OS 1

3 mins

C’était elle qui dominait la plaine. Sa jument bai ne bougeait pas, restant impassible malgré le fracas des armes des lignes ennemies. Juchées sur la colline, elles attendaient, immobiles, telles deux statues guerrières, glorieuses et gagnantes avant l’heure. L’armée adverse ne voyait qu’elles, mais deux milles hommes en armes attendaient derrière elles. Deux milles hommes, fantassins et cavaliers, dévoués à leur générale. Son opulente chevelure brune était retenue en une épaisse natte, et ses yeux de nuit scrutaient avec attention leurs opposants.

Une armée faible, bien qu’imposante. Des hommes sans valeur, sans ordre, sans morale. Des brutes, tout juste bonnes à attaquer et obéir aveuglément aux ordres de leur général. Et quel général ! Un aristocrate sans mérite, gradée par l’argent, dépensant son argent en armure d’apparat, en tournoi, en filles de joies, et délaissant ses devoirs militaires, délaissant la stratégie militaire de rigueur, délaissant le combat. Un couard qui se cachait dans les lignes arrières, envoyant ses hommes en pâtures, face à l’armée la plus puissante de ce siècle. Il se prélassait à l’ombre, sans armure, tête nue, l’épée à terre, mangeant tel le porc qu’il était. Sous la chaleur latente, il suait déjà, n’ayant pourtant esquissé aucun mouvement, sa chemise collant à sa panse ronde comme celle d’une femme en couche, ses peu de cheveux luisant de gras, collés par la saleté à son crâne.

La chevaleresse se retourna, et fièrement, scruta ses hommes. Lançant sa jument au galop alors que l’armée adverse esquissait le premier pas, elle fit tinter son arme dégainée contre celles de ses combattants. L’épée étincelait sous le soleil de l’été. Sa garde ouvragée présentait un dragon aux ailes déployées, enveloppant les fines mains de sa possesseuse, et ses yeux de rubis semblaient vivant. Sa gueule ne crachait non pas un feu destructeur mais une lame argentée plus dangereuse encore. Son fil tranchant connaissait le goût du sang depuis des années, et en était avide.

Exhortant ses cavaliers et fantassins, elle s’élança la première vers les lignes ennemies dans une galopade effrénée. Déjà, le frisson de la guerre se faisait sentir à mesure qu’elle s’avançait vers l’opposant. Sa jument, crinière au vent, la rapprochait de sa victoire. Franchissant la dernière foulée, elle asséna le premier coup. Sa lame tailla les premières chairs, bu ses premières gouttes de sang de cette bataille. Les premiers corps tombaient, sa cavalerie dévorant les premiers soldats, et la plaine d’émeraude se teintait de pourpre. La terre semblait boire le sang des guerriers, comme les Dieux buvaient celui des sacrifiés.

Au loin, elle voyait le lâche commandant cette armée se relever précipitamment, entouré de ses esclaves et gardes, et essayer de fuir. Un fin sourire orna ses lèvres, alors que ses soldats embusqués l’acculaient, le forçant à contempler la défaite de son contingent se déroulant dans la plaine.

Une lame siffla à son oreille, manquant lui arracher. D’un preste mouvement du poignet, elle para le second coup, qu’assénait le général apeuré. Avec un sourire malsain, elle trancha la main de l’homme, l’épée tintant contre le sol. Avec un hurlement de douleur, celui-ci s’agenouilla à terre, demandant la grâce. Déjà, la légion rivale était défaite. Elle mit pied à terre, tendant ses rênes à un de ses combattants.

– Demanderais-tu de la pitié, faible ? Oserais-tu implorer ma clémence ? (Sa voix, glaciale, tremblait d’une rage mal contenue, et une lueur meurtrière illumina de nouveau ses yeux alors qu’il hochait la tête, sanglotant.) As-tu eu une seule once de pitié pour les gens que tu as fait tuer ? Pour ces gens de mon peuple ? De notre peuple ? Pour ces femmes, ces enfants ? Ces vieillards et ces malades, dont rageusement, tu as ordonné le meurtre, pensant me faire peur ? Sache une chose, Enaël : jamais je ne pardonne.

L’homme pleurait, gémissant de douleur et de peur. Les deux armées observait cette reine, qui était la leur. Félon et fidèle l’observait, grande juge, fière, droite et intransigeante.

– Apprends que je suis une Reine des Anciens Temps. Le pardon n’est pas dans ma nature. L’oubli non plus. Chaque homme, chaque femme, chaque enfant dont tu as provoqué la mort t’accompagneront dans ton dernier voyage. Deviens l’esclave de ces générations, des ces gens. Tu ne connaîtras pas le repos éternel, mais la quête d’un pardon impossible. Tu seras la victime de tes victimes, errant dans l’immensité des déserts de Neël’Dyn. Tu seras dévoré par les Âmes en peine des Terres Malheureuses. Telle est ta malédiction, tel est ton destin.

Elle leva son épée, avant de brutalement l’abaisser. Le sang gicla, éclaboussant son armure. Enaël s’effondra, le cou à demi tranché, la nuque brisée par la violence de l’impact. La terre semblait se délecter de ce sang, comme s’il était une vengeance sacrificielle.

Majestueusement, elle se retourna, saisissant la bride de son destrier, et remontant en selle. Elle fit quelques pas, la foule la fixant, tantôt apeurée par celle ayant tué leur maître, tantôt émerveillée par cette femme issue des Âges Sombres des Anciens Temps et ayant vengé son peuple. Ses dernières paroles de cette bataille, avant qu’elle ne guide ses hommes, volèrent dans le vent, emportées vers le domaine des Dieux.

— Il n’était qu’un sacrifice à la gloire de notre nation.

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