La Sorcière Rose et la fleur de pilili

17 mins

La Sorcière Rose et la fleur de pilili – Extrait du recueil 2

Il était une fois, dans le monde coloré de Tadorannia, une sorcière aux cheveux roses qui cherchait toujours à faire le bien. Elle se prénommait Alice. Mais elle avait disparu depuis pas mal de temps maintenant. Alice était accusée de traîtrise et avait été recherchée mais elle ne s’était pas présentée à son procès car les preuves contre elles, fausses bien sûr, étaient si nombreuses qu’on aurait pu y croire. Alice, elle, avait quitté son domaine et s’était cachée quelque part dans le royaume.
Mais une autre Alice vivait avec sa famille adoptive à Éoaféa, une des provinces de Tadorannia. Cette jeune demoiselle était blonde aux yeux bleus et devait avoir quatorze ans. On ne le savait pas vraiment car elle avait passé toute son enfance dans un orphelinat. C’est un gentil couple incapable d’avoir des enfants qui avait décidé d’adopter la jeune fille. Elle avait une petite dizaine d’années à ce moment-là et la famille venait de s’installer. Et aujourd’hui, elle allait à sa nouvelle école pour un premier jour un peu stressant car il n’était pas facile d’être nouvelle dans une école. Alice arriva dans les premiers et fut contente d’être accueillie par sa professeure principale en personne.
— Tu dois être notre petite Alice, dit-elle. Je suis Madame Lise. Heureuse de te rencontrer, Alice.
— Moi aussi, Madame, répondit Alice.
La professeure principale était visiblement gentille, avait une vingtaine d’années et les cheveux roux coupés à la garçonne. Elle était assez masculine, même dans l’attitude, mais cela lui allait bien.
Alice entra dans l’école et se retrouva dans un joli parc mais il y avait des gens dans ce parc, des gardes. C’était une obligation. En effet, depuis le départ de la Sorcière Rose, le Conseil magique avait pris le pouvoir à Tadorannia et c’étaient eux qui dirigeaient maintenant le royaume. Le Roi avait été emprisonné. Ses enfants avaient disparu depuis longtemps et personne ne savait où se trouvait une éventuelle descendance. Oui, la famille royale, la famille Nyyssen, était écartée et c’était un groupe de magiciens qui dirigeait.
Aujourd’hui, Tadorannia était un royaume avec différentes castes où ceux qui avaient de grands pouvoirs étaient au-dessus des autres. Les citoyens qui n’ont pas de pouvoir étaient une force ouvrière avec une connaissance minimale. À l’âge de quinze ans, les citoyens sans pouvoir devaient travailler pour subvenir aux besoins de l’élite magique. Autant dire que la jeune Alice qui arrivait à l’école ce matin-là était dans sa dernière année d’étude avant que le système ne lui attribue une fonction correspondant à ses qualités scolaires. Mais l’école avait pour but d’apprendre le fonctionnement des divers travaux à exécuter dans l’avenir. Lire et écrire étaient des notions secondaires. Réfléchir était un mot pratiquement banni de l’école.
Les autres élèves de l’école étaient très éclectiques. Il n’y avait pas que des humains mais aussi des jeunes Pixies, des êtres avec des ailes et des antennes, des femmes qui ressemblaient à des hommes, des hommes qui ressemblaient à des femmes, des gens avec des fleurs en guise de cheveux, d’autres qui étaient des animaux mais humanoïdes et bien d’autres encore. Tadorannia s’était ça, un mélange de gens et de genres. Et cela n’avait pas changé, même si les magiciens qui géraient le royaume avaient rendu la vie plus difficile.
Mais la ville où Alice et sa famille venaient de s’installer était sans doute la plus sévère de toute la province car le chef des gardes avait une réputation très sévère. Une réputation qui allait plus loin que les frontières de la ville. D’ailleurs, il n’était pas indifférent aux jeunes filles mais c’était aussi la ville la plus sécurisée de la province et c’est ce qui avait orienté la décision de la famille à s’y installer.
— Eh bien, eh bien, qui es-tu, toi ?
Alice sursauta. Elle n’avait pas vu que quatre gardes s’étaient approchés et l’un d’eux était le chef, celui qui tenait la ville entre ses mains, une autorité presque supérieure au chef de la ville.
— Bonjour, dit Alice.
— Bonjour, répondit le chef de la garde avec un sourire qu’il voulait séducteur. Tu dois être la fille des nouveaux venus dans la ville. Tu as un père menuisier, c’est cela ?
— Ou… oui, confirma Alice.
— Je m’en doutais. Tu es la plus grande des nouveaux enfants de la ville. Sergent Tom Corsa. Ravi de te rencontrer. J’espère que nous nous reverrons. Je dois d’ailleurs me présenter à tes parents pour leur infliger une amende.
— Pardon ? s’étonna Alice. Mais pourquoi ?
— À cause du prénom qu’ils t’ont donné. « Alice » comme la fée rose. C’est un prénom interdit dans cette province. Ils vont devoir changer cela rapidement. Au revoir, petite demoiselle.
Alice avait déjà une très mauvaise impression sur cet homme présent dans l’école de la ville pour faire un grand discours aux élèves afin de leur rappeler qu’il y aura toujours une surveillance, même dans les salles de classe. Alice devait bien avouer qu’elle avait peur et ce sergent devait avoir été plus sévère que d’habitude car même le directeur de l’établissement était troublé. En tout cas, Alice n’avait jamais vu cela avant car des gardes armés circulaient entre les élèves et n’hésitaient pas à taper à l’arrière du crâne des jeunes qui n’étaient pas attentifs.
Alice fut dirigée dans sa classe sans même avoir le temps de parler ni de rencontrer qui que ce soit car les gardes étaient présents dans les classes. Tous avaient bien trop peur de parler ou de ne pas être attentifs aux cours de leur professeure principale. Madame Lise était une dame très douée dans le jardinage et la couture. Alice était moins douée, il fallait l’avouer. Elle n’aimait pas cela mais c’était la loi. Une loi à laquelle il n’était pas question de déroger car la sanction était plus que sérieuse.
Alice avait hâte de rentrer chez elle mais elle fut totalement déçue quand elle découvrit que le sergent Corsa avait tenu parole. Il était bien à la maison familiale pour y déposer une amende et un ordre de changement de prénom.
— Si vous ne le changez pas d’ici trois jours, l’amende sera doublée. Bonne fin de journée à vous !
Le sergent et ses gardes s’arrêtèrent devant Alice et le chef la salua d’un grand sourire. Une jolie blonde aux yeux bleus, c’était plaisant à regarder. Alice préféra rentrer chez elle où elle retrouva ses parents énervés d’avoir reçu une amende après seulement quelques jours d’installation en ville.
— Alors, demanda la mère d’Alice, comment s’est passée ta première journée ?
— Comme toujours, c’était nul. Je déteste vraiment l’école. Je peux aller jouer, maman ?
— Pas trop longtemps, répondit la mère d’Alice. On ne va pas tarder à passer à table.
Alice ne se fit pas prier et se dirigea vers la colline non loin de chez elle. C’était une belle colline fleurie où elle avait caché un objet qu’elle avait taillé elle-même : une épée de bois. Elle sentait l’instinct du combat en elle depuis un petit moment et elle était ravie de pouvoir utiliser ces bois pour tester des techniques qu’elle inventait elle-même, sans trop savoir si c’était utile ou non. C’était ce qu’elle voulait faire mais ce n’était pas toléré par les autorités. C’était ainsi ou alors le châtiment corporel s’appliquerait. Mais cette perspective ne sembla pas inquiéter Alice qui continua à s’amuser avec son épée de bois jusqu’à ce qu’elle estimât qu’il était temps de rentrer. Mais elle fut attirée par un doux parfum, un parfum qu’elle n’avait jamais senti avant. Elle voulut en comprendre l’origine, ce qui l’amena près d’une petite grotte qu’elle n’avait encore jamais vue auparavant. Elle y entra, toujours attirée par l’odeur, et découvrit une série de fleurs qu’elle n’avait jamais vues de sa vie. Ces fleurs n’avaient visiblement pas besoin de lumière pour pousser, ce qui était du jamais-vu. Il ne faisait pas totalement noir, bien entendu, mais les choses étaient à peine visibles dans cette grotte. Elle emporta une des fleurs pour l’étudier ultérieurement avant de rentrer chez elle car sa mère l’appelait déjà.
Alice oublia presque sa fleur qu’elle avait placée dans un papier pour la protéger avant de la glisser dans une pochette de son sac qu’elle n’utilisait pas.
Le lendemain matin, Alice se rendit à l’école comme tous les jours mais, ce jour-là, elle se sentit mal à l’aise car ce Tom Corsa, qui semblait toujours se trouver sur son chemin, l’épiait de façon perverse. Il était vraiment intéressé par la jeune demoiselle et ne s’en cachait absolument pas. Il fallut même l’intervention de Madame Lise pour faire partir le chef de la garde locale.
— Monsieur Corsa, dit Madame Lise, mon élève a cours. Je dois la récupérer.
Alice entra donc dans l’établissement et Madame Lise lui murmura de bien faire attention à cet homme car il avait déjà abusé de certaines jeunes demoiselles de l’établissement. Cela ne rassura pas du tout Alice qui ne vit plus vraiment de charme à cette ville.
— Je te conseille de bien surveiller tes arrières, dit Madame Lise. Il n’est pas tendre quand il s’y met.
— D’accord…, répondit Alice.
Alice suivit sa journée comme le jour d’avant avant de retourner chez elle et de s’amuser de nouveau sur la colline. Elle retrouva de nouveau les fleurs dans la grotte mais cela fut l’élément le moins intéressant de la journée car elle entendit un grand cri à l’extérieur. C’était le cri d’un grand oiseau qui traversait le ciel et Alice, impressionnée, réussit à le voir passer. Il s’agissait d’un grand oiseau noir qu’elle avait seulement vu dans quelques livres à l’orphelinat. C’était un phœnix mais de couleur noir, sans doute le plus rare des animaux de Tadorannia. Une plume se détacha de l’animal et tomba non loin de la jeune Alice qui la ramassa. Elle était d’une taille impressionnante mais également légère. Alice détenait une preuve de ce qu’elle avait vu et n’hésita pas à la rapporter chez elle où ses parents ne purent qu’être surpris de cette découverte.
— Il a volé juste au-dessus de moi ! Vous ne l’avez pas vu ?
Les parents d’Alice étaient moins heureux que leur fille d’avoir cette plume dans la maison, d’autant plus que Tom Corsa frappa à la porte. Les parents cachèrent la plume dans une grande armoire en espérant qu’elle ne soit pas découverte. Le chef de la garde pénétra dans la maison, toujours affublé de ses gardes personnels.
— Bien le bonjour ! dit-il. Je viens à vous afin de savoir si les démarches de changement du prénom de votre fille ont bien été exécutées.
— Tout à fait, rassura le père de famille, notre fille s’appelle maintenant Saona.
— Bien bien…
L’homme marchait dans la maison. On ne savait pas exactement ce qu’il pouvait chercher mais il semblait intrigué par l’atelier de menuiserie et comprit que les meubles de cuisine avaient été fabriqués par le père de famille. Il s’approcha dangereusement de l’armoire qui renfermait la plume mais sans l’ouvrir.
— Vous faites du travail de qualité, dit le Sergent. C’est très bien. C’est ce qui manque dans notre province, je dirais. J’espère donc que vous continuerez ainsi.
— Merci…
— J’aimerais vous demander la permission de vous emprunter votre fille demain après l’école. Comme elle n’est pas votre fille naturelle, je me dois de l’interroger sur son passé avant votre rencontre. C’est obligatoire. Vous ne pouvez y déroger.
— Je…, balbutia le père. Oui, d’accord.
— Bien. À demain, Saona.
Les gardes quittèrent la maison et le père de famille retira des lattes du parquet pour y cacher la plume pour plus de sécurité.
— Il ne faut parler de cela à personne. Je ne peux pas la brûler, c’est une plume de phœnix. Il faut la cacher et l’oublier. Je ne veux plus qu’on en parle ! Plus jamais !
Le lendemain, Alice, devenue maintenant Saona, arriva à l’école avec une certaine anxiété repérée par Madame Lise qui discuta avec son élève à l’heure de table car elle voyait parfaitement que quelque chose n’allait pas. Saona ne se priva pas pour raconter ce qu’il s’était passé la veille en incluant la plume, sans trop savoir si elle faisait une bêtise d’en parler.
— Ton père a eu parfaitement raison, assura Madame Lise. Je ne sais pas ce que fichait un phœnix ici mais je sais que les magiciens les traquent pour les domestiquer et domestiquer leurs pouvoirs.
— Mais vous me croyez quand je vous dis qu’elle est tombée du ciel ? s’enquit Saona.
— Oui, assura Madame Lise. Je te crois mais tu es une candidate idéale pour être arrêtée. Tu t’appelles Alice, tu n’as pas de parents connus avant ton adoption et tu pourrais avoir l’âge de la Sorcière Rose qui est immortelle. Avec la plume, il suffit de peu pour te confondre avec une ennemie.
— Mais je ne suis pas la Sorcière Rose…
— Ne parle pas trop fort ! Je sais que tu n’es pas elle mais tu es une bonne candidate. Ils peuvent t’interroger sur les tenanciers de ton orphelinat. Ils cherchent les Blendelles et ils savent qu’ils aident les enfants orphelins. Un conseil, dans ce monde, il faut se méfier de tout le monde.
Le Sergent Corsa n’avait pas réellement envie d’interroger Saona. C’était plutôt un prétexte pour justifier de l’inviter à manger chez lui. En tout cas, un interrogatoire dans une salle à manger avec de la bonne nourriture n’était pas l’idée que la jeune demoiselle se faisait d’un interrogatoire. Elle resta tout de même méfiante. Elle attendit les questions mais l’homme fit avant tout un monologue de sa propre vie racontant son travail. À bien y regarder, il était avant tout dans une opération de séduction à laquelle Saona ne semblait pas répondre. Puis, vinrent les questions sur le passé de la jeune fille.
— J’ai été élevée dans un orphelinat tenu par des prêtresses de la magie à Mammalia. La cheffe s’est toujours opposée à mon adoption. Elle m’aimait bien et me voyait comme une fille spirituelle. Mais elle est morte d’une maladie et j’ai été adoptée par mes parents avant de venir ici.
— Mammalia… oui, une belle province. Es-tu déjà passée par Indosita une fois ?
— Oh heu… je ne sais pas. Il faut passer par cette province pour arriver de Mammalia jusqu’ici ?
— Non, assura le Sergent, du tout.
— Alors non, je n’ai connu que Mammalia.
— Et tes parents, tes vrais parents, je veux dire. Tu en as le souvenir ?
Saona réfléchit un instant. Elle n’était pas vraiment un bébé quand on l’a déposée mais elle était trop jeune que pour avoir des images précises. Elle ne voyait pas sa mère. Par contre, elle avait l’image d’un homme blond pour son père mais c’était trop vague. Alors, elle préféra répondre négativement à la question.
— Il serait triste de découvrir que tu me mens, tu sais, prévint le Sergent. J’ai investigué sur tous les habitants de cette ville et je peux te dire une chose : il y a toujours un secret quelque part. Pas toujours quelque chose de répréhensible mais des secrets qui ne doivent pas toujours remonter à la surface.
— Vous pouvez chercher, assura Saona. Même si vous trouvez quelque chose, ce sera toujours quelque chose de nouveau pour moi. J’étais trop petite pour savoir quoi que ce soit.
— Sauf si tu es l’Alice que nous recherchons.
Quelques heures plus tard, Saona retourna chez elle avec une certaine peur au ventre. Elle savait parfaitement qu’elle n’était pas la Sorcière Rose mais elle avait peur qu’on la prenne pour elle quand même. Cette peur devait se lire sur le visage de la jeune fille car ses parents furent assez inquiets en la voyant rentrer.
— Il ne t’a pas fait de mal ? demanda le père de la jeune fille.
— Non, il m’a juste posé plein de questions sur mon passé. On aurait dit qu’il voulait que je sois la Sorcière Rose.
— C’est sans doute le cas, répondit sa mère. On s’est renseigné sur cet homme au village et beaucoup de gens savent qu’il ambitionne un poste beaucoup plus proche du Gouverneur de province. Trouver la Sorcière Rose serait la clef du succès.
— D’accord, répondit Saona, mais je doute franchement que la vraie Sorcière Rose se cache dans une petite ville comme ici. Elle a enseigné pendant plus de trois cents ans à des milliers de personnes comment survivre dans la forêt et en utiliser ses ressources. Si elle doit se cacher, elle a des millions d’endroits où aller.
— C’est vrai, chérie, approuva le père de Saona, mais il espère toujours et encore. Si ça lui plaît, qu’il s’amuse. En attendant, il est préférable de rester calme. Mais je te rassure, tu n’es pas la Sorcière Rose. Tu es notre petite princesse.
Ces mots touchèrent Saona qui alla dormir le cœur un peu plus léger que d’habitude, malgré la journée passée. Une journée qui fut moins mouvementée que celle qui suivait. En effet, bien que l’école se déroulât parfaitement, Saona fut confrontée à un certain danger. Dans la montagne, un animal s’approcha d’elle par surprise. C’était une créature impressionnante qui ressemblait à un ours mais ce n’en était pas réellement un car il avait un museau plus plat et des griffes plus pointues mais aussi un doigt de plus. La « chose » était très maigre et une proie comme Saona fut quelque chose d’excitant pour elle. Mais la jeune fille ne vit la bête qu’au dernier moment et se fit croquer la jambe. Saona hurla de douleur tout en se débattant du mieux que possible. Elle avait juste une arme de bois pour se défendre mais celle-ci se brisa sur le choc. Elle n’avait plus que la garde avec une pointe brisée que la jeune fille planta dans un des yeux de la bête. Cette dernière eut mal et relâcha la jeune demoiselle dont la jambe présentait une belle blessure. Mais heureusement, elle était en vie. La créature prit la fuite et Saona réussit à se traîner jusqu’à la grotte pour se protéger au cas où la bête reviendrait et finit par y perdre connaissance.
— Saona ! Chérie ! Elle est là !
Saona se réveilla d’un bond. Ses parents et d’autres personnes étaient présents et la jeune fille fut aidée pour sortir de la grotte. On pouvait voir de longues traînées de sang sur ses jambes ainsi que sur la robe de la demoiselle mais, en fait, elle n’avait rien. Même pas une égratignure à sa jambe pourtant blessée, pas une griffe. Elle n’en revenait pas bien entendu car elle avait été attaquée. Ce n’était pas un rêve parce qu’il y avait du sang. Et pourtant, plus rien.
— C’est le sang de la créature, dit le Sergent.
Lui et ses gardes étaient là. Alice comprit rapidement qu’ils avaient vu et tué la créature en question car le Sergent Corsa tenait l’épée de bois d’Alice. Il tenait les deux morceaux en main et demanda comment une jeune fille possédait cela.
— C’est à moi, dit Saona, je l’ai faite à l’orphelinat. C’est pour cela que je m’entends bien avec mon père car on travaille le bois tous les deux.
— Je vois, dit Tom Corsa. On va dire que tu as eu la frayeur de ta vie et que le Dieu Dragon t’a envoyé ce rossoco pour te punir. Mais que je ne te revoie plus avec cela à l’avenir. Sinon, j’infligerai une amende si énorme à tes parents que la vente de leurs biens ne couvrirait pas le paiement. Suis-je clair ?
— Oui, Monsieur, dit Saona.
Saona acquit donc la réputation de tueuse de créatures dangereuses, même si elle ne comprenait pas pourquoi elle n’avait aucune marque sur le corps. Après tout, elle avait bel et bien été attaquée par le fameux rossoco mais n’avait rien sur elle. Elle voulut savoir ce qu’il en était réellement et elle retourna dans la grotte. Elle se fit une petite blessure afin de vérifier ce qu’il en était et toucha les fleurs. Il ne se passa rien de particulier au début mais, au bout d’un moment, sa plaie se referma. Elle se coupa de nouveau et chercha à mieux comprendre ce qu’il se passait. La plante avait effectivement des vertus médicinales et soignait les plaies. La fleur était de couleur orange et les tiges mauves. C’était une belle fleur qu’elle reprit de nouveau. Elle en avait déjà une séchée dans son sac qu’elle avait complètement oubliée. Elle pouvait servir à d’autres choses aussi. Et comme elle avait certaines compétences concernant les plantes, elle réussit à en faire une pâte qu’elle espérait être médicinale aussi. Elle s’appliqua cette pâte sur une nouvelle plaie qui se soigna encore plus rapidement. C’était impressionnant à voir.
Durant les jours qui suivirent, Saona réussit à prendre quelques plantes et à les replanter secrètement chez elle. Elle seule disposait des ressources d’une plante lui offrant cette pâte médicinale. Il fallait protéger cette ressource et surtout la protéger du sergent et de sa garde. Des rondes étaient organisées plus régulièrement depuis l’attaque de la créature. Si Saona voulait rester la seule propriétaire de cette plante, elle se devait de dissimuler l’entrée d’une meilleure manière. Cette ressource pourrait servir à aider tellement de monde mais elle pourrait également n’être utilisée que par les magiciens et n’aider aucun citoyen.
Saona était comme grisée par ce petit travail car elle se prenait pour une sorte de rebelle sans pour autant faire quelque chose d’illégal. Elle créa de la pâte de guérison à partir des plantes. Diluée dans l’eau, celle-ci procurait beaucoup de bien dans le corps ou évitait des maux de dos par exemple. Saona testait beaucoup les produits sur elle afin de trouver le produit adéquat qui effacerait ou diminuerait les douleurs physiques de ses condisciples. Mais elle fut rapidement repérée par Madame Lise qui prit Saona à l’écart pour lui parler.
— Qu’est-ce que tu as là comme médicament miracle ? demanda-t-elle.
— Je ne sais pas de quoi vous me parlez, dit Saona.
— Ne me prends pas pour quelqu’un de stupide, ma petite !
— D’accord ! D’accord ! C’est une plante que j’ai trouvée. Je l’ai appelée « pilili » parce que… ben c’était drôle. Elle soigne toutes les blessures. J’ai tout testé sur moi ces dernières semaines et tout semble aller bien.
— Je peux voir ces plantes ?
Madame Lise ne semblait pas vouloir faire du mal à Saona qui n’eut pas d’autre choix que d’accepter. La professeure s’invita donc dans la grotte pour observer les plantes de plus près et confirmer qu’il s’agissait bien là d’une espèce vraiment inconnue. Elle avait apporté un livre sur les plantes et murmurait souvent que c’était quelque chose de fascinant.
— En quoi est-ce si fascinant ? demanda Saona.
— Ces fleurs ne semblent pas répertoriées officiellement mais elles ressemblent à d’autres, certainement de la même famille. Il s’agirait donc de fleurs cousines qui auraient pris les meilleures propriétés de toute la famille pour devenir une fleur soignante au pouvoir bien plus actif que les autres.
— On pourrait aider des personnes avec ça… mais il faut éviter que le gouvernement ne le sache. Sinon, ce sera encore réservé à une élite.
— On se rebelle, Mademoiselle, rit Madame Lise. On va essayer de cacher ça aussi longtemps que possible mais ce sera très difficile avec les gardes présents partout dans la ville… et dans le pays.
Madame Lise n’avait pas idée à quel point sa remarque était pertinente. En effet, depuis l’extérieur, Saona fut appelée. On reconnut directement la voix du Sergent Corsa et il semblait très en colère. Lui et ses gardes se trouvaient à proximité de la grotte et le chef fut surpris de découvrir que Madame Lise était également présente mais il ne lui dit rien en particulier. Il avait surtout pour objectif de parler à la jeune Saona qui fut horrifiée de découvrir ses parents à genou devant les gardes. Le Sergent tenait en main la grande plume du Phoenix noir qu’elle avait ramassée.
— Eh bien, eh bien, dit Corsa. Qu’avons-nous ici ? Une petite demoiselle qui essaie de dissimuler sa véritable identité ? Bonjour Alice, la Sorcière Rose.
— Quoi ? s’étonna Saona.
— Eh oui, pauvre idiote. J’ai retrouvé l’orphelinat en question et ton dossier avait pour nom Alice Nyyssen, le même nom de famille que les anciens rois. Pas subtile pour une femme décrite comme intelligente. Tu espérais sans doute que le nom des Nyyssen attire vers toi la Résistance, hein !
— Je ne vois pas de quoi vous parlez, dit Saona.
— Ne me mens pas, petite idiote ! Tu as une plume noire comme la Sorcière Rose et tu vas me faire croire que c’est un hasard ? Un Phoenix de Dargeria se baladerait comme ça dans le ciel ?
— Je vous assure que j’ai trouvé cette plume ici après…
— Silence ! Qu’on l’arrête !
Saona n’avait que faire de son nouveau prénom. Elle était Alice et le rappela quand on lui passa les fers aux mains mais elle n’était pas la Sorcière Rose. Madame Lise fut laissée tranquille mais elle eut un triste ressenti en voyant une jeune fille arrêtée pour rien. Mais elle devait s’occuper des plantes tant qu’on ne savait rien sur elles. Elle n’allait pas en rester là, pour la jeune Alice.
Alice resta sans doute trois ou quatre jours toute seule sans avoir la moindre nouvelle de ses parents jusqu’à ce qu’on vienne la chercher pour l’interroger. Mais le seul objectif des enquêteurs était de faire avouer à la demoiselle qu’elle était bien une Sorcière et qu’elle avait comploté pour trouver des alliés. Mais ce n’était pas vrai.
— Allons ! scanda un des gardes. Tes parents ont tout avoué ! Je n’ai même pas besoin que tu confirmes pour savoir la vérité !
— Je ne suis pas la Sorcière Rose !
— Que tu es bête quand même ! Allez, encore quelques heures en cellule et on verra ce que tu diras quand tu sortiras !
Alice fut donc reconduite vers sa cellule sans ménagement. Elle recommença à marcher de long en large en regrettant de ne pas réellement être la Sorcière Rose car elle aurait aimé mettre au point certaines choses avec ces fichus gardes. Mais elle fut interrompue dans ses pensées par l’ouverture de la porte et l’entrée du Sergent qui tenait fermement Madame Lise par le bras.
— Madame Lise n’a rien à voir dans cette histoire, dit Alice.
— Elle est liée si je décide qu’elle est. Mais je te rassure, ce que tu vois n’est pas toujours ce qui est à voir. Allez, en avant !
Madame Lise fut jetée dans la cellule à la place d’Alice qu’on amena vers la sortie des locaux. Elle ne comprit pas tout de suite ce qu’il se passait. Elle finit par le comprendre quand Madame Lise sortit de sa cellule comme si elle connaissait un chemin secret. Elle s’attaqua au Sergent Corsa directement.
— Espèce de sale magicienne, dit Madame Lise au Sergent.
Et Alice comprit. Le sortilège était troublé, ce qui étonna tous les gardes. Un sortilège avait donné une fausse image. En réalité, Madame Lise était Tom Corsa et inversement. Lise réussit à donner un énorme coup de poing dans la gorge du Sergent qui tomba lourdement sur le sol, lui coupant le souffle. Tous pouvaient voir que Madame Lise était bien capable de se battre.
— Mais qui êtes-vous ? demanda Alice.
— Celle que tout le monde recherche.
De la tête aux pieds, de petites étincelles lumineuses firent apparaître le vrai visage de Madame Lise. Ses vêtements devinrent une simple robe noire et elle avait une plume de phœnix noir attachée dans le dos. C’était la véritable Sorcière Rose et elle allait se faire attaquer. Mais non. Elle utilisa un autre sortilège d’illusion, quelque chose d’étrange qui fit croire à tous les gardes qu’ils étaient tout nus alors qu’ils portaient bien leurs vêtements. Ce fut en tout cas suffisant pour stopper les gardes qui cherchèrent à dissimuler une nudité inexistante au lieu d’attaquer la Sorcière.
— On y va ! dit la Sorcière Rose.
— Mais… et mes parents ?
— … je suis désolée, je ne sais plus rien faire pour eux.
La jeune Alice comprit que ses parents n’étaient plus en vie ou du moins trop mal que pour être aidés. Mais la Sorcière Rose n’en eut pas fini immédiatement. Elle utilisa une dernière fois son pouvoir pour faire sauter une porte qui semblait être un placard. En réalité, c’était une pièce qui renfermait les épées, lances et boucliers et on y avait également placé là la plume du phœnix noir que la jeune Alice avait ramassée.
— Il faut que tu la prennes, dit la Sorcière Rose. C’est à toi. Ton royaume te l’a donné.
— Mon royaume ? s’étonna Alice.
— Oui, ton royaume. Je te cherche depuis pas mal de temps parce que tu es une personne importante pour Tadorannia.
— Mais pourquoi !? s’énerva Alice.
— Parce que tu es la dernière des Nyyssen. Parce que tu es la Reine de Tadorannia.

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