Le quartier s’éveillait sur une nouvelle journée. La lumière chaude s’engouffrait par le cadre de fenêtre de la chambre. Ce rayon chassant les ténèbres réchauffait les reins de l’homme s’activant avec délectation au jeu du sexe avec sa partenaire. Ce faisceau illuminait l’accord parfait de ce duo fusionnel. Il éprouvait un plaisir sans fin d’éveiller son corps reposé avec la femme de sa vie. Le drap glissait au fur et à mesure de l’épanouissement de l’acte comme le rideau s’ouvrant sur une pièce sulfureuse. Le voile laissait découvrir ses deux êtres aux physiques agréables. Lui possédait le corps d’un homme qui ne se laissait pas aller, pas une trace de graisse, ses muscles étaient marqués sans l’ostentation d’un bodybuilder acharné. Il était plutôt fin et longilignes, ses cheveux discrets rasés de très près laissaient la place à des yeux bleus profonds. La courte chevelure joignait un bouc de même épaisseur par un collier barbu soulignant une mâchoire anguleuse. Elle possédait une peau caramel métissée par des parents de différents horizons, ses cheveux naturellement rebelles étaient d’un lissage artificiel impeccables, d’un noir d’encre, ils tombaient soyeux en bas de sa chute de reins, fine et creusée. Ses seins avantageux et ses fesses arrondies faisaient le bonheur des yeux de son mari. Leurs peaux luisaient, se fondaient l’un à l’autre dans un même mouvement. L’homme dressa son tronc dans un spasme ultime avant de retomber sur les seins généreux de sa femme profitant tous deux de la jouissance. Il savait que cet acte matinal allait lancer cette journée sous les meilleurs auspices. Il adorait faire ça le matin, sa vigueur lui semblait à chaque fois optimale.
Le couple satisfait se regardait dans les yeux d’une profondeur qui trahissait un amour incommensurable. Puis ils fixèrent le puits de lumière qui baignait leur chambre.
L’homme cassa ce moment d’agréable soupire en bondissant du lit.
“C’est pas tout ça, mais ce n’est pas le week-end! Faut qu’on aille bosser! S’exclama-t-il.
Il tapota du bout du doigt plusieurs fois l’épaule de sa femme, chamaillerie qui l’énervait au plus haut point.
“Allez Marie! Debout, c’est fini le bon temps! On se lève, culotte sur les fesses, tailleur en bon et due forme et chaussures à talon aiguille.
“Arrête avec ton doigt Otis, ou je te le mange! Menaça Marie.
_ Ah oui! C’est comme ça, tu vas voir.
Otis souleva sa femme nue, la porta par-dessus son épaule et traversa la chambre vers leur salle de bain. Quand elle découvrit son attention, elle lui gifla les fesses. Sans réaction particulière, elle lui pinça les fesses.
“Non arrête fait pas ça! cria Marie.
Il ouvrit une grande porte vitrée et la déposa dans la douche, se colla à elle, la serra, les mains sur les fesses et activa l’eau froide. La pomme déversa une pluie de gouttelettes fraîches qui surpris les corps, mais qui relança aussi l’excitation de Marie. Quand elle sentit la partie du corps de son homme qui ne pouvait pas trahir son envie, s’élever entre ses cuisses, elle se tourna, mis ses mains contre le carrelage ruisselant, et bomba ses fesses contre la taille de Otis l’appelant à une seconde salve.
Dans la cuisine aménagée, Marie se brûlait la bouche en essayant de boire le plus vite possible son café sucré en agitant activement la main libre de la tasse comme si ce geste pouvait refroidir le liquide. Otis n’avait plus de place dans sa bouche pour le dernier bout de sa tartine à la patte chocolatée. Il se résolu à mâcher et à attendre d’ingurgiter le pain. Le temps réservé au petit déjeuné avait été fortement perturbé par les ébats précédents, ceux-là même qui avaient vidé les dernières calories de leur corps. Ils ne pouvaient donc se passer de nourriture matinale sous peine de succomber à une fringale au travail.
La dernière goutte de café bue, Marie se refroidit la bouche au robinet de l’évier en avalant une rasade d’eau fraîche. Otis prit sa place quand la dernière miette de pain se décoinça de son gosier et bu une gorgée d’eau pour fluidifier la boule de pain avalée trop vite.
Ils se précipitèrent à l’entrée, se munirent chacun de leur mallette de travail, prirent leurs clefs de maison respectives dans le plat à clefs et sortirent sur le pas de la porte. Malgré le retard de chacun, ils n’oublièrent pas de s’échanger un long baisé langoureux, avant pour Marie de se jeter dans sa petite automobile citadine et pour Otis de s’élancer vers l’arrêt de bus le plus proche.
“Eh Marie! N’oublie pas pendant ta journée, et toutes celles à venir, que je t’aime plus que de raison, déclara Otis.
_ Moi aussi mon chérie.
_ A ce soir mon amour.
_ A ce soir!
Pendant qu’il arpentait le trottoir devant leur maison, puis traversait la route, il ne détacha pas le regard de sa femme. Il la contempla en train de s’installer en voiture avec la jupe de son tailleur qui remontait à ce moment-là dévoilant l’élastique de ces bas. Un sentiment de regret et de manque traversa son esprit. Il repensa furtivement au plaisir sauvage de ce matin qu’il contrebalança aussitôt avec le fait d’aller bosser. Il observa la marche-arrière habile de sa femme et la voiture reculer sur l’allée du garage. Otis arriva à l’abri bus. Le prochain transport arriverait d’une minute à l’autre. Marie passa devant lui et le salua d’un léger coup de klaxon. Il lui envoya un baisé invisible flottant jusqu’à elle.
Otis pesa la chance qu’ils avaient en ce moment. Il baignait dans un bonheur presque inquiétant. Ils avaient tous les deux un métier intéressant dans le tertiaire et avaient bénéficié tous les deux à quelques jours d’intervalles d’une promotion. Elle avait pris des responsabilités politiques et était entrée au conseil municipale de notre petite ville huppée. Ils s’étaient donc achetés un pavillon modèle dans un quartier résidentiel calme pour couples aisés, avec cuisine aménagée, jardinet, garage à porte automatique et un agent de sécurité qui tournait toute la journée. Otis avait sa carte de club au complexe sportif comprenant le golf, le tennis et la piscine. Il avait assouvi un rêve d’adolescent en s’achetant une Ford Mustang Shelby 500 GT qu’il ne sortait que pour de petites balades pendant des jours de congé. Il avait enfin reçu son entrée dans un cercle de Poker prestigieux au milieu d’adhérents avocats, chirurgiens et chefs d’entreprise. Il pouvait se payer des vacances au ski quand il le désirait. Sa femme était sublime, amoureuse, s’épanouissait aussi dans le sport et dans des activités ludiques avec ses copines. Il arrivait presque à se dire qu’il avait enfin réussi dans la vie. Mais à trente ans cette année, sa vie serait loin d’être la même jusqu’à sa mort.
L’arrivée du bus le sortit de sa torpeur. Les portes en accordéon s’ouvrirent avec un soupir pneumatique et Otis s’engouffra à l’intérieur de l’engin. Toujours le même chauffeur; Bob, toujours le même salut; “Salut Bob! Ça roule”, toujours la même réponse “Oui, et toi?”, toujours l’absence de réponse à cette question qui n’en attendait jamais une en générale, toujours le même siège où il s’installait; à peu près au milieu du bus. L’enivrant roulis du bus aux suspensions beaucoup trop souples avaient tendance à endormir Otis. Ses pupilles flottaient vers un point fixe qui n’avait aucune consistance pour son esprit embrumé. Ses paupières commençaient à peser sur ces yeux. Le doux visage de sa femme berçait son imagination.
Un bruit strident de freinage siffla à ses oreilles qui réveilla tous ses sens. Il tourna sa tête vers la fenêtre adjacente du bus en direction de la source du hurlement pneumatique. La cabine d’un camion déboulait vers lui.
Le poids-lourd percuta le bus part le côté, le creva, le plia et le déchira en deux. L’intérieur du bus implosa sous l’impact, dégueulant les sièges, les bagages à main, crachant les passagers, le verre, le plastique et l’acier sous une pluie d’étincelles.
L’image de la calandre du camion fut la dernière pour Otis avant le voile noir… Le tunnel sombre de la mort…
Otis était mort!