Et puis comme dans toutes les épreuves, il faut en venir à accepter la réalité. Voir, accepter, transformer, triptyque sur lequel repose toute vie équilibrée et épanouie.
Alors, il m’a bien fallu accepter, à contre cœur au début certes, que cette araignée bercée par les mélodies humaines, avait acquis un savoir mystérieux et inexplicable. En l’état actuel de nos connaissances sur le monde arachnéen, un monde de chasseurs impitoyables aux techniques de capture très diverses, dont le seul lien connu jusqu’à présent à l’art était le caractère arachnéen de ses toiles. Mais l’on n’avait jamais parlé jusqu’à présent de toiles de maître. Et là, c’en était une. Une œuvre unique et originale, mais plus que tout, porteuse de sens, support de communication pour établir un lien entre l’exécutant et son auditoire.
Des auditoires j’en avais connu. Certains étaient attentifs, concentrés, parfois émus. D’autres étaient distraits, se raclaient la gorge et toussaient en hiver.
Aucun ne m’avait procuré jusqu’à ce jour un choc aussi profond, qui m’ébranlait jusqu’au plus profond de moi-même.
Une araignée m’écoutait et me le faisait savoir.
Quand je revins enfin à mon instrument, j’ouvrais grand la fenêtre et bientôt ma petite bestiole se remis à osciller.
Je n’ai jamais aimé les araignées. Je suis comme vous : a priori, elles me répugnent et je m’en débarrassais sans état d’âme. Mais là, ce n’était plus une araignée. Elle s’était approchée de moi peu à peu. Elle avait transformé ma vision, elle m’avait apprivoisé. On est toujours la bête sauvage de quelqu’un. J’avais été la sienne. Et maintenant je jouais pour elle et elle m’écoutait, auditeur sensible, attentif, infatigable, insatiable.
L’ARAIGNEE QUI VOULAIT DEVENIR PIANISTE : chapitre 5
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