Poweria Tales : Les prémisses du renouveau Chapitre 3

7 mins

L’espace, si on m’avait dit que j’y serais un jour. Autrefois, on appelait cette vaste étendue obscure “La dernière frontière”, mais maintenant ce n’est plus qu’une autoroute sans fin. L’homme peut désormais parcourir les étoiles sans limites, il est parvenu à ressusciter, il a réussi à s’extirper de sa tombe déjà creusée.

Le sacrifice de millions d’âmes a eu de l’utilité, si l’on peut dire que la mort est utile.

Mais le résultat est là, j’ai réussi ma mission, mon objectif est accompli. Pendant des années, j’ai parcouru le monde afin de trouver le salut de mon pays. Les sièges, massacres, batailles et attaques se sont succédé à une vitesse affolante pour aboutir à cette fameuse nuit. “La Bataille du Grand Canyon”, telle est la dénomination officielle de ce carnage, fût l’apothéose d’une guerre sans merci entre plusieurs superpuissances. Ces affrontements sanglants où la pitié n’avait pas sa place, pas plus que l’honneur.

Parmi tous les soldats fauchés comme du blé, les machines de mort qui rasaient des villes entières et les hommes politiques impopulaires changeant de jour en jour, il y avait ma personne. Enfin, je dis ma personne, alors que je devrais dire notre personne. Mon escouade, mes soldats, mes sœurs d’arme. Nous étions, pour l’affirmer franchement, connectées les unes aux autres.

Ce que je pensais, elles le pensaient.

Ce que je voyais, elles le voyaient.

Ce que je ressentais, elles le ressentaient.

En somme, nos esprits formaient une sorte de cerveau collectif, une entité propre connectant nos pensées afin de nous rendre plus performante. Notre vigilance était sans égal, personne ne parvenait à nous prendre en embuscade. Sans même dire un mot, nous établissions des tactiques et des plans de bataille pouvant retourner le cours de la mêlée. Et alors que l’armée principale(Qui n’était que de la chair à canon pour nous) devaient user de codes et de messages cryptés pour communiquer, nous n’avions qu’à réfléchir pour prévenir. Et c’est cet ordinateur organique, ce réseau de chair et de sang qui faisait de nous l’élite. Certes, l’entraînement, le maniement des armes et la connaissance du terrain avaient aussi leur importance, mais en second plan. Car notre principale force, c’était la connexion nous unissant.

Néanmoins, ce lien avait un inconvénient majeur : je n’étais jamais seule. Bien entendu que la liaison éternelle avec mes semblables revêtait tout ce qu’il y a de plus exceptionnelle, mais à côté de ça… Aussi loin que je me le rappelle, je n’ai jamais eu d’intimité, je ne possédais pas mon jardin secret. L’entièreté de mes connaissances, je les partageais avec elles. C’est pour cela que jamais, au grand jamais, je ne devais laisser mes émotions prendre le dessus. Je dis émotions, ce n’était pourtant que des fractions d’émotions. Pour quelqu’un de normal, j’étais un bloc de glace d’où il n’émanait aucune humanité. Mais pour mon équipe, j’éprouvais une sensibilité accrue. Pas de la pitié pour l’ennemi, non, mais plutôt une pensée, une émotion furtive faisant naître en moi une certaine culpabilité.

Mais malgré cette faiblesse qui avait causé la perte de tant d’autres de mes semblables, je ne connus aucun préjudice notoire. Bien au contraire, j’ai gravi un à un les échelons de notre armée (Une armée dans l’armée plutôt) pour accéder à la direction d’une des meilleures escouades. Et nous avons enchaîné les victoires de plus en plus impressionnantes, parfois à 1 contre 1000, et avec nous c’est tout le Japon qui avançait. Un demi-siècle plus tard, j’apprends enfin que ces “Opérations spéciales”, (Du moins c’est le terme employé par notre gouvernement pour désigner les batailles successives) ont abouti, j’ai fait ce pourquoi on m’a formée. Mais, si j’ai accompli la mission, que dois-je faire à présent ?

8 janvier 2597, lendemain du réveil

Je n’ai pas réussi à dormir, ne finissant pas de cogiter sur mon sort et ceux s’étant joué depuis des lustres déjà. Ma plus grande préoccupation, la survie du pays, ayant été calmée, il me reste quand-même une certaine liste de questions. Pour le moment, en tout cas, je ne pense pas à ça. Je me concentre plutôt sur la suite, car la journée sera bien remplie. Joworgsen veut me montrer les installations de Terence, voilà comment ils appellent cette station spatiale – du nom d’un ingénieur renommé il paraît – dans laquelle ils vivent tous 24 heures sur 24. De ce que j’ai compris, l’équipage est partagé entre différents membres des nations coopératives, avec une majorité de Scandinaves. Et étrangement, j’arrive toujours à distinguer les ethnies, que ce soit des Coréens ou des Allemands. J’ai rapidement demandé à Joworgsen comment cela était possible, il s’est contenté d’affirmer que “chaque peuple avait trouvé sa place” avant de partir discuter avec un infirmier d’un quelconque malade en voie de guérison.

Aujourd’hui, je n’ai comme seule possibilité de suivre le Docteur, afin de me familiariser à ce nouveau monde. Je pourrai, certainement, le harceler jusqu’à ce que je sois éclairée (Et sans doute que ça ne lui posera pas de problème), mais je patienterai. Je reste donc silencieuse, écoutant ses conversations puis épinglant les gens. Presque tous me regardent bizarrement, probablement qu’aucun n’était au courant pour ma “résurrection”. S’ils savaient qui je suis, la peur ainsi que le dégoût remplaceraient la curiosité. Mais voilà à quoi je suis résolu, être un mouton. Bien loin de ma vie de tueuse (Car je ne me considère pas comme un soldat) ainsi que des journées bien ordonnées.

-“Yanimi, suivez-moi, je vous prie.”

Je suis surprise, le Doc vient instantanément de me tirer hors de mes rêveries, ou de mes ruminations plutôt (Ce qui est paradoxal, je devrais me réjouir au contraire). Il affiche une tête impassible, mais donne toujours cette impression d’être un acteur shakespearien. Je le suis, sans un mot, et nous arrivons 5 minutes plus tard dans un vaste hangar. Vaste, c’est peu dire : il est immense ! Une vraie fourmilière, où tout le monde s’active. Il y a des mécaniciens travaillant sur des véhicules (Que je ne saurais décrire, je ne sais guère pas où commencer), des ingénieurs s’assurant de la maintenance de la station, des scientifiques, … Et aussi, je l’ai remarqué directement, des soldats. Certes, ce ne sont que deux pelotons (Donc, pas plus de 40 hommes environ, à l’œil) mais c’est impressionnant, je le concède. Les avancées militaires ont été prodigieuses, quand je détaille leur accoutrement, j’en ai l’impression.

Ils ont des casques d’un rouge grenat avec une large visière noire leur couvrant tout le haut du visage. À chaque poitrine pendouille un masque à oxygène couleur corail relié à une bombonne dans le dos. Leurs uniformes sont composés de treillis avec moult teintes de rouge orangé. Les bottes, épaisses et à lacets, tirent vers le bordeaux. Les armes enfin, il y en a deux par personne. Ce qui correspond vraisemblablement à une arme de poing est rangé dans un holster (Ressemblant vaguement à du cuir) sur la ceinture, alors que chaque homme et femme tient en main une arme (Un fusil d’assaut ?). Elle possède un canon assez court, une poignée avant pour la maniabilité, un viseur thermique et un sélecteur de tir, de rafale à coup par coup. Le tout dans les mêmes coloris que la tenue.

-“Alors, ça vous impressionne ?” Parvient à me dire Joworgsen, malgré le vacarme fait de voix et bruissements métalliques.

-“Ou, c’est quelque chose, je dois encore m’habituer à être émerveillée.”

-“Vous verrez, ça va arriver. D’ici à une semaine, vous ne ferez même plus attention à toutes ces choses.”

-“Alors… Pourquoi ai-je dû vous suivre ? Vous auriez très bien pu me laisser dans ma chambre.” Il se gratte le menton, avant d’ouvrir la bouche.

-“Oui, mais ça n’aurait pas de sens. À la place, vous allez m’accompagner sur la terre ferme.”

La terre ferme ? Je vais pouvoir refouler un sol qui n’est pas métallique ? Je peux sans doute affirmer que c’est la meilleure nouvelle de la journée et la plus importante. Enfin, je vais voir le nouveau lieu d’habitation de la race humaine.

-“O.K., tout ce que je veux, c’est voir de mon propre chef ce “Nouvel Eden”. Il y a beaucoup de monde qui vit sur cette planète ? Compte tenu de sa taille, il y doit y avoir de la place pour des millions de personnes, même si les la verdure semble peu présente.”

-“Hmm…”

-“Qu’il-y-t-il ? Que je demande. J’ai faux, c’est ça…”

Il ne répond pas, encore, mais me fait signe de le suivre vers un bureau, à l’autre extrémité du hangar.

-“Nous voilà au calme, enfin un peu près”

-“Oui, et maintenant répondez.” Dis-je en le scrutant dans les yeux, ce qui est compliqué. Il dépasse aisément 1,90 m alors que je fais à peine 1,65 m.

-“Yanimi, vous avez affirmativement faux. En fait, Poweria One n’est pas une planète habitée à proprement parlé. Effectivement, sa taille permettrait la venue de millions d’individus, mais l’oxygène y est rare, 18% seulement. De plus, les plantes n’existent que dans des îlots isolés les uns des autres ; ce sont les taches vertes que vous voyez. Sans parler des tempêtes de poussière, parfois planétaire, qui la balaient.”

-“Une planète comme Mars en somme…”

-“Mars ? Ah euh, oui, Mars. La planète rouge, voisine de la Terre. Pardonnez-moi, mais les connaissances anciennes ne sont pas mon point fort.”

-“D’où mon utilité grandissante ?”

-“Tout à fait. Mais pas d’inquiétudes, vous n’allez servir d’encyclopédie vivante, pas directement. Tout d’abord, je dois me rendre sur Poweria One voir des patients, qu’on ne peut pas transporter au passage. Ensuite, nous reviendrions pour nous préparer, et enfin nous décollerons pour la prochaine destination.”

-“Une autre Poweria ?”

-“Exact, vous êtes perspicace ! Dit-il en faisant mine de m’applaudir. Ce plan vous convient ?”

-“Ai-je seulement le choix ?”

-“Pas faux… bref, en route pour le hangar, la zone de décollage pour être précis.”

Nous repartons donc pour la bruyante fourmilière, et pendant que nous marchons dans les couloirs, une question me taraude.

-“Mais dites-moi, à quoi sert cette planète ? Il y a des gens, mais pas de ville, alors c’est autre chose. On y travaille ?”

-“Oui, c’est un lieu de travail. Poweria One est une vaste succession d’étendues vide pour la plupart, en apparence. En fait, les sous-sols regorgent de minerais divers et variés : Fer, aluminium, silicium et j’en passe. La plupart sont sous forme d’oxyde, mais on a notre petite technique pour les rendre utilisables.”

Il n’ajoute rien d’autre, puis nous arrivons devant notre moyen de transport : Un vaisseau spatial. Il est assez gros, comme d’une seule pièce. Les propulseurs sont sur les côtés et une large porte est à l’arrière, le genre qui s’ouvre vers le bas. Je pense que c’est un vaisseau de transport de troupes. On est bien loin des avions à décollage vertical et vol stationnaire que moi et les autres troupes utilisions. Ce truc doit aller bien plus vite.

Joworgsen me donne une tenue, et m’indique un vestiaire, avant d’aller se changer aussi. L’uniforme est sensiblement le même que celui des militaires. En quelques minutes, je suis de retour devant notre transport. Je suis comme un soldat, sauf que je n’ai pas d’armes. De toute façon, je n’en ai pas besoin, je suis l’arme.

-“Vous avez été rapide ! Dis le Doc en apparaissant devant moi, dans une tenue identique à la mienne. Vous êtes prêtes ?”

-“Oui…”

-“Parfait, alors en route !” S’exclame-t-il

Nous prenons place à l’arrière. Hormis nous deux, il y a 2 pilotes, 10 soldats et 3 autres passagers. Le vaisseau est amené à l’aide un treuil vers la Z.D., la “porte” (Une barrière énergétique, nous protégeant du vide intersidéral) va s’ouvrir, le temps que le personnel libère le passage. Elle s’ouvre, mon cœur accélère le rythme. Je sens mes battements tambouriner dans mes tympans. J’y suis, ça y est, me voilà dehors. L’univers s’ouvre à moi, il me tend les bras. Je suis parée à cette nouvelle aventure, à tous les dangers. Et pour la mémoire de mes proches depuis longtemps disparues, je ferai tout pour rassembler les pièces du puzzle.

Rien ne m’arrêtera, sauf peut-être une chose : Quel sens donner à ma vie maintenant ?

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