L.I.V.

14 mins

Ceci est le premier jet d’une nouvelle.

La jeune femme sentit sa nuque pencher doucement en avant, quand soudain elle un rayon lumineux traversa son visage.

Elle sursauta et ses yeux s’ouvrirent brusquement, ses ongles s’enfoncèrent à chaque extrémité du volant, elle s’accrocha vivement, comme si sa vie en dépendait.

Une fois de plus, Liv faillit s’endormir au volant de sa voiture.

Encore un petit effort, tu y es presque, songea t-elle.

Il était presque minuit, pour une fois Dan s’était montré relativement compréhensif et avait consenti à laisser partir la jeune femme avant même que son service de nuit ne fut terminé. Liv se repassait la scène en boucle.

Dan et son air bourru habituel, accoudé au comptoir en train d’observer les danseuses et les clients : « Liv, tu ne peux pas te permettre d’être aussi étourdie, les clients viennent se plaindre et devine quoi… c’est moi qui passe pour un con après. Pour ce soir, tu vas me faire plaisir et arrêter les frais. Je veux que tu t’en ailles maintenant, reposes-toi ce week-end et reviens en forme, compris ? » dit-il en lui lançant un regard condescendant.

La jeune femme s’était contentée d’acquiescer timidement.

Dan leva les yeux au ciel et soupira d’un ton las : «  File, et ne me déçois plus, c’est tout ce que je te demandes ».

Liv était partie sans un mot.

La jeune femme s’en voulait, elle était loin d’être étourdie en réalité, seulement depuis qu’elle avait emménagé dans cette fichue maison au beau milieu du désert, elle cauchemardait systématiquement la nuit, et lorsqu’elle parvenait à s’échapper de ses mauvais rêves, elle était si terrifiée qu’il lui était impossible de se rendormir. Naturellement, cela affectait ses facultés et son attention.

Mais elle en voulait également à Dan, depuis le début, cet homme l’avait prise de haut. Il se croyait discret, mais elle avait rapidement découvert ses petites manies, il la frôlait souvent l’air de rien, trop souvent, et se permettait de lui jeter des regards concupiscents dès qu’elle était trop occupée à servir les clients. Dan souhaitait qu’elle monte un petit numéro de danse avec les deux autres filles du bar, mais Liv n’avait pas cédé, elle était serveuse, pas danseuse. Depuis, Dan se montrait toujours intransigeant et désagréable, le dialogue était impossible. Leur relation de travail, déjà au combien délicate, avait empiré avec les erreurs répétées de Liv dû à la fatigue et au manque de sommeil.

Liv avait envie de pleurer, elle se sentait prise au piège, entre un travail qui n’avait rien d’épanouissant et cette maison dans laquelle elle ne se sentait pas à l’aise.

La jeune femme essuya ses yeux humides d’un rapide revers de la main, il n’y avait personne à part elle sur la route, la nuit était tombée dans le désert.

Bientôt Liv vit se dessiner la silhouette familière de sa petite maison.

Elle était plutôt traditionnelle, un peu plus grande qu’un bungalow en bois.

La jeune femme gara sa voiture, empoigna son sac à main et sa veste et ouvrit la porte d’un geste vif.

Liv alluma la lumière aussitôt et ferma la porte à double tour. La jeune femme procédait toujours ainsi, c’était une sorte de petit rituel, elle se sentait plus en sécurité en procédant ainsi. Liv soupira en s’adossant contre la porte, les bras derrière le dos.

C’est bon, tu es rentrée, ne pense pas au reste pour le moment.

Elle prit une profonde inspiration et expira lentement en regardant autour d’elle, son salon était quasiment vide, il n’y avait que le strict nécessaire : une table en bois, deux chaises et un buffet sur lequel était posé une vieille télévision, et quelques boîtes en carton dont elle ne s’était pas encore débarrassée.

Liv n’avait pas beaucoup d’argent, et avait cru que cette petite maison isolée était une affaire en or. Le loyer n’était pas cher, il y avait une station d’essence à quelques minutes et la première ville était située en périphérie du désert, à seulement un quart d’heure en voiture. Seulement voilà, personne ne l’avait prévenu de l’étrange présence qui semblait hanter les lieux. Ou bien…C’est elle avait une imagination trop fertile. Liv secoua la tête, non, elle n’avait pas pu inventer tous les cauchemars, la sensation d’être observée du coin de l’oeil depuis qu’elle avait emménagée ici, et cet homme au teint si pâle, presque translucide, qui revenait souvent dans ses cauchemars, qu’elle ne parvenait jamais clairement à identifier.

Elle n’avait jamais éprouver ce genre d’inquiétudes auparavant.

La jeune femme sentit ses paupières s’alourdirent de nouveau, elle faillit perdre l’équilibre, mais elle se redressa d’un coup en hochant la tête. Pour le moment, il fallait absolument qu’elle se repose, elle n’avait pas d’autre choix et ne pouvait pas risquer de perdre son travail, même si celui-ci était pénible.

Liv déposa soigneusement sa veste sur la chaise du salon, et se dirigea vers l’escalier pour rejoindre sa chambre.

La jeune femme ne prit même pas le temps de se déshabiller, et se laissa tomber sur le matelas comme une pierre, en prenant son oreiller dans ses bras.

Ses yeux se fermèrent, en quelques minutes elle se laissa glisser dans un doux et profond sommeil.

Quand Liv ouvrit les yeux, elle se sentit étrange, sa vision était trouble, son souffle était erratique et raisonnait à l’intérieur de sa tête, comme un écho lointain. Elle se redressa péniblement et ressentit comme un poids dans sa poitrine. La jeune femme jetait des regards inquiets, elle ne reconnaissait pas son corps.

Liv portait un pantalon d’homme, mais ce n’était pas tout, sa peau était extrêmement pâle et couvertes de scarifications très fines. Liv laissa glisser les mains le long de son ventre, puis remonta jusqu’au torse, elle laissa ses mains un long moment et réalisa qu’elle n’avait plus de poitrine. Prise de panique, elle posa les deux mains sur son crâne. Sa longue chevelure avait également disparu, elle ne sentait que de légers et courts cheveux.

Sa vision était encore troublée, tout semblait onduler dans une danse étrange, autour d’elle. Liv se mit à tituber et essaya de crier, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Elle recommença encore et encore, en vain. En plus de ce nouvel état, elle avait la sensation de perdre pied, comme si elle n’avait presque pas de stabilité sur ses jambes. Liv se laissa glisser et se retrouva à genoux sur le sol dur et chaud, à ce moment-là, elle comprit : c’était un rêve. Elle se sentait à la fois à l’extérieur et à l’intérieur du corps de cet individu, qui n’était pas le sien.

La jeune femme commençait à comprendre, elle était à la fois spectatrice et actrice de ce songe, une partie d’elle semblait cohabiter avec le corps de cet homme, dont le visage était partiellement flou, tel un spectre.

Elle pouvait percevoir, entendre et voir ce qu’il ressentait à tout moment, si elle se concentrait de toutes ses forces, elle pouvait adopter son point de vue.

Dans l’esprit de la jeune femme, c’était clair maintenant, elle se trouvait aux côtés de cet albinos qui hantait ses cauchemars et qui régnait à l’intérieur de la maison, sans jamais se montrer.

Lorsque Liv retrouva un peu ses esprits, l’homme le sentit et jeta un regard par-dessus son épaule, la jeune femme se pétrifia sur place, mais l’individu n’y prêta aucune attention, peut-être n’avait t-il pas conscience de sa présence ?

Il se redressa et regarda autour de lui.

Le rêve se déroulait dans le désert, sous un soleil crépusculaire. L’homme repéra un petit endroit à plusieurs mètres, où l’on pouvait voir qu’un peu de végétation avait poussé, essentiellement des petits cactus et des buissons épineux. Liv se demanda pourquoi l’individu avait focalisé toute son attention sur cet endroit, elle le suivit du regard. Lorsque l’homme se retrouva à hauteur des cactus et des buissons, il s’allongea sur le ventre, et se mit à jouer des coudes tout en rampant, pour passer sous les épines des buissons. Liv était méfiante, mais ne pouvait s’empêcher d’être intriguée, elle accompagna l’homme dans sa pénible traversée.

Liv sentait le souffle saccadé de l’homme dans son esprit, le sable et les cailloux qui s’enfonçaient dans la chair nue et laissaient de petites traces rouges sur la peau très pâle. Mais plus il progressait, plus l’homme était excité, et une chaleur agréable se répandait dans tout son être, Liv se sentait également imprégnée de ces sensations.

Où vas-tu m’emmener ?

Au bout de quelques minutes, l’homme s’arrêta puis se retourna, comme si il se sentait épié, son visage était toujours flou aux yeux de Liv. Il attendit un long moment, presque sans bouger ni respirer tel un reptile, puis se redressa lentement et brisa des branches sèches et fragiles, qui se trouvaient sur son chemin. Quand le chemin fut enfin dégagé, l’albinos contempla une ombre difforme. Liv écarquilla les yeux et se concentra de toutes ses forces, plus elle était en symbiose avec l’homme, plus elle percevait les choses avec acuité. La jeune femme commença à imiter les moindres mouvements de l’homme, ils s’agenouillèrent ensemble, puis elle se pencha en avant comme lui, quand soudain, elle dû s’arrêter brusquement, comme si elle avait été foudroyée. La vision de Liv s’ajusta, et elle commença à entrevoir une silhouette humaine et sombre allongée et immobile. Elle sentit des picotements traverser tout son corps en entendant le petit rire sec, émit par l’homme.

Ce dernier se rapprocha encore plus près du cadavre, Liv se força à s’approcher aussi, et se sentit transpercé de l’intérieur en voyant très nettement maintenant que le cadavre lui ressemblait en tout point. Cette fois-ci la jeune femme n’essaya même pas de crier, elle savait que c’était inutile, elle sentit des larmes se mettre à couler toutes seules le long de ses joues.

L’homme se pencha sur le corps inerte et saisit le visage de la femme dans ses deux mains, il le manipula doucement tout en l’observant.

C’était bel et bien son visage, sa chevelure, sa peau avait séché au soleil, ses lèvres étaient violettes et gercées. Liv déglutit avec difficulté, lorsqu’elle aperçut des fourmis sortirent de la bouche sans vie.

Cette scène odieuse l’écoeurait, son cœur cognait violemment dans sa poitrine, elle implorait silencieusement son esprit pour s’échapper de cette vision mortifère, Soudain, l’albinos se retourna violemment, et pour la première fois depuis le début du rêve, il sembla voir Liv, car son visage imprécis s’attarda longuement. La jeune femme se mit à trembler de tous ses membres, devant ce monstre sans visage. L’albinos reporta de nouveau son attention sur le cadavre. Il déchira sans ménagement le t-shirt qui recouvrait le haut du corps du cadavre. Il passa sa main sur le ventre nu, caressant doucement de haut en bas, puis s’en prévenir, plongea violemment ses deux mains à l’intérieur du ventre rigide de la jeune femme morte.

Cette fois-ci Liv réussit à pousser un cri strident, en se tenant le visage des deux mains, elle ferma les yeux, ne pouvant plus supporter cette vision infernale. Le vent du désert se mit à souffler très fort, une nuée de poussière se dirigea droit sur la jeune femme et le mystérieux individu, tout disparut.

Liv se redressa paniquée dans son lit, son cœur battait la chamade et son esprit était déstabilisé. La jeune femme se mit à sanglota de rage, pourquoi lui était-il impossible d’obtenir, ne serait-ce qu’un peu de répit ?

Liv eut bientôt mal à la tête à force d’essayer de refouler les larmes qui l’assaillaient. Elle attrapa sa longue épingle à cheveux en fer, et la glissa fermement dans la poche de son jean. La jeune femme se leva maladroitement, pour aller chercher un somnifère dans la salle de bain.

Lorsque Liv traversa le petit couloir, elle ne put s’empêcher de se retourner plusieurs fois par prudence mais il n’y avait personne. Toutefois, la jeune femme avait pris soin de retirer ses chaussures et marchait à pas de loup, au moment où elle arriva au niveau de la porte de la salle de bain, elle perçut de petits sons étranges. Liv se pencha lentement contre la porte en bois et tendit l’oreille avec appréhension.

Elle entendit des petits clapotis, aussitôt, la jeune femme eut un mouvement de recul. Son rythme cardiaque s’accéléra de nouveau, ce n’était pas le robinet qui coulait, les bruits devaient provenir de sa baignoire. Quelqu’un avait réussit à pénétrer dans la maison, mais comment était-ce possible ? La salle de bain était une pièce sans fenêtre, et bien qu’elle soit très fatiguée, Liv n’aurait jamais laissé sa baignoire remplie d’eau, cela faisait au moins deux semaines qu’elle n’avait pas pris de bain, de toute façon.

La jeune femme prit sa tête entre les mains et lutta contre la crise d’angoisse imminente,

Tu dois te calmer, ressaisis-toi ! Il y a forcément une explication. Tu vas prendre le temps de respirer, et ensuite tu vas entrer. Tout ce dont tu as besoin c’est un peu de sommeil réparateur, et tout va s’arranger. Tout doit s’arranger.

Liv expira longuement, et lorsqu’elle se sentit prête, approcha sa main tremblante de la poignet de la porte, Elle s’en saisit et la fit coulisser doucement vers la droite. La porte s’ouvrit sans un bruit, Liv resta prudemment en arrière et jeta un rapide coup d’ oeil à la pièce.

La salle de bain était plongée dans l’obscurité, mais tout semblait normal à première vue. A sa droite, le lavabo était vide, elle aperçut sa trousse de médicaments. La baignoire placée au centre de la pièce, ne semblait plus du tout suspecte. La jeune femme reprit confiance, mais au moment où elle entra dans la pièce, la porte se referma en claquant violemment derrière elle. Liv trébucha en sursautant, et la lumière s’alluma simultanément, elle était d’une blancheur agressive, si bien que Liv dû se couvrir les yeux.

La jeune femme ne prit même pas le temps de réfléchir et se précipita vers la porte, elle fit tourner la poignet dans tous les sens, en vain. Elle était prise au piège.

-Ne perds pas ton temps. Rejoins-moi, murmura une voix masculine, dans un soupir.

Liv se retourna brusquement.

La pièce était toujours vide, mais cette fois elle distingua de petites flaques d’eau mêlées à de mystérieux filaments rouges, au pied de la baignoire. La jeune femme sentit de nouveau une vague d’angoisse se répandre dans son corps, ses jambes commencèrent à trembler contre sa volonté. Elle s’adossa contre la porte, pour retrouver un peu de stabilité.

– Qui…Qui êtes-vous ? murmura t-elle.

N’obtenant aucune réponse, Liv commença à s’approcher avec précaution de la baignoire, elle se rendit compte que celle-ci était finalement remplie presque à ras bord. Mais le plus étrange était qu’elle ne contenait pas seulement que de l’eau, mais d’une substance liquide rougeâtre et filamenteuse. Cela ne ressemblait pas tout à fait à du sang, mais plutôt à des petits agrégats composant un organe.

– Oui, approche, reprit la voix en sifflant.

La jeune femme eut un haut le cœur, en commençant à deviner la silhouette familière de l’homme de ses cauchemars. Ce dernier immergea tranquillement de l’eau, en se débarrassant du voile rouge et tentaculaire qui le recouvrait. Pour la première fois, Liv put distinguer les traits de son visage anguleux. Tout comme son corps, le bas de son visage jusqu’à ses joues étaient recouverts de fines cicatrices, ses yeux ressemblaient à deux puits d’obscurités, enfin sa peau était d’une blancheur inquiétante. Liv ne put s’empêcher de réprimer un regard de dégoût en voyant les veines bleues et translucides qui circulaient à l’intérieur du torse et des avants-bras du mystérieux individu.

L’homme se mit à rire doucement de la stupeur de la jeune femme, puis recula jusqu’à l’extrémité de la baignoire et lui fit signe de le rejoindre à l’autre bout. Liv était pétrifiée sur place, et fit non de la tête.

L’homme la fixa longuement avec intensité, jusqu’à ce qu’elle cède progressivement. Liv ne comprenait pas ce qui lui arrivait, son corps se déplaçait contre sa volonté. Elle soupçonna l’homme d’utiliser une technique d’hypnose et le fixa à son tour d’un air sombre. Elle s’installa progressivement dans l’eau rougeâtre. Liv frissonna, l’eau était froide et bientôt ses vêtements lui collèrent à la peau, mais elle s’en fichait, c’était comme une armure qui la protégeait de la nudité de l’individu, qui lui faisait face.

Liv et l’homme s’observèrent longuement sans un mot, la jeune femme sentait qu’il la défiait, et bien qu’elle éprouvait de l’angoisse, pour la première fois de la nuit, elle se sentait suffisamment courageuse pour lui résister. Après tout, il était la cause de tous ses ennuis, non ? Elle n’avait pas le droit de le laisser prendre le dessus, si facilement.

L’homme aux cicatrices se mit à sourire et pencha légèrement la tête sur le côté, comme si il pouvait entendre les pensées de la jeune femme.

– Liv, Liv…Contrairement à ce que tu penses, je ne suis pas ton ennemi. Je ne comprends pas pourquoi tu me rejettes sans cesse, dit-il d’une voix traînante, feignant la déception.

– Je ne sais pas qui vous êtes, et je ne veux pas le savoir, répondit Liv en s’appuyant de chaque côté de la baignoire, pour se donner une contenance.

L’homme grimaça et secoua la tête.

– Tu es si têtue….

– Pourquoi est-ce que vous ne me laissez pas tranquille ? Je ne sais même pas qui vous êtes ! répliqua la jeune femme d’une voix tremblante.

L’homme la contempla silencieusement, puis émit un petit rire sec, comme si il avait entendu une plaisanterie que lui seul pouvait comprendre.

– Tu es très douée à ce jeu tu sais : te voiler la face. Puisque tu le prends ainsi, je vais me plier à ta volonté et jouer une fois de plus, le rôle que tu souhaites me donner. Tu finiras bien par comprendre.

Liv se sentit désarçonnée, au moment où elle ouvrit la bouche pour protester, l’homme se jeta sur elle avec violence et l’attrapa par la taille. Liv glissa dans l’eau et provoqua des remous, la jeune femme se cogna la tête contre l’extrémité de la baignoire. Lorsqu’elle rouvrit les yeux, elle remarqua avec horreur que la peau humide de l’homme commençait à fondre et à s’allonger, en se transformant en une substance moite et collante. La jeune femme se mit à crier et à se débattre, mais l’emprise de l’homme se resserra encore plus. Il se positionna au-dessus d’elle, leva les yeux au plafond et dit en souriant : «  il va falloir un peu plus que cela pour t’en sortir, tu sais ».

Liv cria de toutes ses forces, à en perdre la voix, mais toutes ses gesticulations étaient vaines. L’étreinte de l’homme la faisait suffoquer peu à peu, ses bras agissaient comme un étau de fer, bloquant progressivement sa respiration. Lorsque la jeune femme sentit l’oxygène lui manquer, elle songea qu’il ne lui restait plus qu’à sombrer dans l’inconscience. La jeune femme sentit le corps entier de son agresseur se liquéfier peu à peu, pour se fondre en elle. La pensée terrible de mélanger leurs corps provoqua une réaction épidermique et violente chez la jeune femme. Elle sentit grandir en elle, une colère bouillonnante, pleine de hargne. Liv parvint à projeter brutalement son corps de chaque côté de la baignoire, en renversant de l’eau de chaque côté.

La jeune femme parvint à dégager son bras droit de l’étreinte mortelle, et fouilla rapidement dans la poche de son jean trempé et en sortit son épingle à cheveux en fer.

Son agresseur, qui ne ressemblait plus vraiment à un homme maintenant, mais plutôt à une masse de chair informe et monstrueuse, l’observa du coin de l’oeil et émit un sifflement désagréable. Liv, trembla et allongea son bras droit en l’air, elle demeura dans cette position durant quelques secondes qui lui semblèrent durer une éternité, puis projeta la pointe fine et tranchante de l’épingle en plein milieu du front de son agresseur. Liv enfonça fermement l’épingle, jusqu’à entendre les os du crâne craquer sous la pression terrible de l’objet en fer. L’entité monstrueuse relâcha son emprise sur le corps de la jeune femme, ses membres collants et allongés se mirent à flotter à la surface de l’eau.

Liv expira bruyamment, ses yeux étaient révulsés, elle n’arrivait pas à croire qu’elle eut été capable d’une telle violence. Malgré le choc éprouvé, elle ne pouvait nier, ressentir un certain plaisir en voyant les conséquences de son acte, pour la première fois depuis longtemps, elle était en position de force et personne ne pouvait le contester.

La jeune femme, pressa l’épingle ensanglantée contre sa poitrine, et repoussa de ses jambes le cadavre monstrueux et dégoulinant de son agresseur. Tandis que Liv s’apprêtait à sortir de la baignoire, l’eau rouge commença à bouillir, des bulles de tailles différentes se formèrent sous le regard médusé de la jeune femme. Un craquement sourd se fit entendre, Liv baissa les yeux, le fond de la baignoire avait disparu. Des filaments rouges et tentaculaires agrippèrent ses poignets, Liv retint sa respiration, et se laissa entraîner au fond des abysses. La jeune femme ouvrit les yeux un court instant, des limbes obscures et rouge l’entouraient, c’était fini pour elle.

Les paupières de Liv s’ouvrirent doucement, elle passa sa main sur son visage pour dégager un petit peu de sable qui la gênait. La jeune femme se sentait envahie d’une douce chaleur, mais surtout, elle se sentait étrangement bien, reposée. Peut-être avait-elle enfin réussir à s’endormir après tout ? Mais pourquoi est-ce que le matelas était si dur alors ? La jeune femme étira ses jambes et buta sur quelque chose de dur. Elle hocha doucement la tête et grimaça. Elle ne se trouvait pas dans son lit, mais à même le sol. Elle caressa le sol, et prit une poignée de sable fin, puis le laissa couler entre ses doigts. Tout cela était de plus en plus curieux. La jeune femme se redressa légèrement, elle était dans le désert. Liv se sentait complètement désorientée, elle tourna la tête et sursauta. Une jeune femme endormie lui faisait face, son visage était en partie égratigné, du sable s’était incrusté dans ses cheveux châtains. Ses vêtements sombre étaient à moitié déchiquetés, et Liv distingua des hématomes sur ses jambes. Liv approcha son visage avec appréhension, et observa les traits fins de la jeune fille. Pas un souffle, elle était morte. Liv se retourna alors et eut un mouvement de recul. Un jeune homme, était étendu les bras le longs du corps, ses yeux étaient grands ouverts, mais il ne respirait pas non plus. Son torse avait été lacéré, et du sang coulait le long de son front.

Liv se redressa sur son séant et réfléchit. La situation lui échappait complètement. Elle se leva et remarqua également que ses vêtements étaient déchirés par endroits, toutefois elle n’était pas blessée contrairement à ses deux compagnons d’infortunes. La jeune femme fit quelque pas, elle se figea en remarquant un petit scorpion albinos, ce dernier s’arrêta dans sa course soudainement pour observer la jeune femme, puis repartit en direction des buissons épineux. Les épines, le désert, l’air chaud, les cadavres, Liv se retourna et murmura pour elle-même : «  est-ce que c’est toi qui est responsable ? »

Le vent souffla doucement sur son visage. Liv jeta un regard sombre vers les cadavres. Elle déplaça la jeune femme de sorte à ce que son visage repose sur la poitrine de son compagnon.

Liv était satisfaite de son œuvre, elle leva les yeux vers le soleil ardent et sourit, une sensation de joie intense s’empara d’elle, Liv avait la conviction qu’elle était enfin libérée de ses angoisses.

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