle a senti son corps tout entier s’envoler
Puis son corps a brisé les liens qui l’entravaient
A un passé, enfermé désormais dans ses songes.
Elle est aujourd’hui libre de penser
De parler ou de rire,
Sa voix reste muette mais son corps
Tout entier clame cette liberté.
Ils savourent la joie de s’être retrouvés
D’avoir su surmonter des peurs ancestrales.
Elle boit ce délicieux nectar qu’est la vie
Elle respire ce délicat parfum qui fait
Que la vie a ce goût onctueux de
L’enfant et du lait, de la femme et du blé,
De l’homme et du café…
Ici aussi, il y a une petite coquille dans les tags pour participer au concours.