Chapitre 4
La lettre de l’instructeur.
Enfant, j’habitais dans le village hautpoul, et j’aimais m’aventurer dans les ruines de l’église saint sauveur, me dit-il. J’y ai vu des choses effroyables. Mais, j’étais le seul à voir ses choses-là, et ma mère me punissait sous prétexte que je lui avais raconté des mensonges. Une créature invisible errait ici, dans les ruines de l’église. Tu l’as entendue, n’est-ce pas ?
je hochai la tête.
– oui, je l’ai bien entendue, et… que faisais-tu dans ces ruines ?
– comme je te l’ai dit j’aimais bien m’aventurer dans ces ruines. Et, il n’y a pas que ça ! Ces âmes demandaient de l’aide. Ce que tu as entendu, rien dont il faille s’inquiéter. Ce n’est qu’une âme en détresse, c’est tout ; mais seulement quelques âmes s’en est allées dans un monde meilleur. Si une âme ou d’autres avaient laissées quelque chose à régler avec les vivants, elles auraient été retenues ici pour l’éternité.
– comme quoi ? Son côté mauvais ?
Matthew remua tristement la tête…
– cette ruine de l’église saint-sauveur appartenait autrefois au passé, les habitants venaient ici pour s’y recueillir. Mais, un jour les gens tombaient malade, si malade que le docteur ne pouvait rien pour eux. C’est désespérant, n’est-ce pas ? Alors, le maire avait pris une décision importante et cette décision était de les envoyer à l’église saint-sauveur espérant que la guérison avec les prières du saint esprit pourrait les aider. Les gens toussaient jour et nuit, certains s’étouffaient, les gens mouraient, et pour soulager leurs souffrances, le prêtre avait mis fin à leurs souffrances. Pour le malheur de tous, le prêtre fut contaminé à son tour et abandonna son église et plus personne ne viennent ici. Un soir, il attendait sœur Sophie. Il devait lui remettre un manuscrit sacré entre ses mains et en faisant des cent pas devant l’entrée de l’église, il eut l’impression qu’il était sous l’emprise d’une force inconnue, et à partir de là son comportement à complètement changé. Persuadé que sœur Sophie l’avait trahie pour sa découverte. Dans un état de rage, il lui fendit la tête avec une grosse pierre. Puis, la laissant agoniser sur le sol, il alla jeter le manuscrit dans le vieux puit. Lorsqu’il fit demi tour pour faire de même avec le corps, il constata qu’elle vivait encore, mais, la victime ne pouvait bouger, ni parler. C’est son énergie émotive que tu ressentais, la peur, celle qui t’as envahis quand tu t’es senties soulevée et transportée dans les profondeurs de cette crypte. La soeur avait entendu le prêtre creuser, elle savait ce qui l’attendait. Il l’avait jetée dans le vieux puit, ensuite il s’est jeté à son tour. C’est une triste histoire. Et, bien que les âmes des habitants soient en paix, à présent, l’esprit du meurtrier rôde encore ici, ainsi que les derniers souvenirs de sa victime, assez puissants pour tourmenter des gens comme nous. Je te l’ai déjà dit, nous percevons des choses que les autres ne perçoivent pas ; c’est à la fois un don et une malédiction. Mais c’est essentiel dans notre métier, et aussi notre devoir.
– mais, sais-tu pourquoi a-t-il creusé ? Il voulait caché quelque chose d’autres que le manuscrit ! Mais quoi ?
– je n’en ai aucune idée ! Il faudrait qu’on le vérifie, mais, je n’ai pas les outils pour !
– on le fera un autre jour. » dis-je
Ce récit me fis frissonner. J’éprouvai une pitié pour la pauvre sœur assassinée, pour le prêtre qui n’était pas dans son état normal et qui l’avait tuée, et aussi pour Matthew. Vous imaginez ça : vivre avec ce don, ce n’est pas toujours facile. Je jetai un coup d’œil à ma lampe électrique que j’avais posée sur le sol. J’avais l’impression qu’elle allait s’éteindre, et les faisceaux de lumière me rassuraient un peu. Matthew ne semblait nullement pressé de partir. Je n’aimais pas les ombres qui modifiaient l’aspect de son visage, comme s’il se transformait ou quelque chose comme ça.
« Sais-tu comment j’ai vaincu ma peur ? Me damanda-t-il.
– non, Matthew.
– une nuit, j’étais si terrifié que je me suis mis à hurler sans pouvoir m’arrêter. Mes cris ont réveillé toute la maisonnée. Dans un accès de colère, ma mère m’a saisi par la peau du cou et m’emmena ici, dans le sous sol. Puis, condamna cette porte avec un cadenas. Je n’étais pas bien grand, je devais avoir sept ans, tout au plus. J’ai secoué la porte, je braillai à m’en faire éclater les poumons ; j’ai martelé la porte de mes poings, je me suis arraché les ongles sur la porte. Mais, ma mère était une femme dure ; elle m’a laissé seul dans le noir. À force de taper, de crier, alors, je me suis calmé, et sais-tu ce que j’ai fait.
– j’ai secoué la tête, évitant de regarder en face de moi. Ses yeux étaient d’un noir intense dans la semi-obscurité, et il ressemblait plus à une créature des ténèbres. Je suis parti me blottir dans un coin et, je me suis adossé au mur, dans le noir. J’ai pris trois grandes respirations, et j’ai affronté ma peur. J’ai affronté les ténèbres, l’élément le plus effrayant pour des gens comme nous. Les ténèbres nous appellent en chuchotant, et prennent des formes que seuls nos yeux peuvent voir. Mais je l’ai fait, et j’ai résisté. Je suis resté ici jusqu’à l’aube et, lorsque je suis enfin sorti, le pire était derrière moi.
À cet instant, la lampe s’éteignit, nous plongeâmes dans le noir total.
– voilà Neary, reprit Matthew. Il n’y a plus que toi, moi et le noir. Peux-tu le supporter ? Dis-moi, es-tu prête pour la prochaine étape ? »
La voix me parut différente, plus profonde, étrange. Je l’imaginai se transformer en créature difforme, qui recouvrait peu à peu son visage, ses dents acérées. Je tremblai si fort que je fus incapable de dire un mot avant d’avoir respiré profondément. Alors, seulement, je lui donnai ma réponse. C’était la phrase qu’on me répétait souvent lorsqu’une tâche difficile ou pénible qu’on ne voulait pas faire…
« Puisque personne ne veut le faire, alors je vais le faire. Il faut bien que quelqu’un le fasse ?
Matthew dû trouver ça drôle, car son rire emplit toute la fondation de l’église saint-sauveur, se mêlant au grondement du tonnerre, qui s’éloignait.
– nous allons bientôt passer à l’étape suivante, fit-il enfin, une lettre cachetée m’est parvenue. Elle était brève, précise et bien rédigée. C’est notre instructeur qui me l’avait adressée. Sais-tu ce qu’il écrivait ?
– non, fis-je à voix basse, me demandant ce qui allait suivre.
– il m’écrivait ceci : retrouvons-nous à l’endroit habituel. Tu dois rester sur tes gardes et emmènes-nous notre nouvelle recrue. Dès qu’elle aura fait toutes les épreuves, nous te donnerons d’autres instructions. Je compte sur toi de garder notre anonymat. Aussi, nous voulons que tu assures de bien la former. Elle sera notre sujet d’observation dans le laboratoire C81, et peut-être la clé de notre recherche si elle réussit ! Voilà !
Les paroles de Matthew n’étaient qu’un murmure dans l’obscurité. Si j’ai bien compris, je suis leur sujet de recherche à cause de mon don de médium. Cependant, je fais comme si je n’avais pas compris ou pas entendue et je verrai bien ce qui va m’arriver.
– nous ne sommes pas des gens en quête de pouvoirs, Neary. Nos outils de travail se nomment bon sens, courage, vaillant et avoir une bonne mémoire, car nous devons tenir sur nos gardes. Et, aussi, nous devons nous méfier de certaines créatures, car elles peuvent nous tromper.
Si l’instructeur me dicte de bien te former, je ferai en sorte que tu réussisses ton test, parce que tu as le potentiel. Comprends-tu ?
Il y avait comme de la colère dans sa voix, mais je sentis qu’elle n’était pas dirigée contre moi. Je me contentai de hocher la tête, même s’il ne pouvait pas me voir.
– quand l’instructeur a dit de bien te former, sache que chacun de mes recrues avaient le potentiel comme toi, mais toi, tu es unique ! Tu as quelque chose en toi que tu n’exploites pas assez. Ne te considère pas comme quelqu’un d’étrange. De longues et dures épreuves t’attendent.
Il se tut un instant, puis conclut d’un ton plus calme, ou toute trace d’irritation avait disparu.
– la famille peut être aussi un obstacle. Il faut faire un choix. Couper le lien familiale est indispensable pour faire ce métier. Sinon les esprits mauvais peuvent s’en prendre à tes proches. Et ils ne te lâcheront pas. »
Lorsque nous quittâmes les ruines de l’église saint-sauveur, la tempête s’était calmée, et le soleil se levait. Tandis que Matthew refermait la porte du sous-sol, je remarquai une inscription avec une croix des templiers et en dessous était inscrit un prénom…
I
Matthew
Matthew désigna l’inscription d’un mouvement de tête…
« J’utilise ce genre d’inscription pour avertir les personnes qui sont capables de les lire, ou même parfois pour m’en rappeler, il m’arrive d’oublier. Tu connais cette croix ? Ici, je ne sais pas trop le faire, il ressemble à rien, c’est difficile de graver sur cette paroi, peu importe ! Il indique la présence d’un esprit ou d’un fantôme. Le I, en bas de La Croix signifie un en chiffre romain, le premier cas capturé. Il s’agit de mon premier passage ici. Il n’y a rien ici qui peut te faire du mal tant que tu te comportes bravement. Souviens-toi : les ténèbres se nourrissent de notre peur. Domine ta peur, et aucune entité ou ombre ne fera quoi que ce soit contre toi.
J’aurais aimé savoir cela quelques heures plus tôt !
– courage, Neary ! Reprends Matthew. Tu m’as l’air d’avoir le moral au fond de tes chaussures ! Tiens ceci te réconfortera !
Il sortit le sandwich au jambon-fromage de sa sacoche et me tendit…
– ne l’engloutis pas d’un coup s’il te plait ! Prends le temps de déguster ! »
Je suivis Matthew le long du sentier abrupt et sinistre. L’air était humide, mais, au moins, il ne pleuvait plus ! À l’ouest, les nuages ressemblaient à des lambeaux de laine qu’une main invisible dispersait dans le ciel. Laissant les ruines de saint-sauveur derrière nous, nous continuâmes vers le centre ville de Mazamet, pour ensuite prendre la direction de saint baudille. Cela nous fit une longue distance à pied en passant par la nationale.
Sur notre droite, après avoir traverser la route nationale, se dressaient des petites maisons en piteux états. Le toit perdait ses ardoises et la peinture des portes s’écaillait. Nous n’avions pas rencontrés d’âmes qui vivent depuis une éternité. Or un homme aux cheveux gras, à l’allure négligée, était sur le trottoir d’en face. À sa tenue vestimentaire sombre, Matthew reconnut un prêtre. Tandis que nous nous rapprochâmes, l’expression de son visage attira l’attention de Matthew. Il grimaçait, jetant sur nous un regard noir. Soudain, d’un geste théâtral, il traça dans l’air un immense signe de croix, se haussant sur la pointe des pieds pour lever sa main droite le plus haut possible. Nous avions déjà vu des prêtres donner une bénédiction, mais aucun n’avait eu cette mimique exagérée, ni cet air furibond. Sans aucun doute, c’était une connaissance de Matthew, il est possible que notre passage déclenchait une vive colère de ce prêtre. Je supposai qu’il avait quelques contraintes contre Matthew, ou du moins contre sa profession.
Je comprenais que la présence de Matthew rend les gens nerveux, mais une telle réaction me stupéfiait.
« Tu le connaissais ce prêtre ? Demandai-je quand nous fumes loin pour parler sans être entendus.
– les prêtres ! Crache Matthew en colère. Ils savent tout, mais ne voient rien ! Et celui-ci est pire que les autres ! C’est mon meilleur ami. »
J’aurais aimé qu’il m’en dise plus. J’eus cependant la sagesse de ne pas l’interroger davantage. J’avais bien des choses à apprendre sur le passé de Matthew, et je devinais qu’il ne me révélerait que lorsqu’il aurait décidé. Je me contentai de le suivre, portant toujours mon sac. Je pensai à mes enfants et surtout à mon aînée qui n’était pas du genre à démotiver et n’affirmait rien à la légère. Elle ne disait que ce qu’il fallait dire, aussi avait-elle sûrement posé chaque mot.
Matthew prétendait qu’il n’avait aucune prise sur les créatures invisible, les ombres. Pourtant, une nuit, je ne voulais pas me vanter ! Mais j’avais obtenu de celles qui hantaient la montagne noire qu’elles cessent leur tapage nocturne. Dans ma situation, être une femme dotée de ce pouvoir était des plus banal, mais pour d’autres c’est assez flippant. Paraît-il que j’ai d’autres pouvoirs ! Mais, alors, réussirai-je à les exploiter avec toutes ses épreuves à venir ?
Cependant quelque chose me rendait différente, je le savais. J’étais la femme aux multiples dons, mais lesquels ?
À suivre…