Chapitre 1
Je n’ai rien vu venir.
Tout a commencé par un cocon d’araignée dans mon piano.
Cet automne là, il faisait froid et les araignées étaient rentrées tôt dans la maison. J’en écrasais beaucoup car leur proximité me déplaisait. Particulièrement celles qui étaient noires et velues. Oh elles n’étaient pas bien grosses mais il fallait ensuite faire la chasse aux toiles dans tous les coins et recoins de la maison et j’étais loin d’être un fanatique du ménage. Pianiste émérite sans être virtuose, mes revenus corrects mais irréguliers ne m’autorisaient pas à faire faire mon ménage.
Ainsi donc, l’une de ces bestioles, une femelle, parvint à s’insinuer dans mon piano pour y déposer ses œufs.
Je ne m’en aperçus qu’au printemps au moment du dépoussiérage de mon instrument.
Je tenais à sa propreté. Plongé dans la musique, il devenait une partie de moi-même. Comme l’archer se fait un avec la cible, piano et moi, nous ne faisions qu’un dans la célébration des rythmes, des mélodies et de la beauté. Je fus très contrarié de constater la présence, au niveau de la table d’harmonie, d’un cocon blanchâtre. L’arachne avait soigné son travail de mère: il tenait solidement et il me fallut quelques minutes pour l’arracher à son support. Il se déchirât alors et en sortit une seule minuscule araignée toute noire. Tous les autres œufs avaient périclité et servi de viatique à la survivante.
La porte de la salle de musique était ouverte sur le jardin. La survivante, vive et rapide, échappa à un écrasement funeste, descendit prestement du piano, traversa la pièce et disparut dans le jardin.
Pour moi, l’incident était clos: l’histoire ne faisait que commencer.
Belle morale. À réfléchir et se souvenir.